2. Un Agent en Tenue Collante

Chapitre 13 : Prisonniers

            Ils avaient bien fait de mettre Viktor en sécurité. Assit le dos contre le fond de sa cellule, Darius se faisait la réflexion depuis une heure déjà. Oh, il avait le temps. Cette fois-ci, il s'était réveillé avant Alix, allongée face contre le sol.

            Il aurait tant voulut être à ses côtés, au moins pour la réchauffer. Même s'il n'était pas incommodé par le froid, il formait un nuage de condensation à chacune de ses respirations. Elle devait être transie de froid, sans pour autant parvenir à se réveiller.

            Évidemment, songea-t-il en la fixant, au trajet de la vitre séparant les deux cellules. Ils leur avaient administré la même dose de sédatif, sauf qu'ils n'avaient pas tout à fait le même gabarit. Et avec son régime des sept dernières années, Alix était devenue un véritable poids plume. Pas anorexique, mais il aurait bien aimé la voir plus rondelette.

            Enfin, bref. Au moins avaient-ils mis le petit en sécurité. Il soupira, avec l'affreuse envie de démolir cette vitre à coups de poings. Mais ses phalanges ensanglantées prouvaient la solidité de la surface. Aussi devait-il rester là, à contempler la seule femme qu'il ait jamais aimé, inconsciente et transit de froid, à attendre.

Bizarrement, il repensa à leur toute première rencontre. C'était dans un club échangiste.

            Bon, lui, c'était normal qu'il s'y trouve, c'était tout à fait son rayon. Alix, c’était moins son genre –d’ailleurs, elle l’avait vacciné contre la pratique. Possessif comme il l’était, impossible de retourner dans ce type d’établissement avec elle à son bras-.

C'était à Paris. Une nouvelle boite très huppée venait d'ouvrir, avec tout le gratin de la ville. Il était déjà chef des entreprises Trivari depuis longtemps, aussi avait-il d'ors et déjà ses entrées. Sa conquête de l'époque, une fille d'il ne savait plus quel politique, avait décidé d’aller jouer dans ce nouveau club. Tout le monde  avait eu l'air particulièrement ravie de son arrivée, la fille beaucoup moins. Elle venait de comprendre qu'emmener un milliardaire bien de sa personne dans un repaire d'échangiste n'était pas la meilleure idée pour la pérennité de leur relation.

            C'est en début de soirée qu'il avait rencontré Alix. Accompagnée de son ancien petit ami, un homme de l'armée lui aussi, elle n'avait pas paru ravie de se trouver là. En fait, leur dispute était parvenue jusqu'à ses oreilles, en même temps qu’à l'intégralité de la boite. Elle n'avait pas été informée au préalable de la nature du club. Il avait levé la main pour la frapper. Darius lui était tombé dessus.

            Il était peut être un salopard sans cœur avec les femmes, mais il ne supportait pas les grosses brutes capables de les battre. Réminiscences d'enfance, sans doute... Sauf qu'Alix n'avait pas apprécié son intervention. Mais elle l'avait remerciée. Fasciné par ses yeux vairons, il avait essayé de l'embrassé. Il s'était pris une gifle magistrale, un brin électrique.

            Des gros efforts de persuasions et un cinq rencontres plus tard, elle avait enfin accepté un dîner avec lui. Puis ils étaient tombés fous amoureux l'un de l'autre. A ce souvenir, il ne put s’empêcher de sourire. Cela ressemblait à une banale romance. Pourtant, il s'agissait là  de ses plus beaux souvenirs.

            -Mmh...

            En dépit de la vitre, il entendit clairement le gémissement d'Alix. Elle tourna la tête de côté, ses cheveux roux en bataille. Une seconde plus tard, elle l’apercevait. C'est à ce moment-là que les portes de Darius s'ouvrirent.

            Des rebelles surgirent dans sa cellule, l’attrapèrent par la nuque. Il fut redressé sans ménagement, sous le regard à présent parfaitement réveillé d'Alix. On lui administra des coups de poings, on le plaqua contre le mur, en une mise en scène qui rendit la Spirit folle de rage. Dans une explosion d'arcs électriques, elle se jeta sur la vitre, la frappant aussi fort que lui tantôt. Sans avoir de meilleurs résultats.