Chapitre 36 : Torrents de Vie

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Après l'Ardèche puis les Cévennes, cette année-là nous prîmes la direction des Pyrénées Orientales. Je n'avais encore jamais voyagé si loin, et l'idée de découvrir de nouvelles montagnes m'enchantait ! Durant le trajet d'aller, David et moi avions discrètement opté pour des voitures séparées. C'était comme un accord tacite entre nous. Inutile d'en débattre, nous nous comprenions d'un seul regard. D'un commun accord, pour notre propre bien, ainsi que pour préserver l'ambiance générale. Dans la voiture de Jérôme, Utile refusait de s'asseoir à l'arrière, prétextant qu'il était trop grand et que garder les jambes pliées lui paraissait inconfortable. Il n'était pas non plus enclin à utiliser son cabriolet, trop précieux pour covoiturer 4 personnes et leurs valises sur les routes de montagne. Je crois qu'en réalité, la décapotable appartenait à son père et qu'il n'osait pas l'emprunter de peur de l'abîmer. Finalement, je me suis retrouvée sur la banquette, seule avec Alexandre pendant 6 heures. La situation paraissait embarrassante, surtout durant la première moitié du trajet. Notre gentil barde osait à peine me regarder et m'adresser de timides sourires. Jérôme et Utile s'étaient lancés dans un concours d'anecdotes invraisemblables dont nous restions les témoins silencieux. Il paraît que Marie s'est un peu trop amusée à taquiner la petite amie de son frère, et que Marco a dû intervenir pour éviter une dispute. Je devinais exactement l'attitude espiègle et légèrement hautaine que ma petite protégée avait probablement adoptée.

Une fois sur place, tout le monde sembla heureux et détendu. Pour la première fois depuis deux ans, je riais de bon cœur. J'aidais à monter les tentes ou à préparer le dîner. Les grands pins égouttaient leur sève sur la terre battue, tandis que nous improvisions une partie de pétanque, irradiés par le crépuscule, de la musique plein les oreilles et chacun une bière à la main. Vous savez, ce groupe de jeunes un peu turbulents qui perturbe la tranquillité du camping familial sans vraiment s'en rendre compte ? C'était nous ! Précisément ces idiots guillerets qu'on ose pas vraiment réprimander tant qu'ils n'enfreignent pas le règlement de l'hébergeur. À la nuit tombée, l'air se rafraîchit très vite, même en plein été, sur les versants d'ubac pyrénéens. Les conducteurs, fatigués par le trajet, furent les premiers à se coucher. "Autant être en forme pour les activités de demain !" justifia Marco avec sagesse, même s'il paraissait évident qu'il avait surtout envie de se retrouver un peu seul avec sa copine.

Utile vint me rejoindre dans notre tente pendant que j'enfilais mon pyjama.

"Referme vite ! ai-je demandé en me couvrant maladroitement les seins.

- Je t'ai déjà vue à poil quand-même !

- Toi oui, entre et referme avant que tout le camping ne se rince l'œil."

En réalité, la plupart des garçons du groupe avaient déjà eu le loisir de me voir nue l'an passé. Le matamore se rua à l'intérieur avec la délicatesse d'un buffle et commença à m'embrasser de manière très entreprenante. Même si je n'en avais pas vraiment envie, en temps normal je me serais laissée faire. Cependant, David était certainement sous sa propre tente, à quelques mètres de nous. Je ne voulais pas qu'il m'entende me faire baiser. Les autres garçons non plus, mais lui en particulier. Je n'arrivais pas à m'ouvrir à mon copain, car mes pensées étaient toutes dirigées vers mon ex-chevalier. Nous n'avions échangé presque aucune parole, seulement quelques regards furtifs. Pensait-il à moi lui aussi en cet instant ? Regrettait-il parfois notre bonheur perdu ? J'ai eu beaucoup de mal à repousser les assauts du matamore, ce dernier sembla même vexé que je puisse me refuser à lui alors que mes amis dormaient tout autour. La raison me semblait pourtant justifiée, et je lui avais déjà offert un orgasme le matin-même avant de partir retrouver les autres sur le parking du covoiturage ! Son comportement immature finit par m'agacer et je me suis tournée pour dormir seule dans mon duvet.

La Laisse et le BaiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant