Chapitre 2

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Il arriva un jour de printemps. Dehors, le soleil brûlait, et une forte odeur de gazon tondu envahissait tout l'espace. Le ciel était clair, d'un bleu ardent. Mais Lewis ne regardait pas le ciel, il gardait la tête obstinément baissée. D'habitude, il aimait fixer le ciel noir, il aimait cueillir les étoiles du bout des doigts. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, il avait trouvé un nouveau refuge, et il en était terrifié. Chez lui, c'était dehors, c'était la pluie, les cris, les klaxons et les gens vociférant contre les chauffards. C'était là sa place. Il filait, disparaissait derrière une rue bondée. Personne ne faisait attention à lui, à ses bras trop maigres, son visage distordu par la pluie. La solitude accompagnait chacun de ses pas. Il hésita un peu avant d'ouvrir la porte. Il vérifia le petit bout de papier qu'on lui avait donné. C'était bien l'adresse indiquée.

La porte s'est ouverte sur un couple aux yeux brillants. Un peu trop. Il hocha la tête poliment et s'avança. Il jeta un rapide coup d'œil aux lieux. C'était charmant. Pourquoi donc avait-il cette désagréable impression ? Il n'y avait aucune photo du couple, seulement des diplômes accrochés au mur. Sur la table, des journaux, trop bien organisés pour que ça soit naturel. Il regarda fixement l'homme, aux muscles bien dessinés. Ses épaules étaient carrées, mais ses longs cheveux relevés en chignon le rendaient moins impressionnant. Il y eut un long silence entre les deux, un de ces silences qui racontent tout. Et puis Henry baissa les yeux, sûrement bouleversé par ce qu'il venait d'y voir. Un chagrin indicible, immense et écrasant. Il ne pouvait déjà plus regarder son visage émacié, ses deux petits yeux bleu perdu au milieu d'un visage où le soleil n'avait jamais brillé. Le malaise était palpable. Lily aussi l'avait senti, et elle cherchait à tout prix à proférer des banalités, des bouées lancées en pleine tempête. Mais Henry ne s'accrochait pas, il restait de glace, complètement insensible à Lily.

- Tu veux voir ta chambre ?

Lewis acquiesça. Lui aussi étouffait. Il se leva à son tour, et emboîta le pas d'Henry. Une fois dans la petite chambre, Henry s'installa à la fenêtre. Lewis ne sut pas déterminer s'il s'agissait ou non d'une invitation. Il ne bougea pas. Il se donna une contenance en observant la pièce. Les murs étaient défraichis, mais les draps sentaient bon la lavande. Il se retourna vers Henry, pour lui demander son accord tacite de s'asseoir sur le lit. Mais il ne le regardait pas. Henry n'aimait pas qu'on s'approche de lui. Pourtant, c'est lui qui avait insisté pour faire venir Lewis ici. Dès la première seconde, il l'avait détesté, car il faisait jaillir tout ce qu'il y avait de pire chez lui. Lewis avait compris que tout n'était qu'apparences ici.

- Ça fait combien de temps ?

- Qu'on est ensemble avec Lily ? répondit Henry en haussant un sourcil

- Que vous ne vous aimez plus.

Ça lui fit l'effet d'une bombe qui éclatait dans sa poitrine. Il en eut le souffle coupé. Il leva les yeux au ciel, cherchant quelque chose à quoi se raccrocher. Il n'y eu que le plafond. Il soupira. C'était trop long à expliquer. Il n'avait pas assez de courage pour l'affronter. Le regard fuyant, il haussa les épaules et quitta la pièce d'un air las. « On mange dans trois quarts d'heure ». Il n'avait plus rien à ajouter.

*

Laissé seul, Lewis s'installe sur le lit. Il n'aime pas vraiment cet endroit. Mais il fait meilleur ici que sous la pluie. Il défait son sac les doigts tremblants. Il ne possède plus grand-chose depuis que son père l'a mis dehors. Tout est allé si vite. Sa gorge se noue lorsqu'il tombe sur ce qu'il a de plus précieux. Une photo, déchirée par endroits, usée par les larmes et le froid. Il n'était alors qu'un petit garçon de huit ans, entourée de toutes ses sœurs. Ses plus belles victoires. Ses cinq guerrières : Anna, Laura, Olivia, Eléa, Sophia. La photographie est un peu vieillie, mais leurs sourires restent éternels, inscrits à jamais sous sa poitrine. Il caresse leurs visages imprimés, et murmure tout bas qu'il ne les oublie pas. Parfois, il jurerait les entendre rire encore.

Lights up - En RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant