Chapitre 11

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Ça fait très exactement quatre heures, trente-six minutes et treize secondes que je suis dans la chambre de Cassiopée et que je le regarde mourir.
Elle ne se réveille pas.

Je n'ai pas dormi, pas encore. Je ne voulais pas fermer l'oeil avant qu'elle ne se réveille et je voulais m'assurer qu'elle aille bien avant de prendre du repos.
Je suis, disons, totalement responsable de son état, en même temps...

« Cinq ? » entends-je dans ma tête.

Je me redresse et m'approche de la blonde.

- Cassiopée ? Tu m'entends ? demandé-je en posant instinctivement ma main près de son visage.

« Oui ».

- Tu ne peux pas parler, genre, en vrai ? demandé-je. C'est moins désagréable d'entendre ta voix en vrai que dans ma tête.

En vrai je crève d'envie de lui lancer une réflexion genre « même si ta voix est horrible à l'ouïe » mais j'ai promis de faire un effort et je pense que vu la situation je ne vais pas faire de scène.

« Je suis trop faible ».

Comme d'habitude.
Bon tant pis.

- Ça ne m'étonne pas, réponds-je.

- Nan je rigole, vieille branche, déclare-t-elle soudainement à voix haute.

Je sursaute et souris malgré moi, heureux de la voir en vie.

- Heureux de voir que tu as toujours le même caractère qu'avant, dis-je en m'écartant un peu d'elle.

- Heureuse de voir que je suis vivante, déclare-t-elle en ouvrant totalement ses yeux bruns-verts.

Je ne réponds rien et évite son regard.

Cass essaye de se redresser mais fait une grimace en voyant son poignet emballé dans du bandage et son ventre perforé par une balle.

- Doucement, dis-je en l'aidant à se redresser.

Elle me remercie en toussant et s'adosse contre sa tête de lit.

Soudain, elle plonge son regard verdâtre dans le mien et son visage s'assombrit rapidement.

- Tu étais où ? me demande-t-elle sans détourner le regard.

Je m'avoue vaincu rapidement et baissai les yeux ; jouer au jeu de regard avec une femme (surtout Cass), c'est pleine perdue. Enfin, uniquement quand je suis fautif.

Cette question, je savais très bien qu'elle allait arriver tôt ou tard, même si j'aurais préféré tard... Je ne compte pas lui mentir, je veux être sincère, je déteste les mensonges.

- En ville... réponds-je les lèvres pincées.

La blonde ne bouge pas.

- Pourquoi tu n'es pas resté avec moi ?

- En réalité, je ne sais pas trop, avoué-je. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris mais je me suis dis que comme je ne serais pas avec toi tu rentrerais à l'Academy. Donc je suis revenu ici mais après deux heures d'attente je ne te voyais pas revenir et j'ai paniqué. J'ai imaginé le pire alors je me suis bougé et je t'ai cherché partout. Et j'ai fini par te retrouver à moitié morte à côté de ces deux cadavres là...

- Oh... répond-elle simplement.

Bon, je comprends qu'elle ne veuille rien répondre pour le moment. En fait, connaissant son caractère, je suis même étonnée qu'elle ne m'aie pas foutue une droite dans la gueule.

- Merci, dit-elle en fixant le mur devant elle.

Ok, je ne m'attendais pas du tout à ça, je dois l'avouer, cette femme est pleine de surprises.

- Merci de quoi ? demandé-je, intrigué.

Cass tourne son regard vers moi et sourit froidement.

- Bah de m'avoir sauvé, gros béta.

Je rigole jaune.

- C'est de ma faute si tu es dans cet état alors ne me remercie pas, dis-je assez honteusement.

La blonde se redresse un peu plus et se rapproche légèrement de moi.

- Ne dis pas ça, dit-elle, même si c'est un peu vrai, ce n'est pas grave.

Elle me rassure du mieux qu'elle peut.

- Oh, mais tu saignes ! s'exclame-t-elle d'un coup.

Je porte la main à ma lèvre blessée et ne dis rien.

- Comment tu t'es fait ça ? me demande-t-elle en attrapant une compresse et du désinfectant sur sa table de chevet.

- Ton mec, affirmé-je en détournant le regard.

- Mon mec ? Mais je n'ai pas de mec, répond-elle en rigolant.

Je rigole jaune et lève les yeux au ciel.

- Mais si, Sam. Il n'a pas aimé te retrouver dans cet état et il m'en a mise une, je l'ai mérité, j'avoue, dis-je calmement.

Cass se rapproche de moi et m'invite à m'assoir sur le lit, ce que je fais sans rechigner.

- Sam est mon meilleur ami, mon frère, rien de plus, il n'y aura JAMAIS rien de plus, affirme-t-elle en versant le liquide sur la compresse.

- Ouais, si tu le dis, dis-je fier de moi.

Fier ? Eh bien oui, au moins je sais qu'elle ne sort pas avec ce connard, c'est bon pour moi.

Bon pour moi mais qu'est-ce que je raconte encore ?

La blonde pose la compresse gelée sur ma lèvre fendue et je sursaute légèrement.

- Excuse-le, commence-t-elle, je suis un peu la seule personne à qui il tient ici, je suis précieuse pour lui.

- Tu es précieuse pour les autres également, je suppose.

Non, je ne m'autovise pas du tout.

Cassi leva le regard vers moi en souriant.

- Toi aussi, tu es précieux pour tout le monde, déclare-t-elle en reposant son regard sur mes lèvres. Même si tu es insupportable.

C'est frustrant, d'avoir une fille à qui vous venez de dire un truc que vous vouliez garder pour vous, qui soigne vos lèvres et qui se tient à moins de dix centimètres de mon visage. Et qui, en prime, vous insulte à moitié.

Elle retire sa main de mes lèvres, pose la compresse pleine de sang sur un plateau et sourit, satisfaite.

- Comme neuf ! s'exclame-t-elle.

Pourtant, même des minutes après ce contact j'ai encore l'impression de sentir la chaleur de sa peau sur la mienne.

Je la remercie et elle se remet à sa place, moi de même.

Ce moment était...gênant ? Non je ne pourrais pas dire ça car en réalité ça ne l'étais pas. L'atmosphère dans la pièce à cet instant était assez électrique et je donnerais tout pour la revoir poser cette fichue compresse sur mes lèvres.

Mais réveille-toi Cinq ! Tu dis n'importe quoi !

Je reste le reste de la journée à ses côtés et elle ne s'en plait pas une seule seconde. Je lui ramène ses médicaments, ses repas et tout le reste. Je lui tiens compagnie, en gros. Bon après, je suis bien obligé étant donné que je partage sa chambre. Mais j'en suis satisfait. On a pas mal parlé, on a aussi beaucoup rigolé et je crois que c'était clairement la plus belle journée que j'ai passé depuis que je suis rentrée.

On exclut le fait que papa m'a passé une soufflante digne de ce nom, ainsi que tous les autres membres de la Umbrella et de la Shadow Academy réunis.
En gros : j'en ai pris pleins la gueule, mais c'était totalement mérité.


J'ai failli laisser mourir Cassi.

J'ai failli laisser mourir ma Cassi.

The Shadow Academy [Five Hargreeves] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant