𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐡𝐮𝐢𝐭

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Vingt-quatre décembre, vingt-trois heures trente. Le froid semble avoir figé la chambre silencieuse en une nature morte lugubre et tempétueuse. Le chauffage est comme à son habitude éteint et Hajime se blottit sous sa couette, frissonnant légèrement. Il ne dort pas, non, il n'y arrive pas. Ses pupilles sont rivées sur le plafond, son souffle est à peine perceptible alors qu'on pourrait entendre une mouche voler. Mais non, le brun reste discret, calme, priant pour que les bras de Morphée viennent le cueillir et l'emmener avec lui.

Mais seul le silence mortuaire vient à sa rencontre et l'enlace de son étreinte glaçante.

La déception ne se manifeste pas. Il sait combien ce désir, ce rêve est ambitieux. Il ressemble à celui que le lycéen garde secrètement dans sa tête, bien caché afin que personne ne puisse deviner ce qu'il en est. Partir, loin d'ici, loin de cette ville maudite, de ses habitants lâches et de sa mère violente.

Ses oreilles bourdonnent, sa tête le lance. L'adolescent se redresse avec peine avant de passer ses mains sur son visage. Soupir. Le sommeil est aux abonnés absents depuis de longues heures tandis que l'angoisse monte progressivement en son être. Hajime se sent étouffé, oppressé. Sa gorge se resserre et ses mains se crispent sur la couette avec un peu plus de force.

Ces sensations l'assaillent parfois, dans des moments difficiles, lorsque sa scolarité devient encore plus désagréable ou que sa mère le punit. Aujourd'hui, c'est le deuxième cas. Trois jours enfermé dans une maison vide à l'atmosphère pesante, trois jours passés à se faire rabaisser par la seule autre présence, trois jours à n'être qu'une ombre, un fantôme parmi les murs. Et c'est trop, beaucoup trop pour Hajime dont le corps agit par réflexe.

Une pulsion imprévisible le prend, le propulsant sur ses jambes. Sans réfléchir, sans calculer, le voilà devant son armoire. Un col roulé, un sweat, un pantalon, des chaussettes. Une paire de chaussures au hasard est enfilée, pareil pour sa veste bien trop légère pour la saison. Mais Hajime s'en fiche, tout ce qu'il souhaite, c'est quitter ce lieu tant qu'il le peut. Une nuit ou l'infini. Son désir se dirige vers la durée mais son esprit sait très bien qu'une seule nuit sera possible. Tant pis, autant profiter à fond de l'instant présent.

Alors l'adolescent, après avoir pris ses clés, son téléphone et ses écouteurs, se retrouve devant sa fenêtre désormais ouverte. Les températures sont négatives mais au moins, il n'y a pas de vent et il ne pleut pas. J'ai de la chance.

Maintenant, comment sortir. Sa chambre est au premier étage alors ce n'est pas trop haut. S'il s'accroche au rebord, la distance avec le sol sera moindre. Aussitôt dit, aussitôt fait. Hajime ne laisse plus sa raison dicter ses gestes mais son instinct. Comme le protagoniste des romans qu'il lit. Ainsi, quelques minutes plus tard, le lycéen se retrouve pendu à sa fenêtre. L'atmosphère glacée pique sa peau à découvert, notamment ses joues, ses oreilles et ses doigts meurtris par l'angoisse et le stress. Mais cela lui provoque un bien fou, parce qu'avant de ressentir le froid, c'est la liberté qui lui fouette l'âme, sa liberté.

Ainsi Hajime se dépêche, il se laisse tomber, se réceptionne tant bien que mal avant de courir hors du jardin. Il se doute très bien que sa mère l'a entendu et ne devrait pas tarder à remarquer son absence. Mais le brun s'en fiche, ses doigts bloquent rapidement le contact de l'adulte. Aujourd'hui, c'est sa nuit, son moment de détente sans qu'il n'ait à réfléchir les conséquences de son acte, ce qui arrivera quand il rentrera.

Advienne que pourra.

Les rues de la petite ville sont totalement vides. Seules les fenêtres éclairées témoignent de l'habitation du quartier, avec de temps à autres une voiture roulant à basse allure. Mais cela ne dérange pas Hajime, loin de là. Au milieu de la route, ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles projetant de la musique à fond, le brun est enfoncé dans sa bulle personnelle, dans son espace où seules ses pensées résonnent par-dessus le bruit de ses pas. C'est doux et agréable, tout comme le chemin qui le mène rapidement en périphérie de la ville.

𝑭𝒂𝒄̧𝒂𝒅𝒆 | 𝑖𝑤𝑎𝑜𝑖Où les histoires vivent. Découvrez maintenant