TW : mort, suicide, sang.
Lewis gisait dans une mare de sang, le visage tuméfié et blafard. Sa bouche était grande ouverte, comme s'il avait rassemblé ses dernières forces pour appeler à l'aide. Et Henry le savait. C'est lui que Lewis avait dû appeler. Il l'imaginait, tremblant et hurlant, le visage ravagé par les larmes, il voyait les forces de Lewis le quitter doucement, il entendait ses cris, ses appels, et puis ses murmures. Il en était sûr. Lewis l'avait appelé toute la nuit, parce que quoi qu'il arrive, il n'était à la maison qu'entre les bras d'Henry.
Il prit délicatement sa main froide et fragile, et la serra doucement. Et Lewis ne réagit pas. Pas une seule fois. Le médecin entra dans la pièce sans saluer, recouvrit Lewis d'un drap, et l'emmena dans la chambre froide. Il reste là, sans savoir quoi faire, dans cette pièce désormais vide de Lewis. Il finit par s'écrouler sur le sol. Il n'y avait plus de Lewis. Il n'y en aurait plus jamais. Lewis était parti. Il s'était tué. Et ce connard avait réussi. Il en voulait au monde entier. Ils avaient encore tellement, tellement de belles choses à vivre. Mais Lewis ne voulait plus de tout ça. Il voulait Henry pour lui tout seul, mais ce n'était pas possible. Il n'était pas prêt à lui offrir ça.
Henry sentit deux grands bras l'entourer. Un parfum de vanille lui piqua le nez. Elle lui chuchota des paroles douces et rassurantes, mais il n'écoutait pas. Une alarme venait de sonner dans la chambre d'à côté. Et ça lui a tordu le cœur. Ici, dans ce petit box, l'alarme ne sonnerait plus jamais. Il y eut un ballet d'infirmières et de médecins, mais ici, plus personne ne viendrait. Elle lui prit la main, et l'incita à la suivre pour aller le voir. Elle plongea dans ses yeux émeraude, et chuchota : « allons-dire au revoir à notre fils ». Et une flamme dansa devant ses yeux. Il y avait une colère sourde qui le grignotait. Elle n'avait pas le droit de dire ça. Il la fixa avec les yeux noircis par la colère et la repoussa violemment. Il lui hurla d'aller se faire foutre, elle et ses sourires sardoniques, elle et son cœur si grand et si petit à la fois, encore tout vibrant de vie. Il se rend dans la chambre mortuaire. Il attend à côté d'un couple éploré, tout dégoulinants de larmes. Ils le regardent d'un air étrange parce qu'il ne pleure pas. Ils commencent à expliquer qu'ils ont perdu leur enfant de trois ans, ils racontent les circonstances, hoquetant de douleur. Henry les regarde droit dans les yeux et les coupe. D'un ton cinglant, il leur explique qu'il n'en a strictement rien à faire, qu'il aimerait bien pouvoir pleurer la mort de l'homme qu'il aime tranquillement sans avoir à supporter les jérémiades d'inconnus. Ils quittent la pièce immédiatement. On n'est pas égaux dans la douleur, Henry l'aura appris à ses dépens. Il se retrouve seul dans cette petite salle glaciale. Lewis est là, derrière la porte. Mais il n'ose pas. Il ne sait pas qu'elle était là, juste derrière la porte. Et qu'elle a tout entendu. Il ne sait pas qu'elle voulait le réconforter et l'accompagner. Mais il vient de lui briser le cœur.
Il pousse la porte. Lewis est là, sur un brancard, recouvert d'un drap blanc. Il y a quelques fleurs déposées çà et là près de son cœur. Il en prend une et caresse les pétales doucement, le cœur lourd. Il n'a jamais pu en offrir à Lewis, et voilà qu'il va devoir le faire, et Lewis ne sera plus là pour le remercier. Il avait encore tellement de fleurs à lui offrir, tellement de sourires, de rires, et de baisers à déposer partout sur son corps, sur son âme, et l'emmener faire le tour du monde et lui dire je t'aime dans chaque pays du monde. Mais voilà, Lewis est un terrible idiot, et il a décidé qu'il ne voulait plus de tout ça. Une cuisante larme glisse le long de sa joue, et Lewis ne l'a pas effacée. Henry le regarde, la bouche tordue par la douleur.
- Tu sais quoi ? T'es un connard Lewis. Je te déteste à un point t'as même pas idée ! J'me sens comme un con là et t'es même pas là pour te moquer de moi. T'es un con. Un putain de con. J'ai tellement de trucs à te dire, je te promets !
Il aurait aimé lui dire qu'il avait retrouvé sa famille, qu'il leur avait tout dit, tout raconté, qu'ils viendraient, qu'ils étaient en route, qu'ils avaient pleuré de soulagement de l'avoir retrouvé, et qu'ils seraient là, bientôt, et pour toujours. Qu'il avait manqué à tout le monde, qu'on l'avait cherché, des mois, des années. Il aurait aimé lui dire qu'il avait eu ses sœurs au téléphone, et que tout irait bien. Il avait espéré si fort qu'ils se précipitent à leur chevet parce qu'ils l'aimaient, plus que tout, que c'était leur enfant, et que tout serait oublié et pardonné. Comme dans les films. Ils viendraient tous, avec d'énormes bouquets de roses et des chocolats dans les bras.
Mais il était bientôt minuit, et personne n'était venu. Il n'y a pas toujours de belles histoires. Le téléphona sonna dans le vide. Au bout d'une dizaine de sonneries, quelqu'un avait fini par répondre. Une voix grave et rude.
- Je.....bonjour. Lewis est malade et je....
- Je ne connais pas de Lewis. Au revoir.
Et il avait raccroché. Comme ça. Henry resta hébété. C'était le bon numéro. Il en était sûr. Mais Lewis n'existait plus. Il se sentit immensément triste pour Lewis, qui était mort loin d'eux. Quelque part, loin d'ici, une famille faisait la tête, vivait, chantait, ignorant les appels d'Henry. Quelque part, une famille était heureuse, alors qu'un membre de leur famille était en train de vivre ses derniers instants. Mais il fallait rester fort. Pour Lewis.
Il aurait voulu lui dire tout ça, à Lewis. Mais sa gorge serrée l'empêchait de parler. Il découvrit son visage, son si beau visage. Il le caressa avec une douceur infinie. Le visage resta froid et impassible. Il n'y avait dans ses yeux, plus qu'un trou béant. Il embrassa sa joue, et remit le drap avant de quitter la pièce. Il soupira en appuyant sur la poignée.
Et entendit une voix mélodieuse et caressante.
- Je savais qu'ils ne viendraient pas.
Et son sang se glaça.
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Lights up - En Réécriture
Roman d'amourLewis. Dans les rues bondées, il est un de ces fantômes dont la lumière passe au travers. Un de ces cœurs d'un noir d'encre. Il n'a pas su trouver le courage de fuir contre les monstres qui volent l'innocence des enfants la nuit. Devenu adulte épri...