Les Temps les plus Secrets

Prise sur le fait

Mon ventre gargouilla terriblement, et ce son, comme venu du fin fond d'une profonde caverne, me sortit d'un rêve pittoresque. Je clignais des yeux plusieurs fois, étonnée de ne plus avoir devant moi une larve surdimensionnée, aux yeux d'un noir glacial, qui me disait d'un ton sec:

- Il fallait attendre cinq minutes avant la combustion, Sawyer. Tout est raté par ta faute!

Encore une fois, je déplorai de ne pas avoir Divination cette année. L'analyse de mes rêves, truffés de Severus Rogue camouflés, très souvent, en insectes dictateurs, aurait sans doute été incroyable, et le principal concerné aurait été ravi. Je jetai un coup d'oeil à l'horloge de mon dortoir, et constatai qu'il n'était pas tard du tout et que je n'avais dormi qu'une poignée de minutes. Je me sentais pourtant reposée comme si je dormais depuis 2002... ou 1902, au choix, puisque, à la réflexion, 2002 n'était pas encore près d'arriver. Je me levai de mon lit, et enfilai une robe de sorcière par dessus mon pyjama. Depuis mon apprentissage du sortilège de Mutisme, je l'avais amélioré avec Severus pour qu'il couvre toute une zone; et je n'entendais plus les ronflements - ou les barissements au choix - de mon infecte colocataire.

Je n'avais toujours pas vraiment eu de contact avec les filles de mon année. Ni spécialement les garçons d'ailleurs, excepté Severus. Elles ne donnaient réellement pas envie, se complaisaient à m'ignorer, me faisant bien sentir que j'étais une intruse dans leur dortoir qu'elles se partageaient depuis quatre ans. Avoir une amie fille ne me manquait pas réellement, de toute manière; les nanas, ça crie trop fort, et ça parle de trop près, d'après moi.

M'étirant comme un chat, je décidai de redescendre à la salle commune. Peut-être y aurait-il une friandise qui traînait, sinon, je pouvais toujours faire un détour par la cuisine; ce n'était pas encore samedi, et je n'avais aucun risque de croiser un loup-garou écumant de rage, alias mon binôme de devoirs.

J'étais à peine arrivée en bas des marches que des voix me parvinrent, et la plus extrême des prudences - des lâchetés, diraient les jaloux - me fit remonter un peu. Je m'accroupis et tendis l'oreille. Il y avait deux voix: une que je connaissais très bien, celle de Severus, et une autre, qui ne m'était pas familière.

- Pourquoi tiens-tu tant à cette Sang-de-Bourbe? siffla la voix inconnue. Il faudra bien que tu nous prouves, à un moment, quel est ton camp, Rogue.

- Je ne ferai rien contre Evans, répliqua mon ami, ferme. Mais je vous tiendrai informé pour le reste.

Le silence se fit dans la salle commune. Mon coeur battait à tout rompre, et je craignais que Severus ne l'entende. Qui était cette deuxième voix? Je n'osais pas me pencher pour regarder. Me faire prendre à écouter cette conversation ne me disait rien qui vaille; griller ma couverture n'était pas une option.

Il était facile d'oublier que, dans le monde extérieur à Poudlard, la guerre faisait rage. La montée de Voldemort au pouvoir n'était plus un secret pour personne, et, si nous semblions peu touchés dans le château, il n'était finalement pas étonnant que le mage noir tente d'infiltrer l'école; sans doute était-ce déjà le cas. Rogue avait donc déjà des contacts mangemorts, et l'un d'eux se trouvait dans ma Maison! Ce n'était pas étonnant, lorsque l'on connaît les affiliations des Serpentard, mais en avoir la preuve sous le nez me perturbait. Mes mains se mirent à ruisseler de sueur. Je ne pouvais pas remonter les escaliers; mon stress allait me faire louper une marche à coup sûr, et ce serait une catastrophe. Alors je choisis un autre plan.

Je toussai très fortement, et cognai les marches de mes pieds; puis descendis la fin de l'escalier bruyamment. J'eus un sursaut de surprise.

Dans la salle commune, Rogue était seul, assis dans un fauteuil près du feu. Il leva les yeux vers moi, et un sourire sardonique étira ses lèvres. Où était l'autre élève? J'essuyai discrètement mes mains sur ma robe.