L'Équilibre

5 | Une balade en forêt

Le petit-déjeuner s'organise tant bien que mal dans l'effervescence du premier jour, entre un tirage au sort pour descendre à la boulangerie, le lait qui déborde et « Chloé, elles sont où les cuillères? ».

Alors que Nico se fait un sandwich à double étage Nutella - beurre de cacahuète, Chloé exaspérée lui arrache des mains et l'entame d'une grande bouchée - non sans grimacer.

- Ne songez même pas à avaler une goutte de jus d'orange avant que le sol ne brille - comme avant votre arrivée!

Ainsi Nico, Héloïse et Wesley se mettent à quatre pattes et commencent à frotter, trio musical de grognements rageurs et de gargouillis affamés.

Wesley laisse soudain échapper un long « tchiiiip ! ». Il regarde déconfit ses deux acolytes « Aye chié abimé tapi la... ».

Wes leur montre discrètement le bout de tapis qui a subi ses soins: d'un crème duveteux il est passé à un jaunasse rugueux.

- Espèce de tèbè! Ne me dis pas que t'as mis de la Javel là-dessus!

Comme si Nico était un spécialiste...Héloïse ne peut s'empêcher de sourire.

En étouffant leurs rires ils décalent un fauteuil de manière à cacher le désastre.

Chloé, alertée par ce changement de mélodie, revient de la terrasse pour les aider - et superviser. Les trois complices l'accueillent tout sourire, maintenant une position stratégique et astiquant de plus belle.

Ils arrêtent leurs efforts une demi-heure plus tard, quand frotter ne fera plus qu'empirer la situation - déjà pas glorieuse. Le salon empeste les produits nettoyants et Chloé reconnaît d'elle-même qu'ils auraient sans doute mieux fait de laisser en l'état.

- Mon père a toujours détesté ce tapis de toute façon...

- Et ta mère a toujours adoré changer de décoration! s'empresse de renchérir Héloïse, appuyée par les acquiescements démonstratifs des deux garçons.

- Oui, enfin n'en faites pas trop quand même! Allons manger avant que je ne laisse rugir ma faim!

Surprise par l'attitude de son amie pour une fois si... pourrait-on dire expansive? Chloé retient son irritation.

Il n'y a plus qu'eux sur la terrasse pour se disputer les restes de céréales, couper les toasts en deux et racler le fond du pot de pâte à tartiner.

- Nico, laisse-nous-en un peu! grogne Chloé.

- Laisse, il a besoin de se recharger émotionnellement après le râteau qu'il s'est pris à la station essence, blague Wes.

Chloé pouffe si fort dans son café qu'il gicle avec une portée de bien deux mètres.

- C'est la Mercedes qui t'a donné des ailes?

- Qu'est-ce que tu insinues, je n'ai pas besoin d'une voiture pour draguer, réplique-t-il avec une assurance empruntée. Pourquoi, toi sans le chalet ce serait difficile?

- Pourquoi tu m'attaques tout de suite?

- Parce que c'est moi qui te cherche?

Wes et Héloïse, deux spectateurs étonnés, échangent un regard. Qui aime bien...

Wes interrompt la querelle:

- Dis-nous Chloé, comment penses-tu divertir la fine fleur de Paname dans ce charmant coin de montagne? Oh, je me demande simplement parce que, tu sais, je ne suis pas absolument persuadé que la cueillette aux champignons suivi d'un karaoké au village les fassent bondir de joie, ajoute-t-il taquin sous l'air moqueur de son interlocutrice.