Vingt-quatrième Chapitre.

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[Mardi 25 Octobre. Heaven et ses amis rentrent de leur entrevue avec le roi, devant se préparer à partir bientôt au combat.]

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— Il t'a dit quoi ? me demande Joyce quand je suis finalement mes amis jusqu'à la rue.

— Rien de spécial, soupiré-je. Il m'a dit que mon plan était très risqué et voulait juste s'assurer que j'étais prête.

Elle hoche la tête, et nous continuons notre chemin vers chez nous.

— Vous vous en doutez, intervient alors Zac à la tête du groupe, je ne pourrai pas vous suivre tout à l'heure.

Le groupe reste muet, et je baisse les yeux vers lui avec amertume. Il est pour le moment invalide, et il lui sera donc impossible de se joindre à nous dans ce combat déterminant.

Joyce pose la main sur son épaule.

— Tu resteras à la maison, dit-elle doucement. Et avec un peu de chance, on reviendra vainqueurs et il n'y aura pas d'affrontement.

À l'instant où elle prononce ces derniers mots, je sens la main de Jake se glisser dans la mienne, et lève des yeux surpris vers lui. Il m'intime un regard mélancolique, auquel je réponds en serrant mon étreinte autour de ses doigts. Il a lui aussi entendu l'espoir de Joyce. Et il sait lui aussi qu'il est naïf de penser que tout ira pour le mieux. Il connaît Jorah, maintenant, et tout comme Thaniel et Molly, il sait que nous n'en ressortirons pas indemnes. Nous allons devoir faire face au pire ennemi que nous puissions imaginer, et personne ne peut dire qu'il n'y aura pas d'affrontement. Car quelle que soit l'issue de la négociation avec les Bannis, une fois que Jorah sera devant nous, il fera tout pour nous détruire et parvenir à ses fins par lui-même. Mais laissons Joyce et Zac profiter de ce qui leur reste d'insouciance. Je ne veux pas qu'ils subissent encore la peur de perdre l'autre.

Dès que nous pénétrons dans la maison, nous relâchons tous des soupirs de soulagement.

— Il faudra qu'on prenne nos armes, déclare Joyce en longeant l'entrée.

— Vous avez une pièce pour s'entraîner ? s'enquiert Thaniel.

La Kitsune acquiesce vivement, et lui fait signe de la suivre jusqu'à la salle de sport en bas. Un sourire nostalgique étire le coin de mes lèvres, puis je secoue la tête. Restant silencieuse, j'observe le reste du groupe se diriger vers le salon et ressens le besoin de m'isoler. Je m'éclipse en vitesse en me hâtant à l'étage pour gagner ma chambre. En grognant, je me laisse tomber dans mon lit, bras en croix et tête enfoncée dans mon oreiller. Puis, après un long instant de silence, je laisse échapper un cri étouffé par les coussins. Je hurle de toutes mes forces en accrochant les draps, comme si cela allait évacuer toute mon appréhension et ma frustration. En réalité, cela marche un peu, car je me sens soulagée d'un poids, et mon énergie s'envole légèrement. Je me retourne pour m'étendre sur le dos, puis fixe le plafond. Mon cœur bat dans tout mon corps, je peux sentir le sang bouillir dans les veines de chacun de mes membres crispés. Je n'ai jamais été aussi tendue, aussi anxieuse et à la fois aussi... détachée. C'est un sentiment étrange. J'ai l'impression de tout vivre et ressentir à mille pour cent, tout en me forçant à ne rien ressentir pour ne pas m'effondrer. J'ai presque peur de devoir éteindre mes émotions et retrouver l'automatisme que je m'étais imposé lors de la première bataille, au risque de me voir mourir de peur. Je cache ma terreur derrière une force dont je ne sais si elle m'appartient ou non, je m'empêche de laisser sortir les larmes dans ma gorge, je repousse mes tremblements de faiblesse, et tente par tous les moyens de garder la tête haute. Je voudrais parfois redevenir l'adolescente innocente qui pleurait pour un rien que j'étais en découvrant ce monde. Maintenant, j'ai mille raisons de pleurer, et je n'en fais rien. Je serre les dents, me détruis les paumes de mains et laisse mon cœur se broyer encore un peu plus, repoussant le moment où il explosera.

Différente - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant