[Samedi 4 mars. Heaven a pris une pause dans l'entraînement. Isolée avec Jake, ils se sont confiés mutuellement et ont partagé un moment intime.]
_ _ _ _ _
— Vous étiez passés où ?
Je réponds à Zac d'un geste évasif de la main, m'abritant de la pluie avec les autres. Le Changeur est assis sur le fauteuil que j'occupais tout à l'heure. Sur un des accoudoirs, il y a une tache de sang.
Ici, on entend le bruit assourdissant des trombes d'eau, et l'odeur de l'herbe mouillée emplit l'atmosphère, se mêlant au métal du sang et à l'amertume de la sueur. J'essore mes cheveux en jetant un regard autour de moi, dans un silence teinté d'impatience.
Et le roi arrive un instant après, comme s'il n'attendait que que nous soyons tous réunis pour faire une entrée théâtrale. Accompagné de gardes portant deux grosses malles en bois, il referme la double porte derrière lui en faisant passer un coup de vent dans toute la pièce, soulevant cheveux poisseux et fleurs fanées. Du coin de l'oeil, je vois Stefen sourire imperceptiblement en s'avançant vers son souverain.
— On les attendait, commente-t-il alors que les gardes posent les malles au sol.
Quand ils les ouvrent, je n'ai pas besoin de demander ce qu'elles contiennent. La plus grosse s'ouvre sur une masse de cuirasses sombres, l'autre sur des armes, des ceintures et des baudriers.
— Voilà ce que vous devrez porter dès que vous serez dehors à partir de maintenant, annonce le roi.
Kaleb est le premier à se pencher pour prendre une cuirasse, la dépliant pour en dévoiler les couches étrangement scintillantes vues de près. Il l'enfile par dessus sa tenue de combat, recouvrant son torse de l'étrange matière. Je le vois écarquiller les yeux, et à l'instant où il commente sa légèreté, la cuirasse s'étale d'elle même, remontant jusqu'à son cou et recouvrant tous ses bras. Je ne réprime pas un « Oh ! », auquel le roi répond avec un sourire :
— La science des fées sera toujours épatante.
Ce commentaire semble engager le mouvement, et tout le monde prend une cuirasse avant de l'enfiler. S'ajoutant au pantalon cargo et à la veste renforcée, le nouveau vêtement semble s'adapter au corps de chacun.
Je prends la mienne au même moment que Nadia, manquant de me cogner contre elle. Ses oreilles pointues frémissent, comme si elles étaient la seule partie de son corps ne pouvant feindre l'indifférence.
Comme Kaleb l'a dit, la cuirasse est si légère qu'on la sent à peine. S'ajustant parfaitement au moule de mon corps, la matière s'étend comme sur les autres, m'arrachant des frissons sur le cou et les poignets lorsqu'elle s'y dépose. J'observe mes bras, tentant de définir ce mélange de cuir et de métal sombre, semblant être à la fois aussi souple que de la soie et aussi résistant qu'une armure. Je pensais suffoquer, enfermée, mais c'est comme si elle faisait tout pour se faire discrète sous mon inquiétude.
Lorsque je relève les yeux vers les autres, ils sont en train d'attacher leurs ceintures et baudriers, brillant rapidement de couteaux, haches, massues, faucilles et autres lames. En prenant une ceinture à trois rangs, je vois ma mère attacher une épée à la sienne, manquant de bousculer une Cora occupée à aligner les couteaux par ordre croissant sur sa poitrine.
Jake, en train de discuter avec Kaleb et Tyssia, a rajouté des lames à son baudrier, gardant son couteau de chasse contre sa côte. Pour la première fois, je vois qu'il a entouré le manche de son arme de son collier, la griffe lui servant de pendentif ressortant étrangement sur le sombre de sa cuirasse.
Je pioche plusieurs lames pour les aligner à mes hanches, gardant ma dague à la meilleure portée. Bientôt, je suis aussi bien parée que les autres, et je passe un regard impressionné sur tous mes compagnons. Si la tenue de combat classique nous permettait de varier les couleurs, nous sommes à présent tous recouverts du même anthracite épais. À cet instant, on dirait une vraie armée. De vrais guerriers. Aussi mensongère puisse être cette apparence.
VOUS LISEZ
Différente - T2
FantasyPlus rien n'est pareil à présent. Heaven a découvert son identité, a trouvé des amis, une famille, elle a trouvé l'amour. Elle a survécu. Durant des semaines interminables, elle a mené une véritable lutte intérieure destructrice qui l'a métamorphosé...