Chapitre 34

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/!\ Le chapitre qui suit comprend une scène qui peut choquer les plus sensibles. Y sont représentés des violences physiques et sexuelles. 

Depuis son siège, Nausicaa assistait au banquet plus qu'elle n'y participait. Sa place passive de spectatrice en disait long sur ce qu'elle représentait au sein de ce mariage : une marchandise de luxe, une fortune colossale sans nom et une révoltée dangereuse. Dans ce qui n'était ni plus ni moins une transaction, la baronne était réduite à sa condition.

Amaury avait renoncé à la tuer par délicatesse ou par intérêt, qu'importait ses raisons, il lui avait sans doute imposé un sort plus terrible encore que la mort.

Nausicaa avait à peine touché à son assiette. Le marquis parlait fort, riait à gorge déployée, plaisantait avec ses invités. Grand bien lui fasse, la noble mettait un point d'honneur à l'ignorer, et tant mieux si elle l'humiliait du même geste.

— Madame de Laval.

Un frisson parcourut les bras nus de Nausicaa. Le marquis posa d'ailleurs une main possessive sur son épaule, comme on présenterait un objet dont on serait particulièrement fier. Les ongles de la jeune femme raclèrent contre la nappe.

— Auriez-vous froid ?

— Pas le moins du monde.

— Laissez-moi alors vous présenter ma famille. Ils sont venus spécialement du marquisat pour assister à notre union.

Nausicaa abaissa un regard sans chaleur sur la famille de son époux. Celui-ci n'avait pas eu la charmante idée de faire les présentations avant. Le marquis, trop occupé par ses nouvelles fonctions, avait négligé tous ses devoirs. Ce fut d'ailleurs ce que le premier Laval qui s'avança, sans doute le frère cadet de son époux, affublé de la même face fine, acérée comme le tranchant d'une lame, bien que d'apparence plus sympathique. Il dit :

— Nous rencontrons enfin celle dont notre cher frère s'est entiché. Il faut dire qu'il sait être secret quant à ses fréquentations, mais si nous avions su que vous étiez aussi splendide, nous aurions fait le déplacement plus tôt.

Il s'inclina avec déférence et cette courtoisie suintait l'hypocrisie à plein nez. Avec sa mine grave, digne d'un enterrement, Nausicaa ne pensait pas mériter le compliment qui lui avait été réservé.

— J'ai été occupé au palais, précisa le marquis, avec suffisance. Mes nouvelles fonctions me noient sous les responsabilités.

— Tu aurais presque oublié les obligations qui te retiennent sur nos terres, mon frère !

Nausicaa sursauta. Le tutoiement l'avait interpellé. Il était peu employé dans les familles de la haute noblesse et cela lui rappelait combien celle d'Eugène était jeune. S'ils tentaient de reproduire les comportements des vieilles lignées, le résultat manquait parfois de matière.

Les épaules de Laval s'étaient tendues et Nausicaa n'en perdait pas une miette. Était-ce les paroles de son cadet qui lui déplaisaient à ce point ?

— Mon frère, permets-moi d'emprunter ton épouse quelques instants. Il faut que nous parlions, de sœur à sœur.

Un grand sourire s'étalait sur les lèvres de la jeune femme. Elle était sortie de l'ombre de son frère et sa candeur tranchait avec ce qu'inspirait Laval à quiconque avait le malheur de le connaître. Nausicaa ne se méprit cependant pas. Elle avait le sentiment que cette inconsistance n'était que de la poudre aux yeux.

Longue vie au roi - T3 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant