Chapitre 37 : Larme de Cristal

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Au cours de ces vacances, chaque fois que je me retrouvais proche de mon chevalier, je mourrais d'envie de lui prendre la main ou de l'embrasser. Si j'essayais de lui lancer des regards langoureux, il n'y vit certainement qu'une paire d'yeux pleins de tristesse. Je me souvenais encore très clairement de la Fosse des Mariannes, de la solitude, de la colère et de la déception. Cette intense douleur avait laissé une cicatrice indélébile en moi. Pourtant, j'étais prête à tout lui pardonner, sans vraiment réaliser que j'étais la seule à devoir m'excuser. Je ressentais le besoin de m'unir à lui, au plus profond de mon âme, mais aussi littéralement dans chaque cellule de mon corps. Comment pouvait-il se tenir si près et si loin de moi à la fois ? Comment pouvait-il me manquer chaque soir, alors que sa tente n'était qu'à quelques pas de la mienne ? Une traînée de feu descendait de mon nombril jusqu'à l'ombre de mes cuisses, consumant de désir cette partie de moi qui autrefois lui appartenait sans réserve.

Plus je me refusais à mon copain, et plus le matamore devenait irritable. Il s'emportait parfois sans raison, contre moi ou contre d'autres. Il répandait son infertile colère jusqu'aux sommets majestueux des Pyrénées, troublant la sérénité des forêts millénaires. J'aurais été bien hypocrite de lui jeter la pierre, car également responsable de cette dévalorisation permanente de sa virilité. Lui, s'imaginait me prendre dans les douches et les tentes, glisser ses mains sous mon T-shirt et m'embrasser publiquement pour me marquer comme son territoire. Il assistait impuissant à l'effondrement de son empire social. Il se vantait souvent d'un tas de choses futiles, mais j'avais conscience d'être sa plus grande fierté. Je lui échappais doucement, et avec moi tout son prestige lui coulait entre les doigts.

Au bout de quelques jours, je remarquais que David ne se baignait jamais complètement. Habituellement, il adorait les rivières glaciales en été, les lacs d'altitude et autres prétextes pour se jeter à l'eau en hurlant à cause du choc thermique. Pourtant, depuis le début du séjour, il n'avait que timidement trempé ses jambes en tirant sur le bermuda plein de poches qu'il portait en randonnée. Un après-midi, de retour au camping après nos aventures de la journée, nous sommes descendus à la rivière. La modeste cascade, surplombée par le rocher où nous avions partagé le premier petit déjeuner du séjour, avait creusé une vasque assez profonde pour s'y asseoir et s'immerger. "Viens te baigner !" invitais-je en lui tendant une minuscule et timide main blanche. Il commença à balbutier des prétextes pour rester au sec. En temps normal, nos amis l'auraient traité de poule mouillée et immédiatement jeté à l'eau. Leur étrange silence fit écho à la soirée BBP des résultats du BAC. Un profond respect retenait Jérôme et les autres de pousser David dans le courant, comme ils avaient renoncé à le jeter dans la piscine à son retour de l'hôpital. Je ne comprenais pas vraiment, mes pensées étaient concentrées ailleurs. Allait-il saisir cette main que je lui tendais ? Depuis notre rupture, nous nous étions abstenus du moindre contact physique. Pas même une simple bise. Mon chevalier possédait ce don d'empathie merveilleux, proche de la télépathie. De la même manière qu'il était le seul à comprendre parfaitement les grommellements de l'homme des bois, il pouvait lire dans mes yeux comme sur les pages d'un livre. Une sorte de compassion, peut-être de la pitié, le força à saisir ma main.

Techniquement, le contact de nos paumes n'avait rien d'électrique ou de magique. Pourtant, ce simple geste m'emplit d'une immense joie. Mon cœur, coup après coup, battait un rythme lent tel un immense tambour résonnant dans ma poitrine. Je riais, sans raison valable, sans vraiment savoir pourquoi, entraînant David avec moi sous la cascade glaciale ! Mon chevalier eut la présence d'esprit de vider ses poches rapidement. Lancé en cloche d'Opinel, portefeuille et smartphone à Marco qui arrivait sur la berge. Cependant, il descendit tout habillé dans la vasque. Je ne comprenais pas vraiment la raison de ce choix, supposais qu'il voulait simplement protéger ses épaules du soleil. Je n'ai pas osé proposer de lui passer de la crème. Observant la scène de loin, Utile partit bouder en direction des tentes. Son humeur n'avait plus aucune importance à mes yeux. Le reste de la bande nous rejoignit joyeusement, même Marie qui se plaignait continuellement de la température de l'eau. Nous étions tous en maillots de bain, sauf David, pour une raison toujours inexplicable.

La Laisse et le BaiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant