Chapitre 16

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*26 mai 837*

Le reste de la journée s'était déroulé dans une sorte de lenteur insupportable, difficile à supporter. J'aurais aimé qu'elle ne se soit jamais déroulée ! Mes membres en tremblaient encore quand les souvenirs remontaient en tête. La matinée avait pourtant si bien commencé...
Une simple lettre avait suffi à tout détruire en un claquement de doigts.
Après l'arrivée d'Erwin à la boutique pour s'assurer de mon état (l'un des Explorateurs postés devant Hauru's Shop était retourné au quartier général pour informer l'escouade du capitaine Rosenberg et le Major), Tom nous avait retrouvés à l'arrière-boutique, Miranda, Erwin et moi, pâle comme un cachet d'aspirine. Il nous avait dit de le suivre. Et une fois revenus à l'avant de la boutique, le premier choc était de découvrir que quelques curieux s'étaient amassés devant l'entrée. Sans doute parce que la rumeur de la lettre de menace avait commencé à se propager. Caileen, les quelques clients présents, Tom et Miranda ne cachaient pas leur inquiétude ; je me remettais à trembler, et Erwin essayait de m'apaiser.
Le soldat du Bataillon d'exploration restant devant l'entrée d'Hauru's Shop tentait sans grands résultats de calmer la foule de curieux, jusqu'à ce des sifflets se fassent entendre. La Garnison et les Brigades Spéciales étaient arrivées en renfort pour les éparpiller. Cette intervention nous avait tous soulagés, nous n'aurions jamais su comment nous en sortir sans subir des questions criées de toutes parts.
Un des soldats des Brigades Spéciales et un autre de la Garnison, qui faisaient partie de l'intervention, étaient entrés dans la boutique pour interroger les témoins. C'est à ce moment-là que mes collègues leur avaient raconté le coup de la lettre arrivée de nulle part dans la matinée, quand tout le monde avait le dos tourné. Soutenue par Erwin, je confirmais leurs dires en racontant ma version des faits. La terreur était revenue au grand galop.
Si seulement je ne m'étais pas retrouvée au centre de cette affaire, rien de tout cela ne serait arrivé. Et je ne tremblerais pas pour ma vie !
A son retour quelques heures plus tard, en début d'après-midi, Wendy avait appris à son tour les événements qui s'étaient déroulés en son absence. Ma patronne s'était mise à craindre que cela pourrait s'aggraver si je restais seule trop longtemps, et en se tournant vers Erwin resté avec nous depuis l'arrivée de la lettre, elle lui avait demandé quelle serait la suite. Wendy savait garder son sang-froid et prendre de bonnes décisions même dans les pires situations. Erwin lui avait assuré que de nouveaux renforcements seraient pris dès l'instant où les trois corps d'armée tout entier prendrait connaissance de la lettre, et que les soldats feraient des rondes dans les Districts et des battues à travers les Murs nuit et jour, sans oublier de contrôler tout le monde. Ainsi espéraient-ils mettre la main sur Loïk Ravenfield.
Mais ça ne me rassurait pas pour autant. Loïk semblait vraiment capable de tout pour m'obtenir. Au point de s'en prendre à tous ceux qui se mettront en travers de son chemin - et Erwin en première place. Comme si je n'étais qu'un vulgaire jouet aux yeux de mon ami d'enfance.
Là était la cruelle réalité qui s'offrait à mes yeux.
Loïk me traitait comme SA chose, SA propriété, comme s'il ne prenait pas en compte mes sentiments. En réalité, il n'en avait rien à faire.
Jusqu'où ira-t-il pour parvenir à ses fins machiavéliques ?

☆☆☆

Les questions se bousculaient dans mon esprit depuis le retour au quartier général du Bataillon d'exploration, après la journée de travail, quelques temps plus tôt. Wendy avait insisté pour que je prenne mon après-midi, mais j'avais tenu à rester à la boutique. La décision semblait stupide sur le moment, mais c'était sans doute la dignité qui prenait le pas sur la peur. Mes collègues comme Erwin avaient eu beau insister, rien n'y avait fait. Je voulais continuer à travailler et laisser le commanditaire du meurtre de mes parents gagner en me faisant peur. Avec le recul, je me rendis cependant compte que cette même peur n'était pas partie pour autant. Loïk Ravenfield pouvait apparaître à tout moment pour terminer le travail. Il serait même caché dans un coin sombre que personne ne s'en apercevrait, pas même le plus aguerri des soldats.
Sauf quand votre dernière heure avait sonné.
L'heure du dîner était déjà passé, mais je refusais de sortir de la chambre individuelle d'Erwin. C'était le seul endroit où je me sentais en sécurité. Cela m'apaisait, mais pas assez pour me faire sentir mieux. La lettre m'avait plus secouée que je ne le pensais. J'avais apparemment mal jugé ce traumatisme émotionnel.
Allongée sur le lit d'Erwin, les yeux vides d'expression fixant le mur sans en prendre conscience, dans une transe totale, je sursautai violemment quand le bruit d'une clé déverrouillant la serrure rompit le silence de la pièce et le malaise. Quelqu'un s'apprêtait à entrer ! D'un coup je me redressai, et je pris la première chose qui me tomba sous la main : une lampe à huile. Posée sur la lampe de chevet d'Erwin. Ce n'était pas grand chose, mais cela suffira pour me défendre.
Le cœur battant, les mains crispées sur la lampe à huile, je m'apprêtai à la lancer dans la figure de l'intrus... avant de me retenir au dernier moment. Celui que je prenais pour un intrus n'était autre qu'Erwin. Il fut d'ailleurs assez surpris de me voir avec la lampe à huile entre les mains.
- Mais... qu'est-ce qui se passe, Nasrin ? Pourquoi as-tu cette lampe dans les mains ?
- Désolée, j'ai cru que c'était un intrus qui essayait d'entrer dans la chambre, quand la clé a tourné dans la serrure, expliquai-je, l'air penaud. La lampe était la première chose que j'ai vue pour pouvoir me défendre. Je ne pensais pas que c'était toi...
A présent, j'avais l'air complètement ridicule, avec cette "arme" inoffensive. Une seconde de plus, et le pauvre Erwin se serait fait assommer par mégarde. La bourde !
Finalement, j'étais heureuse que ce soit lui qui revenait de la salle de repas. Ça faisait un poids en moins sur les épaules... et une peur qui disparaissait.
- Excuse-moi, ce n'était pas dans mon intention de te faire peur, dit Erwin. Comme tu n'es pas venue au dîner, Akiko et Hansi tenaient absolument à te préparer de quoi grignoter plus tard. Enfin, c'est plus une idée de Hansi. Elle m'a fait promettre de te faire manger de gré ou de force.
Je rigolai malgré moi. Décidément, plus ça allait et plus Hansi me paraissait sympathique. Certes, elle était complètement fêlée sur les bords lorsque le sujet de conversation concernait les Titans, mais elle ne restait pas moins compétente et très attentive envers les autres.
Et c'est là aussi que je remarquai ce qu'Erwin tenait entre les mains : un morceau de pain et une assiette avec des patates et un peu de viande, une nourriture de luxe extrêmement rare. Au vu de son prix, très peu de gens n'avaient pas les moyens de se le payer. Même dans les corps d'armée, les soldats n'en mangeaient pas très souvent. Sauf cas exceptionnel. Mais ça restait rare.
Évidemment, mon ventre en profitait pour lâcher un long grognement. Je n'avais rien avalé depuis ce midi. Je me sentais mal à l'aise et Erwin, lui, eut un petit rire.
- On dirait que j'arrive au bon moment, commenta-t-il en souriant malgré lui. Tiens, c'est ce qu'il restait du dîner, c'est ce que les filles ont cotisé.
Il faudra que je pense à remercier Hansi et Akiko pour avoir pensé à moi. Elles avaient eu la gentillesse de mettre de la nourriture de côté, et moi, en retour, avec les derniers événements, je leur avais causé beaucoup d'inquiétude.
Alors que je mangeais - ou plutôt, je dévorais - ce qu'il y avait dans l'assiette, Erwin, qui s'était assis à mes côtés et me fixait en silence (ce qui eut pour effet de me mettre mal à l'aise... et de me faire rougir, je ne vais pas vous mentir), m'apprit alors que les haut-gradés des trois corps d'armée s'étaient réunis avant le dîner. Suite à ce qui s'était produit ce matin, ils avaient débattu longtemps avant d'arriver à une conclusion : me mettre à l'abri dans un coin isolé. Rester en ville devenait désormais trop dangereux pour moi, mes collègues de travail, les amis restés fidèles à mes parents, et mes amies d'enfance. Loïk Ravenfield pourrait s'en prendre à eux afin d'obtenir des informations - et éventuellement les tuer.
L'idée me fit froid dans le dos, mais Erwin me rassura que des soldats les mettront sous protection, où qu'ils aillent. Pour éviter cette même éventualité. Les hauts-gradés feront passer une information dans la presse où ils feront croire que je restais en ville, veillée par des soldats, mais, en réalité, ils profiteront de la nuit pour m'emmener dans un endroit connu d'eux seuls. Ils mettront au courant ma patronne et mes collègues, et mes amies les plus proches (à savoir Meadow et Hillaria).
L'inquiétude apparut dans mon cœur. Cela signifierait qu'il allait falloir que je m'isole - une fois encore - du monde extérieur, pour éviter qu'on ne me mette la main dessus. Je ne savais si j'aurais le mental et la force nécessaires de supporter cette nouvelle épreuve. Quand donc ce cauchemar se terminera-t-il ? C'était déjà assez dur comme ça de supporter l'amnésie et de ne retrouver qu'en petite quantités les souvenirs d'avant oubliés, alors savoir que je ne serais en sécurité nulle part...
Nulle part, c'était l'impression que j'avais. Tant que Loïk Ravenfield ne sera pas arrêté avec ses complices, et tous jugés pour la gravité de leurs crimes, pas une seule fois je ne me sentirais en sécurité.
Erwin avait senti mon malaise, et il prit mes couverts des mains pour les déposer sur un meuble. Confuse, je ne comprenais pas ce qu'il faisait - jusqu'à ce qu'il revienne et me prenne dans ses bras. Ma surprise était plus grande encore parce qu'Erwin ne laissait jamais rien transparaître de ses émotions, et c'était plutôt rare qu'il les dévoile au grand jour.
- Ne t'en fais pas, je serai là pour te protéger de tout danger. Je t'en fais le serment. Ravenfield ne restera pas longtemps impuni pour ce qu'il a fait ! Il regrettera de t'avoir fait souffrir de la sorte !
J'étais épatée par l'audace d'Erwin et sa résolution de ne pas laisser Loïk s'échapper éternellement à la justice. Akiko disait qu'il prenait cette affaire très à cœur, mais je n'imaginais pas à ce point-là. Sans doute qu'il se revoit en moi par rapport à nos vécus ? À savoir la perte de nos parents ? C'est fort probable.
Si Loïk Ravenfield se présentait en plein jour, il regrettera sans doute d'être venu au monde : Erwin n'hésitera pas à lui faire mordre la poussière. Et ce, là où il s'y attendra le moins.
Je mis quelques secondes à reprendre mes esprits, et laissant la surprise et ma réserve de côté, je répondis à l'étreinte d'Erwin en serrant dans mes mains des pans de sa chemise. Mon visage s'enfouit contre son torse. D'étranges sentiments apparurent en moi, outre que l'amitié : du respect, la peur de perdre Erwin, et aussi de l'attachement pour lui. Peut-être même un peu d'amour ? Je ne saurais le dire avec précision, c'était encore très confus dans mon esprit. Néanmoins, la seule chose à laquelle j'étais certaine, c'était que nous avions tous deux plus de points communs que nous le pensions, malgré nos différences de caractères.
Et je craignais la perte prochaine de celui qui prenait le soin de me protéger, envers et contre tout.
Au point de mettre sa propre vie en danger.

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Le chapitre 16 en ligne, mes petits chats 😊 L'avancée des autres fan-fictions et des deux histoires a occasionné du retard, et je m'en excuse pour cela. L'inspiration ne venant pas sur commande (et j'en suis navrée, encore une fois), la fan-fiction connaîtra une avancée en fonction de l'arrivée des idées.
J'espère malgré tout que ce nouveau chapitre vous plaira. Même s'il est court, j'y ai passé un moment à peaufiner les derniers détails.
Ah, et petite question : parmi les personnages de la saison 4 de "L'Attaque des Titans", avez-vous une préférence en particulier ? 💖

#Alixassëa l'Elfique

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