Chapitre 40

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[Je vous présente une nouvelle fois le dessin achevé. Ici, vous avez Nausicaa et Tybalt, son fiancé (Tome 1), enlacés.]

Artell aurait préféré se tromper.

Plus il approchait du couvent, plus le doute s'estompait. Il n'eut bientôt plus de raisons d'être.

Artell découvrit d'abord la neige piétinée du chemin qui menait au couvent. Les coupables n'avaient même pas pris la peine d'effacer leurs traces. Celles-ci ouvraient la voie au général de sorte qu'il lui soit impossible de se méprendre.

La question qui s'inscrivit au creux de sa conscience lorsque de hautes flammes succédèrent au nuage opaque résonna longtemps dans le silence de la forêt : pourquoi ?

Sa monture, effrayée par le feu qui rongeait la structure vieillie de l'établissement, refusa d'aller plus loin. Sentait-elle la terreur de son cavalier ? Ce dernier n'eut pas d'autres choix que de mettre pied à terre. Face à l'immensité de la structure du couvent qui brûlait, il se sentait insignifiant et vulnérable. Plus encore que cela, il se sentait impuissant. Le soldat n'avait jamais failli devant le danger, mais les crépitements des flammes qui se tordaient dans l'air en une danse folle, le gémissement du bois qui cédait, et la neige qui perdait du terrain sous l'étreinte brûlante de l'incendie, tout cela lui ôta tout sens de la mesure. Enivré par l'odeur des braises, par la flagrance des premières cendres chaudes, par celle du bois carbonisé, il esquissa un pas en avant, puis un second en arrière.

Le général se confrontait à son cauchemar personnifié. Une représentation intime de ce que devait-être son enfer. Cela ne manquait pas de cynisme, pour un lieu qui honorait une vision utopique du monde, d'un refuge qui accueillerait les âmes les plus pures. L'auteur de ces actes avait manipulé la force des métaphores.

Le craquement terrible du bois arracha à Artell un sursaut. Une poutre qui soutenait un pan décharné du toit s'écrasa au sol dans un chaos de braises incandescentes et de bois à moitié consumé. La porte avait été enfoncée et les éclats répandus sur le seuil témoignaient de la violence de l'intrusion.

Ce fut peut-être ce seul détail qui convainquit Artell d'entrer, d'outrepasser la peur irrationnelle qui chauffait à blanc les chairs brûlées de son visage. C'était comme si sa peau se souvenir de la langue des flammes sur elle et que la proximité de celles-ci répondait aux anciennes blessures. Parfois, le général avait l'impression que sa joue le tiraillait.

Ce jour-là, il crut que sa chair brûlait une seconde fois.

Il avança jusqu'à ce qu'une poignée de mètres le sépare de la porte. L'ombre du couvent s'était dissipée et celle des flammes, rougeoyantes, se déposait par touches vives. Un masque d'effroi qui l'accompagna jusqu'aux portes du couvent. Il songea dès lors à revenir sur ses pas. Qu'espérait-il trouver à l'intérieur de l'enceinte sacrée ? Un miracle ? Le visage d'Iesan s'imposa à lui, comme un reproche.

Artell avait laissé les flammes le marquer, il ne les laisserait pas lui voler sa mère.

Il pressa un pan de son écharpe contre sa bouche et son nez après avoir pris une profonde inspiration. Il se fit violence, ne pensa pas, ne s'interrogea pas. Il agit en parfait soldat en pénétrant à l'intérieur du couvent dont le toit avait disparu par fragments entiers sous les foyers qui progressaient. D'ici à quelques minutes, les poutres s'effondreraient pour ne laisser que les murs intacts. Le squelette de l'établissement.

Le long corridor qui succédait à l'entrée introduisait les premières pièces communes. Artell s'attarda quelques secondes sur le premier corps qu'il découvrit, avachie non loin de la porte éventrée. Le visage avait été lézardé de profondes griffures, au point où le général peina à reconnaître la femme qui avait souhaité profiter de la faiblesse de Lyssandre pour faire de lui son pantin. La religieuse avait sans doute été l'une des premières victimes et le carnage de chairs ouvertes qui découvraient les os ne laissait peu de doute sur l'auteur de ces actes et sur l'état de reste des lieux.

Longue vie au roi - T3 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant