Rentrée parallèle

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Dumbledore m'emmena dans son bureau. Je fus impressionnée par l'immense pièce circulaire, aux mille reflets d'or et d'argent. Quelques étranges objets vrombissaient doucement de ci, de là. Un lourd bureau, aux pieds en forme de serres, se tenait au centre de la pièce, et non loin – je ne pus retenir un gémissement d'excitation très peu digne – un perchoir sur lequel somnolait un phénix aux couleurs sanglantes.
Nom d'un Botruc, j'étais réellement dans mon bouquin. Et je me fondais comme un poisson dans l'eau. L'air magique m'allait à ravir. Comment était-ce possible ? Étais-je donc si exceptionnelle que le monde magique s'était ouvert à moi ? La grandeur m'appelait, je le sentais, du bout des doi...

- Je vous en prie, miss Sawyer, assez-vous, m'invita le Directeur, me coupant dans mon délire mégalo.

Je m'exécutai et posai mon séant délicat sur le fauteuil en tweed posé devant le bureau, derrière lequel, après avoir attrapé un vieux chapeau, Dumbledore s'assit lui-même.

- Nous allons commencer par te répartir dans une des quatre maisons de Poudlard.
- Chouette.

Mon visage blême devait contredire ma dernière affirmation. Je n'avais jamais réellement pensé dans quelle maison je voulais être ; en tout cas, clairement pas chez ces inutiles de Poufsouffle. Hors de question d'arborer le blaireau comme blason, et le jaune ne me va pas au teint. Exclu. Je n'étais pas non plus assidue en cours, et n'avait pas vraiment soif d'apprendre... sauf la magie, peut-être. Mais bon, si on parle mathématiques et cours d'anglais, je suis moins motivée tout de suite... de plus, ayant autant d'ambition professionnelle qu'un raisin sec, Serdaigle me semblait donc également exclu. Et même si j'admets que la modestie est loin de m'étouffer, je ne suis pas très m'as-tu vue, je préfère éviter les dangers le plus possible... en plus je n'aime pas trop le rouge... du coup Gryffondor n'allait pas être ma maison. Mais bon, je ne suis pas une vilaine fille, je ne déborde pas de courage mais je ne suis pas pleutre, et j'ai quand même un bon niveau scolaire, je ne vois pas pourquoi je finirai à Serpentard, la maison de ce babouin de Crabbe.
Dilemme.
Dumbledore se leva à nouveau, et me tendit le vieux Choixpeau. Miteux, il paraissait être aussi vieux que ce château. Avec un déglutition très audible, je le pris, et le posai sur ma tête. Aussitôt, il me tomba devant les yeux et me cacha le directeur.
« Hum, je vois... une peur irrationnelle... »
Euh, irrationnelle ? Et c'est un chapeau qui parle qui me dit ça ?
« Une ironie palpable, un courage insoupçonné... »
Étant à deux doigts d'uriner pitoyablement dans mon jean, je me demandai où voyait-il ce fameux courage.
« Mais l'intelligence prime, la ruse, la fourberie et le désir de survivre passe avant tout. Alors... »

- SERPENTARD !

Su-per. Direct, cataloguée dans les gros vilains de l'histoire. Tous les méchants sont toujours à Serpentard. On allait me prendre pour une Voldemort miniature, à tous les coups ! Dumbledore eut un hochement de tête, comme s'il n'était pas surpris de la décision du Choixpeau. Quoi, en plus, j'avais la tête de l'emploi ? Scan-da-leux, vous dis-je.
Le professeur ôta de ma tête le Choixpeau et le remit tout en haut d'une étagère, avant de me tendre un écusson vert et argent, sur lequel un petit serpent se tortillait furieusement.

- Ça a de la gueule quand même.

Dumbledore haussa un sourcil.
- Hum, pardon, je voulais dire, il est super joli, n'empêche.

Je glissait l'insigne dans ma poche de jean. Le mage me prenait-il soudain pour une future mangemort, une adoratrice de face de serpent ?

- Les Serpentard ne sont pas tous des affreux, Millie, me rassura Dumbledore.

Hum. Le vieil homme lisait dans ma tête comme dans un livre. Excellent.

- La plupart, tout de même, marmonnai-je. Vous avez vu Voldemort? Vous avez vu Ma...

Je me tus brusquement. Peut-être n'était-il pas nécessaire de donner plus de noms.

- Il n'y a pas que des Voldemort à Serpentard. Tu t'en rendras vite compte.

- Nous allons désormais nous rendre au Chemin de Traverse, miss Sawyer.
- Ah oui ? Comment ? Portoloin, poudre de cheminette, transplanage ?

Eh oui je ne pouvais m'empêcher d'étaler un petit peu la confiture de mes connaissances sur cette belle tartine qu'était Dumbledore. Il sourit d'un air indulgent, comme s'il avait deviné que j'étais simplement contente d'en placer une. D'un coup de baguette magique, il alluma un feu dans la cheminée, ce qui répondait à ma question, et me tendit un petit bol dans lequel je pris une poignée de poudre.

- Je t'en prie, m'invita le Directeur, il faudra dire « Chemin de Traverse, chez Ollivander ».

J'observai les flammes avec appréhension, et m'approchai ; je pus alors constater qu'elles n'émettaient pas de chaleur, et j'entrai dans l'âtre.

- Chemin de Traverse, chez Ollivander !

Je fus comme aspirée par la cheminée, une sensation très désagréable ma foi, et vit plusieurs maisons défiler devant moi avant d'atterrir brutalement dans un petit magasin sombre. Je m'éloignai promptement de la cheminée, et Dumbledore ne tarda pas à en surgir.
De hautes bibliothèques s'élevaient dans l'endroit mal éclaira, mais il n'y avait point de livres sur les étagères : uniquement de longues boîtes qui contenaient, je le savais, des baguettes magiques.

- Oh, c'est vous, Albus, bonjour.

Un petit homme dégarni surgit soudain de l'ombre, l'air pressé, presque hagard.

- Bonjour, Garrick.

Ollivander me jeta un regard perçant, et sortit un mètre ruban de sa poche.

- Pas de baguette ? À votre âge ? Et comment se fait-ce ?

« Fesses ! » faillis-je lancer, et je dus retenir un rire qui gargouilla au fond de ma gorge de façon fort déplaisante. Je jetai un regard à Dumbledore, qui eut un demi-sourire et acquiesça, comme pour m'encourager à raconter tout un tas de bobards.

- Hum... je viens de... Durmstrang ; mais j'ai déménagé en Grande-Bretagne, malheureusement, ma baguette s'est cassée pendant le voyage.

Ollivander leva un sourcil, mais ne commenta pas cette incroyable et palpitante histoire. Il se mit à me mesurer ; les mollets, les avants bras, les doigts, mon tour de taille, mon tour de poitrine, malgré mes protestations, jusqu'à un de mes cheveux. Puis il disparut parmi les rayonnages, en grommelant des paroles que je ne compris pas.
Il revint rapidement avec une douzaine de longues boîtes. Il sortit une première baguette, et me la tendit.

- Agitez la, agitez la !

Je l'agitai. Il ne se passa rien. Il m'en tendit une deuxième. Je l'agitai. Il ne se passa rien. Et la troisième. Il ne se passa rien.
Je vous passe les douze suivantes, avec lesquelles, devinez... il ne se passa rien. Puis, alors que je commençais à croire que Dumbledore avait abusé du whisky Pur Feu et avait inventé complètement mes dispositions magiques, une des baguettes émit un éclair blanc lorsque je m'en saisis. Je la lâchai sous le choc, et Ollivander blêmit.

- Malheureuse ! Cette baguette est une extension de vous-même, et voilà comment vous la traitez ? Cela ne m'étonne pas que l'autre ait rendu l'âme...

Maugréant, il encaissa treize Gallions et deux Noises que Dumbledore paya.

- Vingt-six centimètres, bois d'ébène et poil de loup-garou, miss Sawyer. Une baguette très pratique pour la métamorphose, et avec assez de souplesse pour jeter des sortilèges de façon rapide. Puisse-t-elle durer plus longtemps que la précédente...

Puérile jeune fille à peine sortie de l'enfance, je lui tirai la langue lorsqu'il me tourna le dos. Nous retournâmes à Poudlard avec Dumbledore par les mêmes moyens employés précédemment. Sur son bureau, une pile de livres, un chaudron, des ingrédients de potions, un télescope. Il pointa les fournitures avec sa baguette et elles disparurent.

- Le mot de passe de ta salle commune est « Sang-Pur ». J'imagine que tu dois savoir où se trouve la salle...

Je sursautai. Sang-Pur... et moi qui venait d'un monde de moldus... j'allais me faire réduire en miettes à Serpentard, et l'inquiétude me broya l'estomac. J'acquiesçai néanmoins à la question du Directeur, et prit congé.
C'est le moment de dire « Serpentard forever », alors ? Bien. Serpentard forever, alors.

Les Temps les plus SecretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant