Henry, le cœur encore tout retourné, s'approcha du lit. Lewis était là, et le regardait avec ses beaux yeux bleus et un fin sourire. Un sourire narquois, le sourire des vainqueurs, qui dit « je t'ai bien eu ». Mais même sous ce fin sourire, il y avait autre chose. La peur. Cette peur fine et sournoise, qui s'infiltre sous la peau, qui paralyse, qui glace le sang, qui grandit à l'intérieur de nous et qui détruit tout. Une peur contagieuse effarante, monstrueuse. Il souriait mais il était terrifié. Est-ce qu'on le sent quand on a tout perdu ? Est-ce qu'on se regarde dans le miroir un beau jour, qu'on regarde au fond de ses yeux et qu'on se dit : je n'ai plus rien. Il n'a pas le temps de réfléchir davantage. La main d'Henry s'abat sur sa joue dans un claquement sourd. Une pluie de claques s'abat sur ce petit corps si fragile. Les insultes aussi pleuvent. Lewis ne dit rien. Il pose simplement sa main sur sa joue rougie et endolorie, sans qu'aucun son ne puisse sortit de sa bouche. Il sent quelque chose se briser dans sa poitrine. Un simple craquement, presque inaudible, mais qui remue tout à l'intérieur. Dans ses yeux, un cri silencieux. Rien d'autre. Et plus tard, une bouche qui se tord. Henry continue d'hurler dans cette chambre, hurler comme si ses cris, c'est tout ce qui lui restait. Et c'est tout ce qui lui reste. Dans ce petit hôpital de banlieue, alors que la nuit est tombée depuis des lustres, on n'entend que ses hurlements résonner dans la nuit. Les cris, c'est les mots qui n'ont jamais pu sortir. Et il en avait tant des choses à dire à Lewis ce jour-là. Des je t'aime en pagaille. Des excuses par kilos. Mais rien, rien ne vint. Il voudrait tellement avoir le cœur assez grand pour absorber ses larmes. Toutes, même celles qui coulent en dedans. Et alors qu'il continue d'hurler, Lewis prend son visage entre ses mains et l'embrasse en fermant les yeux. Et tout s'arrête.
Dans ce petit hôpital de banlieue, alors que la nuit est tombée depuis des lustres, on n'entend plus que leurs cris désespérés. Ils s'aiment si fort que ça fait mal. Et le bruit de leurs respirations lourdes qui emplissent la pièce n'y changera rien. Ils ont tout perdus, ils se sont perdus eux-mêmes en s'aimant simplement. Mais tout était devenu trop compliqué. Ils n'avaient ni la force ni le courage de se dire tout ça. Alors, ils laissaient leurs lèvres danser ensemble, leurs cœurs chanter ensemble tout ce que leurs lèvres se refusaient à dire. Bientôt, leurs lèvres se détachent lentement. Lewis observe Henry en silence. Il sourit un peu maladroitement.
- J'ai bien aimé. Que tu m'insultes...je crois que j'aimerais bien essayer ça.
Henry le regarda d'un ton las. Une chaleur griffa douloureusement son bas-ventre. Ça brûlait à l'intérieur de lui. Il avait suffi d'une seule phrase pour déclencher un séisme. Rien ne serait plus comme avant. Henry prit délicatement la main de Lewis, ses doigts glissèrent contre sa peau, et il hésita quelques minutes avant d'ouvrir la bouche.
– Lewis....
Mais Lewis ne voulait pas savoir ce qu'il allait s'apprêter à dire. Il le savait déjà. Mais ça ne pouvait pas finir maintenant pas vrai ? Pas dans une chambre d'hôpital après tout ça ? Pas alors que la nuit était tombée depuis longtemps, pas alors que les étoiles se reflétaient dans ses yeux et qu'il le regardait avec autant d'amour dans les yeux ? Ils méritaient mieux que ça non ? Lewis se crispa. Henry le sentit. Il ne pouvait que le sentir. Il en était sûr. Mais alors pourquoi ne disait-il rien ? Pourquoi ce silence si lourd ? Pourquoi ? Mille questions se posaient dans sa tête. Lewis ne voulait que lui, rien d'autre au monde. Et il était épuisé d'obéir. Il voulait hurler son amour au monde. A eux aussi. Eux qui n'avaient pas répondu et qui ne répondraient jamais plus. Eux qui lui serraient la gorge. Pour eux, et pour tous ceux qui lui avaient craché dessus. Son amour pour Henry, il bouillonnait dans sa poitrine. Il essaya pourtant de chercher des signes dans ce silence, des preuves qu'il fallait encore se battre, s'aimer, et y croire. Ils étaient faits l'un pour l'autre. La manière dont leurs cœurs s'ajustaient si parfaitement était une preuve. Il fallait y croire encore. Lewis regarda Henry d'un air suppliant. Il voulait un mot, rien qu'un seul, et ça suffirait pour tout envoyer valser. Mais Henry baissa la tête, et la main de Lewis fut vide tout à coup. Son cœur aussi, un peu. Henry lui fit un petit signe de main discret et lui souhaite de bien se reposer. Lewis tend la main vers lui, au bord des larmes, au bord du vide, au bord de tout.
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Lights up - En Réécriture
RomanceLewis. Dans les rues bondées, il est un de ces fantômes dont la lumière passe au travers. Un de ces cœurs d'un noir d'encre. Il n'a pas su trouver le courage de fuir contre les monstres qui volent l'innocence des enfants la nuit. Devenu adulte épri...