Chapitre 1

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//PDV EXTÉRIEUR\\

*2 mai 837*

Presque un centenaire que l'Humanité s'était réfugiée derrière les Murs. Un centenaire de paix et de tranquillité, loin de la menace qui autrefois avait mis les hommes en grand danger (au point d'avoir failli disparaître) : les Titans. Des êtres humanoïdes allant jusqu'à 15 mètres de hauteur, voire 17 mètres pour les plus grands d'entre eux. Des êtres monstrueux qui ne semblaient se nourrir que des hommes. Jusqu'à maintenant, personne ne connaissait les origines mystérieuses de ces Titans.
Le Bataillon d'exploration avait tenté à plusieurs reprises, depuis sa création, à découvrir le fin mot de l'histoire au cours d'expéditions Extra-Muros, mais à chaque retour des membres revenaient moins nombreux. Et à chaque fois ils se faisaient huer par les habitants du District de Shiganshina. Un sacré coup dur !
Ces injures blessaient les Explorateurs, alors considérés comme des suicidaires par le reste de la population. Mais aussi par les Brigades Spéciales et la Garnison. Et le gouvernement. Ce manque de soutien faisait vraiment mal. Très, très mal.
Comment voudrait-on trouver la moindre réponse sur les Titans, quand ceux-ci bousculaient les plans du Bataillon ?

*
*   *

Aujourd'hui, tout était calme. Les Explorateurs étaient revenus à Shiganshina pour une réunion, après être passés au principal Q.G. sur le chemin reliant ce District à celui de Trost. Le Major Shadis et ses chefs d'escouade (y compris le capitaine Clémens Rosenberg) préparaient un nouveau plan d'attaque pour la prochaine expédition, qui se tiendra dans plus de cinq mois, à la mi-octobre. Les autres soldats avaient champ libre pour s'occuper pendant le temps que durera le rassemblement des hauts gradés du Bataillon. Akiko Eyre, désormais âgée de 25 ans, en profita pour aller inspecter en haut du Mur Maria, en compagnie de ses amis de longue date Erwin Smith, 22 ans, et Mike Zacharias, 26 ans.
Le soleil était au zénith. Les trois jeunes Explorateurs aidaient les soldats de la Garnison à vérifier les canons et le reste de leurs équipements ; quelques-uns de leurs collègues du Bataillon les avaient suivis pour prêter main forte, eux aussi. Les tâches étaient épuisantes mais nécessaires. Ils devaient se maintenir prêts pour une quelconque attaque des Titans.
Quand elle se redressa, Akiko jeta un coup d'œil au paysage qui se perdait au loin, derrière les collines, à des kilomètres du Mur Maria. Ses cheveux blonds en épi avaient poussé de quelques centimètres, au point d'atteindre les épaules. Ce qui n'arrangeait pas l'ébouriffement de ses cheveux : Lexie et June se pliaient toujours de rire au cours de leurs visites chez les Explorateurs. Malgré que ça fasse deux ans que les amies d'Akiko avaient quitté le Bataillon après la mort de Honey et l'affaire Gabriel Ivoldo, les liens d'amitié entre elles restaient très forts.
June s'était finalement mariée avec le plus jeune des trois frères de Honey, Irial Hayden, et ensemble ils avaient eu une petite fille, Amina, dont Akiko en était la marraine. Lexie, elle, était en couple avec Ilías Ivoldo, le cousin de la jeune Eyre. Ces derniers étaient l'exemple parfait que les opposés s'attiraient : l'excentricité d'Ilías faisait rire Lexie, et Lexie était le tampon de l'excentricité même d'Ilías. Un couple des plus atypiques qui amusait leurs proches.
La journée passait lentement mais sûrement. Les trois jeunes soldats du Bataillon admiraient la vue que leur offrait l'extérieur du Mur Maria.
- Nous paraissons si minuscules, face à ce monde vaste dont nous ignorons tout, déclara Erwin après un long silence. Si l'apparition des Titans n'avait pas obligé nos ancêtres à se cloîtrer derrière les Murs, il y aurait longtemps qu'on serait partis à la découverte de ces terres inconnues.
- Le monde a sa part de mystère, affirma Akiko d'un air sombre. Là-dessus, on ne peut rien y faire ! Concernant les Titans, c'est vrai que ça ne tourne pas à notre avantage, vu les morts à déplorer à chaque retour d'expédition. Ils nous donnent énormément de fil à retordre et on ne sait jamais quel sera leur réaction. Mais tu ne dois pas t'en faire à cause d'eux, Erwin, ajouta-t-elle en jetant un regard à son ami, on finira bien par trouver la vérité.
Erwin hocha tristement la tête.
- Je l'espère. Parce que je ne tiens pas à quitter le monde des vivants sans savoir si la théorie de mon père est juste ou non. Depuis sa mort, les informations sur le monde extérieur qu'il avait divulguées sont ma seule raison de vivre. De plus, je ne vous l'ai peut-être pas dit, mais je ne veux pas qu'il arrive quoi que ce soit à ma famille.
Par « ma famille », Erwin désignait ses plus proches amis — donc Mike, Akiko, Lexie, Ilías, June et même le capitaine Rosenberg — comme tel. Il se sentait coupable de ne pas avoir su tenir sa langue et avoir parlé des informations « top secrètes » concernant le Monde extérieur à sesjeunes camarades, enfant, en citant le nom de son informateur, car cela avait causé l'arrestation de son père par la première division des Brigades Spéciales,quelques jours plus tard. Sa torture puis son assassinat avaient beaucoup bouleversé le jeune garçon qu'Erwin était à l'époque.
Les remords se lisaient sur son visage, mais comme fit remarquer Mike, il ne pouvait pas deviner qu'il causerait de très gros ennuis à son père.
- Tu n'étais qu'un enfant, Erwin. Tu n'avais pas la possibilité de comprendre l'importance de ces informations, c'est tout.
- C'est vrai, reconnut l'intéressé. Ma naïveté d'enfant a fait que cela avait précipité mon père tout droit vers la mort.
Akiko posa une main sur l'épaule d'Erwin pour le réconforter. Depuis qu'ils le connaissaient, elle et Mike, devenu son compagnon dans leur vie personnelle, faisaient en sorte pour le soutenir quand le sujet sur le père d'Erwin devenait trop douloureux pour lui. C'était le cas actuellement ; ils décidèrent alors de ne plus en parler et de changer très vite de sujet de conversation.
La plupart des habitants des Murs Maria, Rose et Sina ne se souvenaient plus de comment était le monde extérieur avant la construction de ces derniers, en l'an 743, sur le territoire du Clan des Métamorphomages, exterminés par le Gouvernement depuis un désaccord qui avait causé l'éloignement des anges guerriers, des Ackerman et des Asiatiques avec la Couronne. On savait seulement qu'il existait des montagnes, des forêts et des rivières, des champs, des châteaux détruits et autres paysages de ce genre hors des Murs (seul le Bataillon d'exploration avait eu cette chance de connaître ces mêmes paysages), mais personne ne savait s'il existait encore une civilisation humaine — en-dehors de celle qui vivait à travers les trois Murs — en train de se cacher des Titans, vu la dangerosité pour les humains de s'aventurer sans se faire bouffer par l'un d'eux.
Et pour ne rien arranger, le Gouvernement interdisait à quiconque de faire des recherches ou de se renseigner sur le monde extérieur. Pour le « bien du peuple », disaient-ils là-haut. Tu parles d'une bonne blague ! Les nobles et les politiciens faisaient cela uniquement pour l'argent, et aussi pour éviter la moindre rébellion de la part du peuple dont ils se permettaient de juger et de regarder de haut !
Un bruit de filin se fit soudain entendre dans le dos d'Erwin et compagnie, suivi d'un autre son plus sourd que le précédent. Le capitaine Clémens Rosenberg venait d'atterrir sur le dessus du Mur Maria. Ses trente-et-un ans qui approchaient à grands pas n'affectaient en rien son caractère enjoué mais sérieux, ni sa démarche déterminée. Le « Colonel » tapa dans ses mains pour attirer l'attention des membres de son escouade :
- On se rassemble, les jeunes ! J'ai une annonce importante à vous faire.
Inutile de se le faire répéter deux fois : Mike, Erwin et Akiko se précipitèrent pour entourer leur supérieur.
- Alors ? Quelles sont les nouvelles de la réunion ? Vous avez pu vous mettre d'accord ? questionna Akiko.
- Chaque chose en son temps, cadet Eyre, dit le capitaine d'une voix calme mais ferme, pour couper court à toute question. D'abord, commençons par le commencement. Ça n'a pas été facile de se mettre d'accord, je vous le concède, mais nous avions pu trouver un accord.
De fil en aiguille, le chef d'escouade expliqua à ses subordonnés la décision de la réunion : la prochaine expédition Extra-Muros se tiendra, comme convenu, à la mi-octobre de cette année. Le 15, précisément. Les commandants de chaque équipe et le Major Shadis avaient bataillé longtemps avant de jouer finalement cartes sur table et de voter, afin de se mettre d'accord sur une date précise. Cela avait ainsi évité de nouveaux conflits, et puis il fallait donner une réponse rapidement au Général Zackley et au conseil du Gouvernement, qui se révélaient être plutôt pressants quant à ce sujet. Aux dernières nouvelles, les subventions pour payer les frais des expéditions du Bataillon ne tombaient pas des arbres. Heureusement, d'ailleurs.
Mais le pire fut annoncé : d'après le Major Shadis, les politiciens « souhaitaient » limiter le nombre de morts à la prochaine expédition Extra-Muros, ou ils couperaient les subventions. C'était le général Zackley qui lui avait fait part de cette menace. Comme si les Explorateurs pouvaient prévoir en avance les mouvements des Titans ! Erwin, Mike et Akiko n'en croyaient pas leurs oreilles.
- Ils sont gonflés de dire ça ! ne put s'empêcher Akiko de s'exclamer. Personne ne peut prévoir le nombre de morts à chaque expédition, et surtout pas nous ! Et ces maudits politiques disent ça tranquille en pensant que c'est du gâteau !
La jeune femme souffla avec exaspération avant de sortir :
- Oh, la merde ! Dans quel foutoir ces imbéciles nous ont-ils mis, encore ?
- Ah, oui ! c'est le foutoir, comme tu dis, approuva le capitaine d'un air sombre. Les vétérans ont beau être habitués aux caprices de ces politiciens, il n'empêche qu'ils poussent le bouchon un peu trop loin.
« Ce n'est pas l'envie qui me manque de leur casser la figure ! » s'apprêtait-il à dire, mais le « Colonel » Rosenberg se retint à temps. Ses propos pourraient être très mal pris par les soldats de la Garnison veillant à l'entretien du Mur Maria, si on l'entendait. Et ce n'était pas le but principal. Mais Erwin et le couple Zacharias-Eyre avaient compris le sous-entendu, au ton dans sa voix.
Le capitaine Rosenberg se massa le front, comme fatigué par les évènements.
- Je vous jure... Il y a des jours, comme ça, où ça ne se passe pas forcément comme on le voudrait. Et certaines personnes méritent de recevoir des paires de baffes !
- Je suis d'accord, approuva une voix non loin de l'escouade. Mais si toutes les journées se déroulaient comme prévu, il y aurait longtemps que l'humanité serait perdue.
Un soldat des Brigades Spéciales s'approchait à grands pas du quatuor, l'air sûr de lui scotché sur le visage, et des mèches de cheveux châtains tombant devant les yeux. Sa tête n'était pas inconnue de l'escouade Rosenberg...
- Lothar ?! lâcha Akiko, étonnée de voir arriver l'ami de son cousin, alors que le capitaine Rosenberg salua sans joie :
- Bonjour à toi, Kershaw. La surveillance des Murs depuis les hauteurs ne fait pourtant pas partie des tâches principales des Brigades Spéciales.
Il ne portait pas réellement cette branche de l'armée dans son cœur. Un sentiment partagé par la quasi-totalité du Bataillon d'exploration. Réservée aux dix meilleurs soldats de chaque Brigade d'entraînement (si certains décidaient de la rejoindre), la division était spécialisée pour la protection de l'autorité royale ; les soldats des Brigades Spéciales menaient donc la belle vie loin du danger procuré par les Titans. Presque la belle vie, si la population ne se méfiait pas autant d'eux... Car les Brigades Spéciales se révélaient être en réalité corrompus, et leur très mauvaise réputation n'arrangeait en rien cette méfiance.
La tension se faisait ressentir. La plupart des soldats avaient même arrêté leurs tâches pour regarder la scène, s'interrogeant sur la situation. Le silence gênant fut brisé lorsque Lothar, après avoir fait un signe de la tête à Erwin, Akiko et Mike, reprit la parole :
- Ne vous en faites pas, capitaine, je ne suis pas venu chercher des ennuis à votre équipe. Mes supérieurs m'ont envoyé vous chercher pour régler une affaire délicate. Comme ils ne cessent de tarir d'éloges sur votre solide réputation, ils se sont dit que vous seriez apte à nous aider.
Clémens Rosenberg réprima un grognement.
- Oh ! Je suis touché par cette attention. Et quelle est donc cette affaire si délicate pour demander mon aide ? Ils ne peuvent pas s'en occuper tout seuls, comme des grands ?
- Ils savent gérer les conflits et autres soucis pour maintenir la paix parmi la population — tout ce qui peut être régler par des solutions « simples », si je puis dire, dit Lothar Kershaw. Mais, là, la gravité a atteint des limites inimaginables et, seuls, avec la Garnison, nous ne pouvions pas y arriver.
On sentait le désespoir dans sa voix. Derrière leur supérieur, Mike et Erwin le remarquèrent, et aussi Akiko qui fronça les sourcils. Jamais elle ne l'avait connu de cette façon. Cependant, Lothar racontaitpour une fois l'entière vérité.
La preuve : d'une voix blanche qu'aucun des témoins présents ne lui connaissait, le soldat des Brigades Spéciales annonça la terrible nouvelle.
- La maison d'un notable du District de Trost a été entièrement décimé par un incendie criminel. Et parmi les habitants de la maison... seuls la fille des propriétaires et deux des associés du notable ont réussi à s'en sortir.

*
*   *

Pendant qu'ils parlaient, les soldats des Brigades Spéciales et de la Garnison mutés au Mur Rose s'activaient autour de l'endroit désormais considéré comme une « scène de crime ». Sous les yeux terrifiés des badauds, qui s'y étaient rassemblés par curiosité, cinq corps carbonisés avaient été sortis de ce qui restait de la maison en ruine. Les corps des deux propriétaires de la maison et trois de leurs domestiques. Le vieux valet de la famille et une jeune domestique de 16 ans étaient en congé ce jour-là, ils avaient eu énormément de chance.
Tout comme les associés du notable, qui avaient réussi non sans mal à se sortir du pétrin et à aller chercher de l'aide. Les deux hommes n'avaient rien, en-dehors de leurs brûlures superficielles et de quelques cheveux cramés, et ils semblaient encore tout retournés par la scène d'horreur qu'ils venaient de vivre.
Ce qui sembla profondément bouleverser les témoins et les soldats, fut la vision d'une jeune femme blessée que l'on avait allongée sur un brancard. Elle respirait difficilement et ses blessures apparaissaient comme plus graves que les associés de son père.
Sa vie ne tenait dorénavant plus qu'à un fil.

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Chapitre 1 en ligne, mes petits chats 😊

#Alixassëa l'Elfique

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