Chapitre 8

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— Vous...

Ce fut le seul murmure que Lyssandre parvint à articuler. Le reste demeura coincé au travers de sa gorge et de ses poumons comprimés. Ses organes brûlaient, il sentait les flammes lécher son estomac pour embraser son cœur.

La main de Cassien agrippa une poignée de cheveux et lui redressa le visage, les hanches et le ventre toujours épinglés au sol. Il croisa à nouveau le regard du chevalier et il aurait pu parier que c'était là ce qu'il cherchait. Les yeux gris de l'homme le dissuadèrent de poursuivre. Leur tranchant plus aigu que jamais terrifia Lyssandre. Il ne prendrait pas le risque de s'y taillader l'âme.

Pourtant, il ouvrit la bouche pour haleter et Cassien siffla :

— Silence !

— Tu l'as eu ?

Une voix forte émergea peu avant que son propriétaire ne s'annonce entre la végétation qui poussait au gré d'une joyeuse anarchie. C'était l'un des soldats envoyés par Amaury et même sans connaître l'identité de celui qu'il servait, Lyssandre avait compris qu'il n'était pas un enfant de chœur. Il constituait tout ce que le jeune homme pouvait haïr, à savoir une brute qui usait de ses récents privilèges pour assouvir ses pulsions sanguinaires. Avec la guerre, les individus comme lui couraient les rues et avec la fin du conflit, il y avait fort à parier pour qu'ils recherchent un autre moyen de se salir les mains.

Ces profils dérangés, c'était tout ce qu'il fallait à Amaury. Celui-ci n'était pas un insulaire, Lyssandre n'avait reconnu aucun accent notable dans sa voix.

— Oui, lâcha Cassien.

— Bien joué, mon vieux ! C'est qu'il a failli nous filer entre les doigts.

Lyssandre crut qu'il allait lui asséner un coup, de la tape brutale, mais anodine derrière le crâne au solide coup de genou au visage, en passant par le coup de pied dans le ventre. Cassien le devança en relevant celui qui avait été son roi sans la moindre délicatesse. Malgré lui, les souvenirs de Lyssandre refirent surface à cet instant. Les doigts du chevalier éraflaient sa peau, le blessaient volontairement, et il avait bien du mal à croire que ces mains aient pu lui procurer réconfort et volupté.

Il peinait à croire que ces mains-là appartenaient à la même personne.

Cassien n'en resta pas là, il attrapa entre ses mains le visage de Lyssandre. Celui-ci se déroba, sans succès, puisque le soldat lui asséna une petite gifle, juste assez forte pour pincer son menton entre son pouce et son index.

Pour qu'une grimace de douleur retienne l'attention de la brute, non loin. Son sourire appréciateur s'élargit encore lorsque Cassien dit, dans un filet de voix rauque, menaçante :

— Fini de courir, petit prince.

Le cœur de Lyssandre chavira. Cette phrase, elle aurait pu être celle de l'autre Cassien, celui qui l'avait vu grandir.

— L-Lâchez... moi, C-...

Cette fois, le poing du chevalier le cueillit en pleine poitrine. Un coup sans grande originalité, dans le seul but de faire mal. S'il ne l'avait pas tenu du bout des doigts, comme si le contact le répugnait – et c'était bien le cas – Lyssandre aurait chuté à nouveau au pied du saule pleureur. Il aurait roulé jusqu'à sombrer dans la rivière. Ses eaux auraient peut-être eu le mérite d'apaiser la brûlure qui tenaillait Lyssandre, autant à hauteur du torse et du menton qu'à l'entièreté de son être.

Longue vie au roi - T3 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant