5. Étoiles filantes

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Je suivis Marie jusqu'à notre fier vaisseau resté inébranlable face aux intempéries. J'en profitai pour jeter un coup d'œil dans la direction des quatre coupoles arrimées les unes aux autres. Elles vacillaient dangereusement sous les fortes rafales venant du large. J'espérais qu'elles tiennent le coup, comme ces roseaux qui nous entouraient.

Bien qu'elles ne nous soient plus vraiment nécessaires, je m'étais fort attaché à ces gigantesques chaloupes de sauvetage. Elles nous avaient permis d'atteindre notre terre promise, qui me semblait tout à coup bien moins hospitalière qu'auparavant ! Leur source de nourriture, inépuisable, pourrait encore nous être utile avant que nous soyons devenus complètement autonomes sur Éden.

En pénétrant à l'intérieur du vaisseau, sombre et froid comme ma grotte, je me répétais ce que mon Guide m'avait enseigné. J'avais hâte d'apprendre à me servir de cette fameuse Merkaba qui, malgré la tornade, me permettrait de m'envoler dans les airs et de me rendre où bon me semblerait...

Ce fut alors que Marie Madeleine et les enfants m'apparurent, entourés des plus vieux d'entre nous. Ils étaient venus se réfugier ici, laissant les plus valides tenter de sauver le peu d'affaires que nous avions encore. Cette vision me fit comprendre qu'il n'y avait aucun autre endroit, dans tout l'univers, où j'aurais préféré être qu'ici, auprès des miens... Ma Merkaba pourrait attendre ! Marie Madeleine m'adressa la parole d'un ton fier et joyeux :

— Jean, ta Bible... Je l'ai mise en sécurité, avec tes notes, dans notre coupole !

Je ne pus m'empêcher d'être réconforté par cette nouvelle. Comme si une prémonition venait me faire comprendre qu'il fallait que je garde précieusement ce livre auprès de moi.

Les éléments se calmèrent assez rapidement. Cela nous permit de ranger ce qui restait de notre campement et de préparer le bois qui servirait à allumer notre feu de la pleine lune. Nous avions choisi, par prudence, de nous réunir dans notre bonne vieille coupole numéro 1, à l'abri des éléments...

Tant de souvenirs nous unissaient encore à cet endroit magique ; nous y avions passé la plus grande partie de notre long voyage. Notre petite société y avait, peu à peu, évolué en quelque chose d'extraordinaire.

L'hologramme de notre Maître surplombait toujours son cimetière. Il semblait me regarder, comme il avait jadis l'habitude de le faire. Je me plaisais à imaginer qu'il serait encore là, lors de ma prochaine allocution, et qu'il se joindrait aux autres membres de notre groupe pour venir écouter ce que j'avais appris dans la grotte.

La silhouette de notre vaisseau, quant à elle, évoquait d'autres souvenirs, bien moins agréables dans mon esprit. Elle me donnait l'impression que Yahvé nous observait également. Cette idée me hanta durant toute la première partie de la nuit.

J'étais resté en face du tas de bois qui attendait d'être allumé. Mais la pleine lune prendrait encore quelques heures avant d'arriver. Il fallait que je me repose... Cette silhouette qui semblait me fixer intensément restait inébranlable, malgré les fortes bourrasques de la tempête. Notre coupole, quant à elle, tanguait encore sous l'effet du vent. Ces balancements, lents et réguliers, m'aidèrent enfin à m'endormir...

Ce fut Marie Madeleine qui arriva la première pour allumer notre feu. Elle me réveilla tendrement d'un baiser sur le front et jeta quelques branches sur les braises qui ne tardèrent pas à s'enflammer sous l'effet du vent généré par ses magnifiques ailes.

La luminosité, les crépitements et la chaleur du feu réveillèrent les autres membres de notre groupe. La première partie de la nuit venait de prendre fin. L'ombre d'Éden se projetait à présent sur Luna. L'instant était venu pour moi de raconter à mes compagnons ce que j'avais appris à propos de la Géométrie Sacrée. Sans oublier, bien sûr, la disparition de Yahvé et l'arrivée de Max dans son fantastique vaisseau Acturien.

Mon allocution provoqua, comme d'habitude, de nombreuses discussions qui nous tinrent longtemps éveillés. Nous nous couchâmes près du feu, dans la coupole... Nous avions décidé d'y passer la nuit afin d'y dormir à l'abri des éléments.

Je me rendis compte, en me souvenant de toutes ces années passées ici à étudier notre Bible, de la vitesse à laquelle tout avait changé dans nos vies, ainsi que dans nos esprits, depuis notre arrivée ! Je m'endormis lentement dans les bras de ma tendre compagne, entouré de nos quatre chérubins blottis contre nous. Ils craignaient sans doute que la tempête s'intensifie à nouveau durant la nuit.

Nous pouvions toujours sentir le balancement de notre abri, au gré du vent, tel un radeau à la dérive. C'était bien ce que nous étions devenus : des naufragés spirituels, rescapés d'une civilisation qui venait de chavirer dans de sombres abîmes au fond desquelles les Forces de l'Ombre tentaient de les maintenir prisonniers...

Soudain, une explosion lointaine, suivie d'un début d'incendie, me réveilla, illuminant notre nuit. Une étoile filante perça notre ciel, encore bien couvert. Elle vint s'écraser contre les flancs de la chaîne de montagnes. La première explosion avait dû être provoquée par une de ses congénères...

L'incendie qu'elle avait engendré s'arrêta de lui-même ; sans doute à cause de la tempête qui avait arrosé nos forêts durant les heures qui précédaient. Mais une épaisse fumée indiquait encore, dans la pénombre, l'emplacement où elle s'était écrasée. Nous n'en avions encore jamais vu sur Éden. Je me demandais s'il ne s'agissait pas d'une de ces myrrhes grâce à laquelle mon Guide était venu me rejoindre ici.

Je me rendis vers la sortie de la coupole, pour me laisser glisser le long de son anneau et rejoindre la surface. La colonne de fumée était beaucoup plus difficile à distinguer d'en bas. Le vent devait l'empêcher de s'élever. Je décidai néanmoins de me diriger dans la direction approximative du point d'impact.

Je vis soudain deux, puis trois autres étoiles filantes passer au-dessus de moi. Elles disparurent rapidement derrière les hautes montagnes à l'horizon. Je n'avais encore jamais eu l'occasion d'en voir autant... Mais le Maître m'avait dit que, sur notre Terre également, avant qu'elle soit protégée par sa magnétosphère, certaines périodes de l'année étaient propices à leur venue.

Après avoir marché durant plus d'un quart d'heure je me résolus à faire demi-tour. La météorite que je cherchais toujours, en vain, avait sans doute cessé de fumer. Le vent et la bruine qui tombait encore avaient dû l'éteindre ; dommage. J'aurais tellement aimé voir de mes yeux, toucher de mes doigts, une de ces mystérieuses petites étoiles tombées du ciel. Je rejoignis les miens dans la coupole. Personne n'avait bougé. J'avais sans doute été l'unique témoin de ce merveilleux spectacle que mes amies de toujours avaient décidé de partager avec moi...

Homo Sum 3 : l'éveil de l'humanité (Episode 3 : Libération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant