37. Les adieux

52 6 71
                                    

J'aurais tant aimé pouvoir rester sur Éden avec les miens. Je regardais les enfants se taquiner, n'accordant aucune attention aux explications du professeur... Je me souvenais de nos années de bonheur intense, me demandant quand nous pourrions enfin à nouveau être réunis. Mon esprit, empli de nostalgie, continua à m'emporter vers mon passé, vers l'école de chasse, vers la pyramide et finalement vers mon village natal...

Si j'avais bien compris ce que l'on nous expliquait, mes parents, mes frères et mes sœurs seraient encore là à notre retour sur Terre... de même que ma compagne, dans notre petite alvéole du dôme numéro 1 ! Elle aurait toujours dix-huit ans, alors que moi j'en avais presque cinquante ! Cela suffit à me dissuader d'entrer à nouveau en contact avec elle...

Je pensai alors à tous ceux que j'avais côtoyés sur Terre en me disant que leur sort, ainsi que celui du reste de l'humanité, se trouvait entre nos mains. Bien que mon cœur soit déchiré à la pensée d'abandonner les êtres que j'aimais le plus au monde, je n'aspirais qu'à une chose : remplir ma mission avec succès !

Les élucubrations du professeur touchèrent à leur fin. Les membres de l'équipage reprirent leurs occupations afin de préparer notre prochain saut temporel, tandis que mes compagnons d'évasion et moi-même retournâmes vers notre coupole.

J'avais l'impression que nous n'avions jamais atteint notre but. Le souvenir de cette magnifique lune qui nous avait abrités durant quelques semaines, nous paraissait désormais bien lointain, voire irréel. C'était pourtant là qu'allaient se rendre Marie et ses descendants, sans doute condamnés à y demeurer définitivement !

Pourquoi mon destin m'entraînait-il si loin d'eux à présent ? Qui avait donc pu écrire ce scénario, cette destinée, allant tellement à l'encontre de mes aspirations ? Il me fallait pourtant l'accepter et laisser partir cette petite navette qui les emporterait bien loin de moi... pour l'instant du moins.

Je les avais accompagnés dans le hangar avec la plupart des autres membres de notre groupe venus prendre congé d'eux ! Marie avait été un véritable symbole d'espérance pour chacun d'entre nous. C'était grâce à elle que nous étions arrivés à garder l'espoir de fonder un monde nouveau durant notre long voyage... Et nous ne savions même pas si nous allions pouvoir l'y rejoindre un jour !

Quel ne fut pas notre étonnement lorsque nous vîmes non pas une, mais quatre, navettes qui attendaient leurs passagers sur la plateforme de l'énorme élévateur s'apprêtant à les amener sur le pont d'envol. L'Amiral nous expliqua que sa peur de ne pas trouver de volontaires s'était avérée complètement injustifiée.

La plupart de ceux qui s'étaient rendus sur Éden semblaient en être tombés follement amoureux. Elle alla même jusqu'à supposer qu'un subtil parfum, caché dans l'air iodé de cette lune, les avait envoutés ! Mais comme nous y avions tous deux également séjourné, nous comprenions pertinemment les raisons qui les motivaient. Cette planète était, comme son nom l'indiquait, un véritable petit paradis !

Marie et ses enfants allaient donc être accompagnés par la majorité de ceux qui vinrent à notre rencontre, quelques jours auparavant... Les autres volontaires, principalement des couples qui s'étaient formés durant leur long voyage jusqu'ici, utiliseraient les trois navettes supplémentaires que l'Amiral avait accepté de mettre à leur disposition.

Cette dernière venait de faire son apparition dans le hangar. Elle se tenait juste derrière moi. Je n'avais pas encore remarqué sa présence.

— Cela te donne encore plus envie de les accompagner n'est-ce pas, Jean ? murmura-t-elle à mon oreille.

— Si tout se passe bien, ils ne remarqueront même pas mon absence, répondis-je sans même me retourner. Dès que notre mission sera terminée, et avec votre permission bien entendu Amiral, je lancerai mon chasseur dans l'hyperespace pour venir les rejoindre, à cet instant même : lors de leur arrivée sur Éden !

— Tu m'as l'air bien optimiste, Jean. Nous avons encore pas mal de pain sur la planche... Mais tu as sans doute raison. Notre capacité à nous déplacer dans l'espace et le temps va sans doute être un atout majeur, qui n'a pas fini de nous étonner ! Va vite prendre congé des tiens. Ils ne vont pas tarder à embarquer. Mais ne leur donne pas de faux espoirs... il se pourrait que tu ne sois pas encore là lorsqu'ils s'y poseront !

Jean ne prêta aucune attention à ces dernières paroles. Il se laissa flotter vers Marie Madeleine pour la prendre une dernière fois dans ses bras. Les enfants se joignirent à cette incroyable mêlée. Mais ils durent rapidement mettre fin à leurs ébats. L'Amiral venait de donner l'ordre à sa frégate de quitter l'orbite d'Éden. Il était temps pour les quelques chanceux qui allaient pouvoir rester ici d'embarquer à bord de leurs navettes.

L'ascenseur se dirigea vers le plafond de l'immense salle où le sas était déjà en train de s'ouvrir. Les deux anneaux de la frégate scindaient en quatre parties égales le firmament étoilé qui la surplombait.

Les pilotes enclenchèrent leurs séquences de démarrage et les engins décollèrent du pont. Les spectateurs, restés dans le hangar, purent les voir se diriger, en formation serrée, vers la petite lune bleue à travers son immense hublot. Ils ne furent rapidement plus que quatre petites étoiles filantes qui disparurent dans les couleurs vives d'Éden qui brillait dans le vide spatial...

Jean semblait ne plus vouloir détacher son regard de ce merveilleux spectacle. L'Amiral posa la main sur son épaule, lui faisant comprendre qu'il était temps de s'en aller. Il l'accompagna vers la salle de contrôle où le professeur préparait déjà leur prochaine escapade dans l'espace et le temps. 

Homo Sum 3 : l'éveil de l'humanité (Episode 3 : Libération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant