~13~ Terrible cauchemar

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Tout ça n'est qu'un cauchemar.

Un horrible cauchemar duquel je vais m'extirper et le découvrir allongé près de moi, la bouche ouverte et blotti contre mon corps dans ce lit qu'il aime partager.

Non, je ne suis pas prêt...

Pas prêt à accepter l'horrible vérité, pas prêt à ne plus voir son magnifique sourire. Son immense cœur était trop grand pour ce monde. Pourquoi les meilleurs doivent-ils partir les premiers? C'était un ange. Mon ange. Le ciel n'aurait pas dû le rappeler si tôt alors que sa vie n'était qu'à son début, alors que nous avions un avenir ensemble.

Floch est mort.

Il dormait lorsque son cœur a cessé de fonctionner, le laissant partir dans la douceur de son sommeil. J'aurais dû être à ses côtés ou au moins l'appeler lorsque j'ai senti que quelque chose n'allait pas. Est-ce lui qui m'a rendu visite cette nuit-là, quand j'ai eu peur parce que je ne me sentais pas seul dans ma chambre? Ce sentiment de tristesse, cette douleur, c'était simplement le fruit de son départ prématuré, une façon pour le garçon que j'aime de me dire au revoir.

Au revoir... Ces mots me restent à travers la gorge et je me sens incapable de les prononcer à haute voix. Comment une douleur peut-elle être aussi atroce? Tout est devenu brouille dans ma tête lorsque ma mamie m'a appris la nouvelle, elle-même les yeux remplis d'eau. Quelque chose en moi s'est brisé, a explosé en mille morceaux impossibles à recoller. J'aime Floch de tout mon cœur. Il n'a pas le droit de m'abandonner.

Où est donc passé mon collègue trop joyeux, celui qui n'hésite pas à critiquer les gouts des clients et à parler de mangas? Sa bonne humeur me manque, créant un terrible vide. Jamais un endroit n'a paru si désert que la boutique depuis son départ. Son beau-père a érigé un mémorial en son honneur où les clients qui le connaissaient peuvent faire une petite prière pour lui. Chaque fois que l'un d'eux me pose des questions, je fonds en larmes telle une fontaine impossible à éteindre, me déchirant un peu plus de l'intérieur.

Les membres de l'équipe me supportent beaucoup dans cette épreuve, tous là pour m'aider quand l'obscurité éteint ce qu'il reste de lumière dans mon cœur. Ils sont venus à l'enterrement de mon amoureux puisque j'étais incapable d'y aller seul. Voir le corps de Floch abandonné sous Terre était trop difficile. Même Mike et Thomas ont fait la paix pour l'occasion. C'est gentil, mais même leurs efforts sont vains pour me rendre le sourire.

Floch était ce que j'avais de plus beau. Il avait une personnalité si unique que même après plus d'un an de relation, je continuais à découvrir de ses qualités et de ses petits défauts. Sa présence était un rayon de soleil dans ma vie. Il n'était pas seulement mon amoureux, il était aussi un ami en or et mon futur.

-Marco, tu me laisses entrer?

Jean se tient dans le cadre de porte de ma chambre, visiblement triste de me voir dans un état si lamentable. Combien de jours se sont écoulés depuis que je ne vais plus au lycée? Les professeurs comprennent et ils m'envoient les travaux par l'entremise de mon meilleur ami. J'ai aussi accès au cours en ligne pour ne pas prendre de retard sur le groupe. Malgré mes blessures mentales impossibles à soigner, me consacrer corps et âme à l'étude m'aide à penser à autre chose. C'est surement pathétique.

-Comme tu ne réponds pas, je vais prendre ce silence pour un oui, soupire Jean.

Le garçon pénètre dans la pièce et il pose sur ma commode mes travaux scolaires pour les prochains jours. Sans prévenir, mon meilleur ami se laisse tomber de tout son poids sur mon corps, me faisant grogner.

-Jean, tu es lourd, marmonnai-je, j'étais occupé!

-Tiens, tu décides enfin de parler? Je commençais à croire que quelqu'un t'avait coupé la langue.

Jean roule sur le lit près de moi afin de me laisser respirer. Sans envie, je range les feuilles sur lesquels je travaillais et je les pose sur ma table de chevet. Il faudrait que j'arrive à sourire à nouveau... La fatigue commence à me ronger de l'intérieur, tout comme le désespoir. Floch me manque atrocement. Parfois, je pense à un truc drôle et je veux lui envoyer par message. Cependant, il n'y a plus personne pour répondre.

-Qu'est-ce que tu viens faire ici? m'enquis-je, je travaille.

-Tu ne fais que ça, travailler! Les gars commencent à s'ennuyer de toi... Tu sais, c'est la dernière année avant l'université pour Thomas et Farlan. Ils ont envie de passer du temps avec toi.

-Je ne parle jamais avec Farlan.

-Mais tu es proche de Thomas, non? Tu sais, ça va faire bientôt quatre mois... Je sais que c'est peu, mais c'est important que tu essaies tranquillement de recommencer à vivre. Floch ne voudrait pas que tu t'enfermes comme une huitre. On s'inquiète tous pour toi.

Mon meilleur ami est sincère quand il parle, mais je détourne le regard. À quoi bon recommencer à vivre si Floch n'a plus ce droit? C'est injuste. Il méritait autant que quiconque de vieillir. Lorsque Jean réalise que mon corps commence à trembler, il m'attire dans ses bras pour me serrer contre lui. Après hésitation, je réponds à l'étreinte de toutes me force.

-Je suis désolé, soufflai-je, je suis tellement faible... Il me manque.

-Je le sais, mais tu es loin d'être faible. Tout le monde serait triste dans ta situation. Moi, je te trouve fort, mais tu dois encore te donner un petit coup de pied dans le derrière pour remonter la pente.

Jean n'a pas tout à fait tort. Suis-je égoïste de sombrer dans le désespoir alors que Floch est mort? S'il était à ma place, il ferait tout pour profiter de chaque jour que la vie lui offre. Mon amoureux a toujours vécu comme si chaque moment était le dernier dans le but de n'avoir aucun remords lorsque le glas sonnera. Mon roux n'a jamais compris pourquoi certains vivants s'empêchent de vivre par peur de mourir où qu'ils cherchent égoïstement à quitter ce monde alors que tant d'innocents auraient rêvé d'y rester.

-Tu crois qu'ils voudront encore de moi au chalet? demandai-je faiblement, la dernière fois que j'y suis allé, c'était il y a un mois et je n'étais pas vraiment d'humeur.

-Ils comprennent que tu souffres! N'oublie jamais que l'équipe est une deuxième famille. On est tous là pour toi, sans exception.

-Merci...

Une larme roule sur ma joue alors que je fais l'effort de faire un petit sourire. Avoir un ami aussi fidèle, ça arrive qu'une fois dans une vie. Jamais je ne remercierai suffisamment Jean de m'avoir forcé à joindre l'équipe de baseball. Mon meilleur ami m'a sortie de ma zone de confort et il m'a aidé à quitter cette bulle dans laquelle je m'étais enfermée depuis des années.

Même si l'effort parait inhumain, je prends une douche avant de m'habiller. La lâcheté m'empêchait de trouver la force de me laver, donc mes cheveux commençaient à être visqueux. Avant le départ de Floch vers l'autre monde, jamais je n'avais passé plus d'une journée sans me glisser sous l'eau. La tristesse a affecté ma fierté physique. À quoi ça sert d'être beau quand on n'a plus personne à impressionner? Jean m'attend avec patience devant la porte d'entrée.

Une fois prêts, nous montons à bord de ma nouvelle voiture. En fait, c'était celle de Floch... Ses parents venaient tout juste de lui offrir cette Honda Civic bleue poudrée d'occasion qu'il s'est aussitôt empressé de couvrir d'autocollants en lien avec des animes et qu'il a décoré avec des goodies. Comme personne ne souhaite acheter un véhicule de geek, madame Forster m'en a fait cadeau. Elle est exactement à mon gout et je garde une petite photo du roux accrochée à la radio.

-Tu es sûr que tu peux conduire? s'inquiète Jean, tu n'as pas pris le volant depuis longtemps...

-Ne t'inquiète pas, c'est comme le vélo, ça ne se perd pas.

Je mets en marche le véhicule et j'entame sans attendre le trajet vers le chalet. Étrangement, sortir me fait déjà du bien. La radio allumée à un poste rétro que j'aime, j'essaie de chasser les pensées négatives.

-Ce soir, je t'amène à un endroit pour te changer les idées, affirme Jean.

Histoire d'équipe: Maux de cœur d'un geek indécisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant