Si j'avais su...

1.4K 61 13
                                    

Ce jour n'avait pourtant rien de particulier. Il n'avait pas fait plus beau que d'habitude (il pleuvait, donc), pas plus froid (soit aux alentours d'une dizaine de degrés Celsius), je n'avais mangé que des choses banales (ratatouille, rôti de porc, tarte au citron, crêpes et pains au lait), m'étais levée du pied droit (et m'étais pourtant étalée sur le carrelage)... tout donnait l'impression que c'était un jour comme les autres, vous dis-je.

Et puis soudain...

Hum, pardon. Peut-être faudrait-il commencer par le début. Enchantée de faire ta connaissance, lecteur, je m'appelle Millie Sawyer (et ça rime!). Et bien que dans ma tête, je sois la reine de Pétaouchnok, vautrée dans des canapés incrustés de diamants et me faisant nourrir par de superbes hommes nus à la becquée, je dois être une fille des plus simples. Je vais te raconter ici une histoire peu commune qui m'est arrivée, comme un cheveu sur la soupe. Mais il s'est avéré que c'était finalement une très bonne soupe. Je suis une jeune collégienne londonienne (oui, avec les chaussettes hautes et la jupette, oui), et j'ai quinze ans.

Comme toi, lecteur, j'ai grandi avec les récits incroyable de J.K. Rowling, et sa série Harry Potter. Comme toi, sans doute, je peux réciter par cœur les livres qui ont transporté mon enfance; et comme toi, j'imagine, j'ai attendu impatiemment ma lettre de Poudlard à mes onze ans. Et, comme toi, je ne l'ai jamais reçue, bien sûr.

J'avais fini le septième tome, en larmes, face à cette fin inéluctable. Et, même si j'avais fini par me résigner à devoir porter ces affreuses chaussettes pour aller à l'école, et compris qu'il fallait que je fasse mon bonhomme de chemin dans ce monde de moldus, ma passion pour les livres n'était jamais partie.

Ceci dit, comme je le disais plus haut et un peu en avance, rien ne m'avait préparée à ce qui allait suivre. Reprenons donc.

Nous étions le premier septembre, et il était onze heures du matin. J'entamais donc mon quatrième repas de la journée, composé des restes de la veille, et l'envie me pris soudain de relire un de mes livres préférés. Mon choix se porta sur Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban; et, tout en essuyant des traces de sauce tomate sur mon menton, je m'affalai dans mon canapé, livre en main, me plongeant dans les folles aventures du trio d'or. MP3 allumé, de la musique dans les oreilles, je ne me rendis pas compte que je m'endormais.

Lorsque l'un de mes propres ronflements me réveilla en sursaut, le silence m'assourdit brutalement. Les yeux encore collés par le sommeil, je me redressai, surprise. C'était bien la première fois que je m'endormais sur un bouquin! Je bâillai à m'en décrocher la mâchoire. C'était étrange; l'air semblait différent de d'habitude. Ma respiration était plus fluide, je me sentais plus légère. Je tournai les yeux vers la fenêtre qui...

Je sursautai. Mais je n'étais pas chez moi! Mon salon avait été remplacé par un décor que je ne connaissais pas. Je me tenais désormais dans un bureau très cosy, et j'avais fait ma sieste dans un fauteuil de cuir qui semblait vieux comme le monde, mais qui était fort confortable. Je me levai et posai mon livre sur un petit meuble en bois. Mon MP3 ne fonctionnait plus du tout, et je le posai sur le livre pour faire le tour de la pièce.

Des cadres de photos vides étaient accrochés aux murs, et aucune fenêtre ne donnait sur l'extérieur. Excepté mon fauteuil confortable et le petit bureau de bois, il y avait une armoire immense aux lourdes portes que je n'osai ouvrir. Et il y avait également une porte.

Je restai un instant tétanisée devant. Était-il bien prudent de s'aventurer à l'extérieur de cet agréable petit bureau inoffensif?

Comprenez-moi, je ne faisais après tout de base qu'une petite sieste, et voilà que j'étais soudain, par je ne savais quelle magie, transportée dans un tout autre endroit! Peut-être de l'autre côté y avait-il des dinosaures qui ne feraient qu'une bouchée de ma petite personne...

Je restai de longues minutes indécise, avant de finir par actionner la poignée. Je sortis de ma petite pièce, et eut soudain le souffle coupé.

J'étais dans un château, LE château, Poudlard. Reconnaissable entre mille par ses vastes escaliers qui jouent des tours aux élèves, aux tableaux luxuriants dont les personnages allaient et venaient, aux bougies qui s'élevaient dans l'air, inutiles car la lumière semblait émaner du château lui-même; reconnaissable par ses armures lustrées qui pouvaient parfois rire aux bouffonneries des fantômes. Ébahie, je jetai un œil derrière moi. La porte par laquelle j'étais sortie avait disparu, aussitôt refermée. J'avançai d'un pas en regardant tout autour de moi, lorsque mes pieds s'emmêlèrent; je tombai brutalement à terre.

- Oh là! Ça va?

Je relevai la tête, et à nouveau, ma respiration se bloqua dans ma gorge. Pendant presque une décennie, j'avais rêvé quasiment chaque nuit de ce garçon. Il se tenait devant moi, les cheveux en bataille, une main tendue pour m'aider à me relever; il portait une robe noire, sa cravate rouge et or était défaite négligemment, et il me fixait de ses yeux marrons derrière ses lunettes rondes.

Attendez. Des yeux marrons?

Je sautai sur mes pieds.

- James Potter? osai-je en m'époussetant.

Le garçon se passa une main dans les cheveux dans un geste qu'il voulait sans doute séducteur, mais qui m'horripila.

- Je ne savais pas qu'on se connaissait! Tu es...?

Je ne répondis pas, effarée. J'avais atterri à Poudlard! Dans les années 70 en plus, vraisemblablement; si je calculais bien, les parents de Harry Potter avaient passé leurs BUSE en 1976; et j'avais donc sous les yeux Potter senior. Qui insista en désignant mon jean:

- Pourquoi es-tu habillée en moldue?

Un mensonge, vite! Mon cerveau tournait à toute allure, et je finis par balbutier:

- Pour euh... la sortie à... Pré-au-Lard, non?

James ouvrit de grands yeux et éclata de rire.

- Une sortie? Le premier septembre? Mais d'où sors-tu?

Le Gryffondor secoua la tête d'un air navré puis sembla estimer que je lui avais fait perdre trop de temps. Il me salua de la main et s'éloigna dans le couloir, sans plus m'accorder d'attention.

Je le regardai s'éloigner, avec une boule de nerfs grandissante aux creux de mon estomac. Je n'étais pas seulement habillée en moldue, j'étais une Moldue! A Poudlard! Qu'allais-je faire?

Les Temps les plus SecretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant