Chapitre 12

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Passé la stupéfaction, c'est une rage sourde qui glisse sous sa peau. Il croise les bras et toise son père. 

- je croyais que tu étais mort. 

- je le croyais aussi, dit-il d'une voix enragée et douloureuse. 

Lewis grogne et serre les poings. Son père le regarde d'un air mauvais. Quelque chose le démange au bout des doigts. Quelque chose qui finit par prendre toute la place. Son poing s'écrase sur l'arcade sourcilière de son père avec violence. Assez pour qu'il se laisse retomber sur le sol en hurlant et en proférant des insultes dont lui seul a le secret. Louis se sent tout petit, minuscule et insignifiant dans son regard. Mais cette fois, il a décidé de ne pas s'écraser. Ça fait naître en lui quelque chose de terrifiant. Il aperçoit une dernière fois le regard sombre de son père avant de fermer les yeux et de frapper de toutes ses forces. Il entend son père crier, mais ne s'arrête pas.  Les coups pleuvent. Louis est pris dans une rage sourde, que rien ne peut apaiser. Il se sent invincible. Il a tellement de rage. Finalement, une main l'écarte de son père. Quelqu'un qui ne dit rien, qui comprend. Il continue de taper dans le vide, mais, épuisé, finit par se calmer et s'asseoir sur le sol. Sa respiration est hachurée. Il a du mal à respirer de nouveau. Il se passe quelques minutes avant qu'il ne réalise et découvre son père au sol, l'arcade sourcilière en sang et quelques contusions. Sa respiration est sifflante et il gémit douloureusement. Il regarde son fils, et quelque chose se passe. Il le voit autrement. Il a grandi. C'est devenu le jeune homme dont il rêvait. Il laisse sa tête retomber durement sur le sol. Sa vision est floue. Il sait qu'il a perdu. Il s'est battu de toutes ses forces. Mais Lewis a grandi, enterrant ainsi tous ses espoirs et rêves de puissance. Il voulait être celui qu'on craint. Mais il a vu dans le regard de sa femme, de son fils et de tous, il a vu qu'il n'avait plus été un homme. 

Sa femme est là et s'occupe de Lewis. Elle lui chuchote des paroles réconfortantes et, dans la folie ambiante, au milieu des cris, elle le prend dans les bras. C'est ainsi qu'elle fait son choix. 

- je suis désolée mon trésor...

- je sais...répond Lewis en essuyant ses yeux de sa manche sale. 

- je suis désolée de t'avoir menti. Je croyais...je savais que tu viendrais. Et je...

- ça va maman. Ça va. 

Ils se relèvent, passant à côté du corps inerte du père sans le regarder. Douloureusement, il tend sa main vers sa femme, la regarde s'éloigner, et laisse retomber sa main sur le sol. Il se sent bête. Personne ne vient le voir. Tous détournent le regard. Il se relève, se sentant trahi et abandonné de tous. Il grimace et porte sa main à sa blessure au visage et quitte sa maison. Il a compris qu'il n'était plus le bienvenu nulle part. 

Lewis regarde son père s'éloigner sans rien dire, par peur de briser l'instant. Et pour la première fois depuis des années, il rentre chez lui. Il inspecte les lieux, c'est comme si rien n'avait changé. Tout est resté à la même place. Pourtant, plus rien n'est pareil. C'est Lewis qui a changé. Il est parti d'ici avec des peurs qui lui cisaillaient l'estomac. Il se dresse désormais devant tous, fièrement. Il n'a plus peur. La peur est devenue sa plus grande force. Elle fait de lui quelqu'un de grand, immensément grand. 

Il prend un café avec sa mère, retrouve ses sœurs, pleure un peu. Immédiatement, plusieurs bras l'entourent. 

- tu nous a manqué...chuchote la plus jeune de ses sœurs. 

- vous aussi...

Il jette un coup d'œil vers sa soeur ainée, en retrait. C'est la seule qui n'est pas venue le voir. Elle reste dans l'entrebâillement de la porte, incapable de bouger. Leurs regards se croisent pendant quelques secondes. Ça lui donne assez de courage pour bâtir en retraite. Ses talons cliquent contre le parquet. Lewis soupire. Il avait une relation fusionnelle avec elle. Qu'est-ce qui a changé ? Il ne fait pas le moindre mouvement pour la retenir. Il est épuisé de toujours retenir les gens, de mendier leur amour. Il hausse les épaules et retourne dans la cuisine. Il n'est pas très sûr d'y revenir un jour, alors il essaye de retenir chaque détail, chaque sourire pour les garder en lui les jours gris. Jusqu'à que ça déborde. Il reçoit un texto d'Henry, qui demande si tout se passe bien. Il a l'air inquiet. Lewis préfère ne pas répondre pour ne pas le tracasser davantage. Il gardera la vérité pour lui au creux de son ventre. Un silence s'installe dans la pièce. Tous ont vu la réaction de l'aînée. Personne ne sait quoi dire. Personne ne comprend. La mère tend un cookie à Lewis. Il n'en veut pas. Il veut retrouver Henry. Il prétexte un appel urgent à passer et retourne chez lui. Parfois, chez soi n'est pas un endroit mais une personne. Chez lui, c'est Henry. Sa mère est sur le perron, et lui hurle de rester. Lewis jette le cookie par terre et s'en va. Il a trop souffert. Aujourd'hui était un grand jour. Mais pas encore Le jour. Il n'est pas prêt à pardonner. Qu'ils restent loin d'eux.

Lights up - En Réécriture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant