8. Aux postes de lancement

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Ils se remirent tous au travail... Le professeur regagna son hangar où se déroulaient les derniers tests de bon fonctionnement du deuxième anneau de la navette. Le Chef navigateur, quant à lui, entra les coordonnées de leur saut dans la console principale reliée aux cinq appareils.

Ces derniers ne flottaient plus dans l'apesanteur comme lors de leur voyage précédent, la décélération constante de la frégate les faisant reposer sur la plateforme. Ils devraient donc s'élever au-dessus de celle-ci, grâce à la poussée de leurs propres réacteurs, afin de déployer leur deuxième anneau en position verticale, avant d'effectuer leur saut.

Le Commandant d'escadrille, quant à lui, continua d'analyser les détails de sa mission avec son équipe. Ils arriveraient en orbite basse au-dessus de la petite lune. Leurs magnétosphères les protégeraient de l'énorme échauffement provoqué par leur pénétration, à très grande vitesse, au sein de son atmosphère.

Ils seraient alors soumis à de tels facteurs de charge qu'aucun mouvement ne leur serait plus possible. Ils devraient entièrement faire confiance au professeur qui était supposé avoir calculé la seule et unique trajectoire possible !

Les champs polarisés des magnétosphères leur permettraient de rester littéralement soudés les uns aux autres durant la descente. Ce ne serait que lorsque leur vitesse aurait suffisamment diminué qu'ils pourraient enfin désactiver leurs sphères protectrices pour transformer leur trajectoire balistique en vol atmosphérique.

Le professeur avait calculé que cela se passerait exactement au-dessus des montagnes qui surmontaient le plateau des insurgés... Ce qui permettrait de larguer les Forces Spéciales non loin de là, à basse altitude, dans la pénombre de l'aube. Ces derniers n'ouvriraient leur parachute qu'à la dernière seconde pour ne pas attirer l'attention des évadés.

Leur physique de même que leur équipement étaient impressionnants. Les combinaisons qu'ils portaient étaient faites de plaques de kevlar blindées reliées par des jointures plus molles octroyant à ces véritables carapaces une liberté de mouvement satisfaisante. Ils emportaient avec eux, en plus de leurs armes et de l'équipement d'observation, le matériel radio nécessaire afin de communiquer avec la frégate.

Ils avaient été entraînés à survivre dans les environnements hostiles des différentes lunes et planètes de leur système solaire. Ils avaient également eu l'occasion d'opérer au fond des jungles, peuplées de dinosaures, qui entouraient leur village natal.

Les conditions qu'ils rencontreraient sur la lune des insurgés ne seraient sans doute pas pires que ces dernières ! Les techniques de camouflage n'ayant plus aucun secret pour eux, ils resteraient invisibles, tant que cela s'avèrerait nécessaire...

Le Commandant d'escadrille avait exigé que deux d'entre eux restent auprès de l'Amiral. Il ne voulait pas prendre le risque que les insurgés la kidnappent durant son séjour parmi eux ! Les six autres commandos allaient donc, comme prévu, s'installer en position d'observation aux alentours du camp en attendant l'assaut final. Celui-ci ne pourrait avoir lieu que lorsque la frégate serait arrivée en orbite...

Les pilotes, quant à eux, ne savaient pas exactement quelles conditions météorologiques ils allaient rencontrer. Ils pourraient se retrouver au beau milieu d'épais nuages, ou pire d'une tempête ! Il leur faudrait, dans ce cas, faire preuve d'énormément de dextérité pour ne pas entrer en collision les uns avec les autres. Leur entraînement au vol en formation s'avérerait alors extrêmement utile...

La tension était à son comble lorsque le délai qui leur avait été imparti arriva à son terme.

L'Amiral, regardant sa montre, fit signe au professeur que l'instant était venu... Il acquiesça d'un geste de la tête en lançant un dernier appel :

— Tout le monde aux postes de lancement ! Quelqu'un a-t-il besoin d'un délai supplémentaire ?

Personne n'osa prendre la parole. Les pouces des pilotes se levèrent à l'unisson. Un sourire complice vint éclairer les visages de l'Amiral et de son Second. Le professeur quant à lui était en sueur. Il n'avait encore jamais envoyé tant de passagers ni d'engins divers dans l'espace-temps... Et aucun des sauts qu'il avait programmés n'avait encore eut d'autre destination que les environs de sa propre frégate !

Il donna l'ordre aux quatre chasseurs et à la navette de décoller. Les engins s'élevèrent de concert, dans un bruit de tonnerre, d'un bon mètre au-dessus de la plateforme.

Le Commandant d'escadrille donna l'ordre aux cinq appareils de faire pivoter leur deuxième anneau en position verticale et d'activer leurs magnétosphères. Le champ magnétique qui vint les unir fit naître une véritable auréole de lumière électrique qui les engloba littéralement.

Le professeur enclencha ensuite la commande d'initiation du saut sur la console principale... Les cinq engins effectuèrent soudain une rotation de 90 degrés puis disparurent du hangar. Comme d'habitude, des éclairs bleutés vinrent lécher la surface de la plateforme de lancement.

Le professeur et le Second se regardèrent satisfaits. Mais leurs visages exprimaient, malgré tout, l'inquiétude qu'ils éprouvaient d'avoir à se retrouver sans commandant durant une si longue période... Allaient-ils revoir un jour ceux qui venaient de disparaitre sous leurs yeux quelques secondes auparavant ? Ils ne s'habitueraient décidément jamais à cette horrible particularité du saut temporel.

Les cinq appareils se rematérialisèrent au-dessus de la petite lune, exactement dans la position qu'ils avaient dans le hangar de la frégate. Ils se mirent à pénétrer les premières couches de son atmosphère. D'intenses vibrations, accompagnées d'une augmentation progressive de leur poids, clouèrent les pilotes et leurs passagers sur leurs sièges respectifs.

Ils furent très vite entourés d'une boule de feu qui devait leur faire ressembler à une grappe de météorite ! La chaleur qui n'arrêtait pas d'augmenter à l'intérieur de leurs appareils les trempa de sueur. Cette chute sembla durer une éternité durant laquelle ils ne purent qu'espérer que le professeur eût bien calculé leur trajectoire !

Ce fut alors que les voyants, indiquant que leur vitesse avait suffisamment diminué et qu'il était temps de passer en conditions de vol atmosphériques, s'illuminèrent ! Ils désactivèrent les magnétosphères de protection lorsque le Chef de patrouille leur en donna l'ordre.

Ce dernier s'exclama :

— On se laisse piquer vers les montagnes qui sont devant nous. Formation en V, la navette et Bleu 2 à ma droite les deux autres chasseurs à ma gauche. Nous allons suivre la vallée qui mène vers le plateau des insurgés...

— Mais on avait briefé que nous nous mettrions en suivi radar, plus facile à manœuvrer, reprit l'indiscipliné.

— Et on avait aussi dit silence radio Bleu 3 ! Il y a bien trop de nuages épais en dessous de nous. Pas le temps de s'espacer. Suivez-moi, cette vallée ne me semble pas trop sinueuse, répondit Bleu 1, exaspéré.

Il manœuvra sa formation entre les pics acérés de façon bien plus fluente que durant les séances d'entraînement autour de la frégate. Il suivit les indications que lui donnaient son viseur tête haute afin d'éviter le flanc des montagnes et de se rendre vers le plateau des insurgés qui devait se trouver juste en face d'eux.

Ses ailiers restèrent, tant bien que mal, en formation rapprochée, toujours trempés de sueur. Ils ne voyaient plus que l'aile de l'appareil qui se trouvait juste à côté d'eux. C'est alors que le sol apparut soudain dans leur champ de vision périphérique. Ils venaient enfin de sortir des nuages ! Le leader leur fit signe de la main d'espacer légèrement la formation, leur accordant ainsi une plus grande marge de manœuvre.

Il les dirigea vers l'endroit qu'ils avaient choisi pour larguer les parachutistes... Sans plus aucun appel radio, il donna l'ordre à l'Amiral d'ouvrir les portes de la navette d'un autre geste de la main. D'un hochement de tête, il lui signala qu'il était temps pour les commandos de sauter. Ceux-ci se laissèrent alors tomber, en chute libre, comme prévu.

La formation mit ensuite le cap vers les installations des Indésirables... Les conditions de vol y étaient bien meilleures que dans les montagnes. Les pilotes purent distinguer au loin la silhouette d'un vaisseau cargo, posé sur ses réacteurs, flanqué de ses quatre coupoles. 

Homo Sum 3 : l'éveil de l'humanité (Episode 3 : Libération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant