Chapitre 12 : Venin d'Atheris

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Après que David m'ait initié aux sports de plein air, j'ai fini par y prendre goût. Pour être honnête, jusque là j'étais vraiment très mince, plutôt frêle même. J'ai testé quelques disciplines "plus féminines" (oui, certes, je sais bien que les femmes peuvent être alpinistes et les hommes d'excellents danseurs) et je me suis finalement inscrite à un cours de gymnastique extra-scolaire. Comme lors de mon séjour linguistique parmi les sourds-muets, les premiers temps ont été socialement difficiles. Vu la différence de niveau entre elles et moi, j'ai compris que je devais rester très humble afin de gagner la sympathie des autres filles du groupe. Après avoir partagé l'effort et la douleur, les échecs et les victoires, ainsi que quelques douches, nous nous sommes enfin rapprochées. Mon tout petit monde venait de s'agrandir encore un peu. Je n'étais pas aussi proche des gymnastes du mardi soir que de mes amis geeks, mais elles rééquilibraient la parité dans mes relations. La jeune Marie, bien qu'elle ait décidé de suivre sa propre voie sans écouter mes conseils de grande sœur, se rapprochait le plus de ce qui ressemble à une meilleure amie. Ses jeux avaient évolué depuis l'épisode de la bouteille. Elle était en couple avec l'un de nos amis. Lequel ? Impossible à dire, cela changeait toutes les trois semaines environ. Chaque fois, les séparations créaient une montagne de problèmes. Puis lorsqu'elle choisissait un nouvel amoureux ou revenait dans les bras d'un ex, l'ambiance s'alourdissait davantage. Etrangement, malgré le désastre sentimental qu'impliquait ce schéma, et le chaos provoqué dans les cœurs des différents prétendants, Marie semblait heureuse. Elle piochait les garçons avec facilité, et semblait constamment s'amuser. À la moindre minute d'ennui, elle allait voir ailleurs. J'aimais profondément David, mais je ne pouvais m'empêcher d'envier cette insouciante et frivole adolescente qui croquait la vie à pleine dents sans souffrir d'aucune conséquence. Du moins, en apparence.

Certainement que le sport a joué un rôle dans le développement de mon corps. En plus de muscler mes fessiers et de fuseler ma silhouette, les cours de gymnastique m'avaient rendue très souple. David et moi testions souvent de nouvelles positions sexuelles délirantes. Nous aimions exporter cette activité hors du lit et de la chambre. Tables et bureaux, comptoirs de cuisine, piscine, escaliers, nappes de pique-nique sur l'herbe au grand air... Le monde entier devenait notre jardin, une aire de jeux où frôler dangereusement l'exhibitionnisme ajoutait une saveur de délicieuse interdiction à nos rapports. Lorsque mon chevalier, en classe de terminale, a obtenu son permis de conduire, sa première voiture n'a pas échappé à la règle. Banquette arrière, siège passager, coffre, capot... Je crois que seul le toit a été épargné. C'était une véritable antiquité, bruyante et vibrante à chaque trajet. La peinture extérieure était abîmée, mais les revêtements intérieurs avaient été préservés avec soin par le précédent propriétaire. Les week-ends, nous pouvions quitter les massifs de l'Étoile et de la Sainte Baume pour nous aventurer vers de nouveaux sommets Alpins, autrefois hors de notre portée sans l'assistance parentale. Durant les longs trajets, lorsqu'aucun passager n'encombrait la banquette, je veillais à ce qu'il ne puisse pas s'endormir sur l'autoroute. Tandis que le vieil autoradio hurlait nos chansons de métal préférées en toussant les basses à cause de son âge avancé, je me penchais au-dessus de ses cuisses. Il reculait un peu son siège et se redressait pour me laisser accéder à sa braguette. Il m'arrivait de me caresser aussi en même temps, mais généralement j'éprouvais surtout énormément de satisfaction à lui donner du plaisir avec ma langue et mes lèvres. Mes fellations étaient de petits cadeaux que je lui offrais gratuitement, comme pour le remercier de m'emmener en week-end à la montagne. Évidemment, dans cette situation, j'ai pris l'habitude d'avaler son orgasme pour ne pas salir la voiture et nos vêtements. J'ai fait la grimace les premières fois, mais j'ai fini par y prendre goût. Son sperme chaud dans ma bouche avait une saveur de victoire et de joie.

Lorsque nous étions seuls, il me comblait de bonheur. Je lui appartenais complètement, sans besoin d'aucun compromis, ni ressentir aucun doute à ce sujet. Le lundi matin, en revenant au lycée, mes démons m'attendaient de part et d'autre du grand portail de fer. Ils revenaient me hanter immédiatement, avant même que je n'aie le temps de franchir les grilles, dès que les premiers regards se posaient sur moi. J'étais en classe de première et je n'avais pas encore quinze ans. Pourtant, je ressentais le désir d'hommes adultes promener sur ma peau aussi impudemment que celui d'élèves de mon âge. Loin de moi l'idée de m'en vanter, c'est avec honte et regrets que je vous raconte cela. J'étais très convoitée. On me le faisait parfois remarquer verbalement, le plus souvent en des termes bien peu élégants, dignes de la faune locale marseillo-maghrébine. Toutefois, je n'avais pas besoin des sifflets et des klaxons pour m'en rendre compte. Le désir fait partie de ces instincts primaires, comme la peur ou la haine, que l'émetteur et la cible peuvent ressentir sans avoir à l'exprimer ouvertement. S'il existait une sorte de marché tacite du sexe, je sentais bien que ma valeur grimpait en flèche, tandis que David restait un geek tranquille, presque invisible aux yeux des autres femmes. C'était une considération très cruelle de ma part, et j'en avais conscience. Mon chevalier était irréprochable envers moi. Un exemple vivant de prévenance et d'amour sincère. Lui aussi me désirait, certainement plus que tout autre, pourtant son regard appliquait une caresse différente sur ma peau. À mesure que mon corps avait mûri, que j'avais gagné confiance en moi et adapté ma garde robe, j'avais peut-être franchi certaines limites de pudeur sans m'en rendre compte. Cela ne semblait pas déranger David. Après tout, tant qu'il me possédait, le désir des autres n'était que valeur ajoutée à la fierté qu'il éprouvait lorsque je venais me blottir sous son aile. Est-ce que je m'habillais comme une vulgaire traînée pour mettre en valeur mon anatomie avantageuse ? Parfois oui, probablement. Je le reconnais à contre-cœur, mais je cherchais encore à comprendre qui j'étais. Jusqu'ici, je m'étais barricadée dans l'élégance et la discrétion. J'avais enfin la possibilité de plaire, et je ne pouvais pas renier ce sentiment de revanche que je prenais sur mes années collège. Ce que je ne comprenais pas, c'est que David n'avait pas attendu les bas résille sous les mini-jupes pour me remarquer. Il était tombé amoureux de moi à l'époque où je n'étais encore qu'une petite muette terrifiée par tout ce qui l'entourait. Les autres hommes n'avait d'intérêt pour moi qu'à présent que mon corps saturé d'hormones soupirait d'abondantes bouffées de phéromones parfumées à chaque battement de mes paupières fardées.

La Laisse et le BaiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant