Chapitre 28

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Le nez de Lyssandre émergea des couches de vêtements dans lesquelles il était emmailloté. Les températures s'entêtaient à chuter, encore et encore, et à chaque fois que Lyssandre allait s'imaginer qu'un pallier avait été atteint, le jour se levait sur un froid plus pénétrant encore.

L'hiver éternel et rigoureux du Nord s'intensifiait et qu'une telle période ait mené à la mort de nombreux sujets ne manquait plus de sens. Le prince se doutait que s'il s'aventurait à l'intérieur des terres de Loajess, vers des régions plus clémentes, il y trouverait des paysages métamorphosés. Y neigeait-il déjà ? Une éternité s'était écoulée.

En vérité, deux mois s'étaient égrenés et, contrairement à ce que Lyssandre était allé s'imaginer, les activités ne manquaient pas. Convaincre Tryarn n'avait été que la première étape d'un processus long et inévitable. Le prince devait persuader ces puissants qu'il ne représentait pas une menace et, plus difficile encore, que sa cause méritait d'être défendue. En général, il se heurtait à un refus immédiat, net et tranchant. Ces lignées très anciennes, peut-être plus encore que celles qui coexistaient au palais royal, n'accordaient pas leur confiance aisément. Elles ne méprisaient pas toutes la personne du roi, mais elles lui accordaient un crédit limité. Lyssandre s'était vu targuer de qualificatifs peu flatteurs, lui ainsi que ses aïeux. Ils étaient tour à tour des rois d'opérette, des brutes qui feignaient la distinction, des incompétents.

Une fois de plus, Lyssandre avait souffert des préjugés. Ceux-ci ne l'épargnaient jamais, même lorsqu'il s'agissait de s'attaquer à la lignée régnante, non à lui directement. Tryarn lui avait apporté sa protection, mais peu de soutien. En fait, le prince avait le sentiment que le seigneur de Yersach était peut-être le plus méfiant de tous.

Mais aussi l'un des plus honnêtes.

Tryarn pouvait être affublé de bien des défauts, mais il n'était pas corrompu et lorsque l'on s'approchait des sphères du pouvoir, cette qualité était plus rare que toutes les autres.

Artell avait confirmé à Lyssandre ses soupçons :

— Mon oncle est un homme d'honneur, mais il attend que vous lui prouviez votre valeur.

Lyssandre avait vu apparaître un trait de caractère commun chez Artell lors de leurs retrouvailles. Le général avait refusé de lui rendre sa confiance et si cela avait été furtif, l'influence de Tryarn se faisait ressentir. Derrière la figure très droite et rigide du soldat, Lyssandre devinait une forme d'affection. Du respect, peut-être une once d'admiration, et cela ne pouvait être que réciproque.

Ces deux mois avaient presque été trop calmes, en un sens. La seule agitation concernait Yersach et le prince, ses petites affaires sur lesquelles Tryarn gardait un œil prudent. Amaury se tenait étrangement calme, loin du Nord et de la personnalité qu'elle avait recueillie. C'était presque comme si l'oncle offrait à son rival le temps de lui faire face. Le temps qui permettrait à l'oiseau tombé du nid d'apprendre à voler seul.

Cela tenait de la folie pure et Lyssandre ne parvenait pas à le comprendre. Il était pourtant forcé de constater qu'Amaury attendait, qu'il patientait sans s'accaparer la chance qu'il détenait. Yersach aurait pu sombrer sous ses assauts en à peine quelques jours.

— Vous devriez rentrer, Altesse. Les matins sont trompeurs, par ici.

Lyssandre avait eu l'occasion de le remarquer. La brume humide déposait sur sa peau un baiser mouillé et il donnerait volontiers raison à Artell qui se tint à une distance raisonnable de son prince.

Longue vie au roi - T3 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant