Avec perte et fracas

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Les giboulées du mois de mars ne nous firent pas l'honneur d'oublier de tomber. Poudlard était devenu un véritable champ de boue; aucune partie du sol du château n'échappait aux pieds trempés de marées d'élèves. Rusard était partout, aboyant sans vergogne sur toute personne - soit tout le monde - salissant le sol qu'il s'évertuait à nettoyer, aidé par de nombreuses serpillières à tous les étages. Les elfes de maison restaient dans l'ombre, mais, malgré leur efficacité, à chaque retour de l'extérieur, nous salissions de nouveau le château.

Les escaliers, vexés, se mouvaient bien plus qu'à l'ordinaire; aller en cours devenait un réel combat. Je passai une matinée entière à monter sans cesse le même étage, les marches reproduisant l'escalier de Penrose. J'avais fini par attendre, désespérée, jusqu'à ce que le professeur Flitwick me trouve, roulée en boule dans le haut des marches du troisième étage. Il appuya mon histoire auprès du professeur McGonagall dont j'avais loupé le cours, et je fus pardonnée de mon absence.

Les Maraudeurs s'étaient liés d'amitié avec les jumeaux Prewett; ces derniers, malicieux et naturels, leur glissaient discrètement quelques conseils pour leurs futures farces. Fred et George Weasley avaient de qui tenir, bien qu'ils n'aient jamais connu leurs oncles. Dorcas Meadows, au contraire, semblait être là autant pour surveiller les élèves que les alentours, et n'était pas des plus agréables. Elle faisait souvent la paire avec Maugrey. Ce dernier s'absentait régulièrement, sans doute en mission pour l'Ordre, le Ministère de la magie étant tombé, et il revint un midi avec un morceau de nez en moins; Rogue m'avoua que Wilkes se trouvait alors à Azkaban, et qu'Evan Rosier, tributaire de l'amputation de Maugrey, était mort de la baguette de ce dernier.

La prison des sorciers, gardés par les Détraqueurs, semblait encore fidèle au dernier Ministère; les mangemorts n'avaient pas ralliés les créatures du désespoir à leur cause - pour cette fois.

Était-ce la présence de l'Ordre qui effrayait les partisans de Voldemort, ou préparaient-ils au contraire un gros coup, personne n'aurait su le dire. Des géants décimant des villes entières furent aperçus au nord du pays. Dumbledore disparaissait régulièrement pendant plusieurs jours.

L'anniversaire de Remus se passa dans un étrange calme. Nous passâmes tous deux la soirée au bord du Lac, profitant d'une accalmie de la pluie, assis contre notre arbre préférés, les doigts mêlés, à discuter de tout et de rien, entourés par des flammes magiques pour nous réchauffer. Remus n'amena jamais la conversation sur mon saut dans le temps; son incroyable respect et sa notable discrétion me faisaient l'aimer encore plus. Jamais il ne posa une question déplacée sur son futur ou celui de ses amis.

Je lui offris un petit coffret de bois que j'avais taillé moi-même dans une grosse branche de magnolia. J'étais parvenue, à l'aide de la magie bien sûr, à y insérer une fleur du même arbre, qui bourgeonnait, s'ouvrait, et s'épanouissait selon les saisons. Le coffre contenait une grosse bougie d'un noir profond.

- Tu as un réel talent pour travailler le bois, s'extasia Remus en observant son cadeau.

Le bourgeon était à peine visible, gravé sur le coffret, mais au printemps, il s'ouvrirait en une magnifique fleur aux pétales rouges rubis.

- Merci, souris-je, peut-être un jour arriverai-je à faire des baguettes, qui sait?

- J'en suis persuadé, sourit Lunard.

- La cire de la bougie est conçue pour toujours se reformer, l'informai-je. Tu n'auras jamais besoin de la changer.

Il m'embrassa, et nous regardâmes tous deux le soleil disparaître à l'horizon, colorant le ciel de rose pâle et d'or. Lorsque la nuit fut noire, nous nous séparâmes à regret dans le hall du château.

Les Temps les plus SecretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant