Un lien social

122 26 8
                                    


Cela fait déjà deux jours que je suis ici. Le temps passe bien trop lentement à mon gout. Je m'ennuie profondément. Je n'ai pas encore eut le courage de sortir pour visiter le bâtiment et le jardin. Il faut dire que je ne suis sorti que pour aller manger. J'ai trop peur de croiser du monde, de devoir leur faire face et d'être coincé à nouveau dans un monde où la parole n'est qu'une angoisse. Lorsque je vais manger je reste seul, loin des autres, je m'isole et pars à une table vide pour manger en tête à tête avec moi-même. Les aides-soignantes essaient de venir vers moi mais je n'arrive pas à leur faire confiance. Elles sont habillées en blouse, ça me stresse. J'ai l'impression qu'elles aussi me jugent, qu'elles feront un rapport sur le moindre de mes gestes, de mes haussements de sourcils ou du moindre petit mot qui aurait le malheur de franchir la barrière de mes lèvres.

Même si j'ai cette constance impression d'être surveillé je dirais que c'est surtout la peur qui parle. J'ai bine remarqué que nous étions libre. Je pensais que je serais enfermé dans une grande salle blanche matelassé, habillé d'une camisole de force en étant dans la plus grande incapacité à sortir si je le voulais mais ça n'est pas le cas du tout. j'ai simplement l'impression d'être en colonie de vacances. J'ai ma chambre, le lit face au mien n'est pas occupé et dans l'idée je peux sortir de cette dernière quand je le désire. Cependant, je ne le souhaite pas encore. Devoir me confronter à d'autres personnes de cette hôpital psychiatrique ne ferait que rendre réel le fait que j'ai un problème psychologique. Ça me pousserait à devoir faire face à la maladie des autres et je ne suis pas sûr qu'être entouré de personnes avec des troubles mentaux m'aide vraiment. Alors je me calfeutre dans ma chambre, luttant contre toutes les idées noires qui me traversent.

J'étais également persuadé que je serais bourré de médicament, qu'on me forcerai à avaler des pilules en tout genre, sans me laisser le choix de savoir si je veux ou les prendre. Mais non, la seule pilule que j'ai pris était pour un mal de crâne persistant que j'ai ressenti lors de ma première nuit, je n'arrivais à dormir... C'est tout. J'ai l'impression qu'on me laisse me battre contre moi-même. C'est probablement dû au fait que je refuse de parler à la psychiatre. Pour le moment je n'arrive pas à me livrer, toute la séance je reste assis face à elle et j'attends. Je ne prends même pas la peine d'écrire sur une feuille, je laisse simplement le bruit du silence faire les choses. Je ne sais pas quoi lui dire, par où commencer... Devrais-je lui parler de cet être qui a ruiné ma vie ? Mais qu'est-ce que je pourrais raconter de concret ? J'étais très probablement le problème dans notre relation et c'est pour ça qu'elle a tourné en un pur cauchemar. J'ai peur de l'entendre. Je suis effrayé à l'idée d'en parler et qu'on me dise que, oui, c'était bel et bien ma faute. Que tout ce qui s'est passé, s'est déroulé car j'étais le problème et que je le méritais. Car même si c'est ce que je pense, je ne veux pas l'entendre prononcé à voix haute. Ça serait bien trop pénible. Alors qu'est-ce que je pourrais lui dire ?

J'étouffe un rictus. Je suis profondément ridicule... Je ne peux pas dire que je vais bien, je ne peux le nier mais je n'arrive pas à l'exprimer. Je passe simplement mes heures à lutter contre mes pensées sordides. Je n'ai pas la possibilité de discuter avec Raphaël alors le peu de bonheur que je pouvais ressentir dans une journée en le voyant n'est plus qu'un lointain souvenir. C'est comme si je ne rappelais même plus ce que ça faisait d'être heureux. Je me sens à nouveau vide, comme une coquille, une enveloppe charnelle coincée dans ce monde lugubre. Un univers ponctué par la sombreur du ciel. Je ne ressens rien et c'est pénible. J'ai l'impression d'être un monstre lorsque ça m'arrive. Ce manque de sentiment me donne le sentiment d'être quelqu'un de dangereux, quelqu'un qui n'est pas humain et alors je me mets encore plus à me détester. Je laisse croitre en moi ce sentiment de destruction.

Mais je ne peux pas passer à l'acte. Tout d'abord car cette apathie me tient en otage. Elle me prive de ma liberté de penser et d'agir. Alors même si je le voulais je serais incapable de me faire du mal. De plus, à mon arrivée on a fouillé ma chambre, j'ai trouvé ça intrusif et me suis braqué mais avec un peu de recul je comprends que c'était pour mon bien. On m'a confisqué des affaires jugées dangereuses : un rasoir, une ceinture, mes écouteurs, le chargeur de mon portable. J'ai demandé pourquoi. J'ai osé lever ma voix, oui. On m'a répondu que c'était dangereux. Je n'ai compris immédiatement jusqu'à ce que j'entende un autre patient qui passait dans le couloir et qui m'a dit : toi ou quelqu'un d'autre ici pourrait se suicider avec.

Lune de sang [BoyxBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant