5.

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— Tu fais quelque chose là ? me demande Raphaël avec un sourire ravageur.

— Euh, j'allais regarder les bouquins mais...

— Toujours autant le nez dans tes histoires hein ? Tu veux pas aller boire un verre ?

Je rêve ? Raphaël De Marcq me demande d'aller boire un verre ? Au secours, mes genoux vont me lâcher.

— OK, ouais, ça pourrait être sympa.

On se dirige vers la zone restaurant, et je me sens tellement gauche. J'ai l'impression de marcher sur des sables mouvants et d'avoir la grâce d'un éléphant. Je suis ridicule, totalement ridicule.

On s'installe à une table et je commande un soda tandis qu'il prend un café.

— Alors, quoi de neuf ? me demande-t-il.

Quoi de neuf ? Par où commencer ? Mais je n'ai pas le temps de répondre que Camille débarque au bras de mon acolyte d'essayage de fringue.

— Ah, t'es là. Regarde donc sur qui je suis tombée en venant te chercher.

— Je croyais que tu devais faire des heures supplémentaires toi.

— Oh, une à la fois, c'est bien assez.

— Tu finiras par te faire virer.

— Tu sais bien que non, je suis indispensable à cette boite, et s'ils ne le savent pas encore, ils s'en rendraient compte en me virant et ramperaient à mes pieds pour que je reprenne mon poste.

Je ris, et elle se tourne vers Raphaël pour le saluer, sauf qu'elle ne l'avait pas reconnu avant.

— Raphaël ? dit-elle sur un ton glacial.

— Camille, heureux de te revoir. Et... ? dit-il en tendant la main au quatrième membre de ce petit groupe si mal assorti.

— Samuel, je m'appelle Samuel.

Enfin ! Je connais son nom.

— Asseyez-vous, dis-je en essayant de détendre l'atmosphère.

— Je ne voudrais pas vous déranger, je suis tombé sur Camille en sortant de la boutique et...

— J'ai insisté pour qu'il m'aide à te chercher, termine-t-elle à sa place.

— Eh bien, vous m'avez trouvé, vous méritez bien de boire un verre.

Il s'installe à ma droite et Camille à ma gauche. Immédiatement, elle me donne un coup de pied sous la table et me fait les gros yeux. Comme si j'avais fait quelque chose de mal...

— Euh, je vous assure, je ne voudrais pas vous déranger.

— Mais vous ne nous dérangez pas, Samuel. Raphaël est un vieil ami que je n'avais plus vu depuis cinq ans au moins.

— Ce n'était pas encore assez long, j'entends Camille murmurer vindicativement.

Elle n'a jamais pu lui pardonner la façon dont il me traitait quand on était jeune. Évidemment, c'est ma meilleure amie. Avec le recul, je peux comprendre que j'étais un boulet pour lui, mais pour elle, rien ne justifie de briser le cœur d'une fille une bonne dizaine de fois, surtout si cette fille, c'est moi. Elle a sans doute raison, mais je n'ai jamais été très objective avec lui. S'il s'était contenté de me repousser, les choses auraient été différentes, mais oui, il a toujours joué avec moi, me faisant croire que j'avais une opportunité pour le démentir le lendemain, ou la semaine suivante. Camille a toujours dit que c'était cruel de sa part, et elle l'a toujours détesté pour ça. Mais bon, nous sommes adultes maintenant, elle finira par s'y faire.

Nous discutons de tout et de rien, et Camille arrive même à faire des efforts pour tenir une conversation avec Raphaël. Je sais très bien pourquoi elle fait ça, elle veut que je discute avec Samuel, ce que je fais, mais mon regard ne peut s'empêcher de faire la navette entre les deux hommes, si attirant chacun à leur façon.

Samuel et moi discutions un peu à nos pauses clopes. Je découvre ici que c'est un garçon assez drôle quoique timide. Nous nous décidons enfin à nous tutoyer, et je pense que la semaine prochaine, nos pauses risque de durer un peu plus longtemps. Camille est aux anges quand elle voit à quel point on s'entend bien, elle a un air victorieux sur le visage qui ne me plait pas du tout.

— Bon, Messieurs, il va falloir qu'on y aille. On doit se préparer, dit soudain Camille.

— Se préparer ? je demande, surprise.

— Oh, on a oublié de t'en parler ma belle, on sort ce soir.

— Quoi ? Mais... Camille, je reprends tout bas, c'est quoi ce plan ? On n'avait rien de prévu ce soir.

— Changement de planning, ça arrive ma belle, et tu ne vas pas nous laisser sortir toutes les trois sans toi, hein ?

— Tu sais que parfois, je te déteste.

— Moi aussi je t'aime mon cœur.

— Vous sortez où ? demande Raphaël.

— En ville. On va aller manger dans le piétonnier et on finira certainement au pub Irlandais, comme toujours.

Sur ce, elle me laisse à peine le temps de dire au revoir et elle me traine hors du centre commercial.

— On se retrouve chez toi dans dix minutes, me dit-elle sur un ton tout sauf amical.

Et elle fonce vers sa voiture. Je prends mon sac pour en sortir mes clés, mais je ne les trouve pas. Putain de merde, j'ai paumé mes clés ! J'enrage et cherche mon téléphone pour appeler Camille, qui est déjà super loin, sauf que, là pareil, pas de téléphone dans mon sac. Je commence sérieusement à paniquer et prends la direction du centre pour retourner voir au café quand je vois Raphaël arriver, un grand sourire aux lèvres, en agitant mes clés et mon téléphone.

— Un jour, tu oublieras ta tête, tu le sais ça ?

— Merci de me les avoir ramenés.

— Mais de rien. Ça va, elle ne t'a pas trop admonesté ?

Camille ne s'est jamais caché de la haine qu'il lui inspirait, donc il a vite compris qu'elle n'était pas du tout heureuse de le trouver avec moi, si tant est que son attitude polaire n'avait pas suffi.

— Oh, j'y aurai droit à la maison, ne t'inquiète pas pour ça.

— Si tu veux, je repars avec tes clés, comme ça, pas de sermon.

— Si je n'y ai pas droit maintenant, ça sera pire lundi au boulot, elle aura eu le temps de cogiter...

— Je comprends, alors je te laisse y aller. Dis, vous allez vraiment aller au pub ce soir ?

— Il y a des chances. Quand Camille décide quelque chose, en général, on ne remet pas sa décision en doute.

— Je passerai peut-être faire un tour au pub ce soir du coup. Alors, peut-être à tantôt.

Je n'ai pas le temps de balbutier une réponse qu'il repart déjà. Pourquoi voudrait-il venir au pub ce soir ? Pour me voir ? Non, non, c'est carrément stupide.

Allons, Elise, calme-toi. Les années ont passées, déjà de un, de deux, vous n'avez finalement pas tellement eu l'occasion de discuter, il a peut-être juste envie de prendre des nouvelles d'une vieille amie... Ouais, c'est ça, j'y crois. C'est vraiment pas son genre.

Bon, allez, je monte en voiture et je rentre chez moi pour me faire sermonner par ma meilleure amie qui va me rappeler toutes les bonnes raisons que j'ai de prier pour que Raphaël ne vienne pas au pub ce soir...

Une seconde chance (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant