47 : Angeline

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[16 août]

Me voilà à ma fenêtre en cet étouffante nuit de dimanche, tentant de survivre à cette affreuse canicule. Le Soleil s'est couché depuis bien longtemps, mais il a de la chance car moi, je n'arrive pas à dormir. Il doit être une ou deux heures du matin. La rue est si calme et si sereine que le moindre bruit aurait ressemblé à une explosion. 

Cette explosion s'est produite dans mon cœur lorsque la fenêtre de la maison en face de la mienne s'est ouverte, laissant entrer l'air plus ou moins frais dans la chambre d'Evan. Son visage s'est présenté au clair de Lune alors qu'il pose cette éternelle mèche brune derrière son oreille. Mon voisin a tourné la tête vers ma fenêtre et m'a aperçue. Nous avons tous les deux les bras croisés sur nos Velux, le menton posé dessus, à prendre l'air si lourd pouvait-il être. Evan semble surpris de me voir là, mais il m'a instinctivement fait un signe de la main en souriant pour me saluer. J'ai fait de même, avec un faux sourire cependant. Malgré la rue et l'obscurité qui nous séparent, je me demande s'il le remarquera. Et finalement, je me rends compte de là où je suis arrivée depuis un an. 

Cela fait une longue année qu'Evan s'est installé en face de chez moi. Et cela fait une longue année que je l'ai rencontré, lui et son fidèle ami Liam. Rien que le fait de repenser à ce sale gosse me donne des frissons. 

Evan est toujours en couple avec sa merveilleuse petite-amie Abigaëlle qui semble avoir tout pour plaire. Et d'après les rumeurs, ils s'aiment tant qu'ils comptent emménager ensemble pour la rentrée à l'université. Avec ça, mon voisin ne m'a jamais vu autrement que sa voisine et son amie. Il me l'a bien fait comprendre, d'ailleurs. Et il n'a jamais mis les pieds dans la supérette où je travaille, pour ne pas arranger les choses. 

Liam, lui, a tenté de m'ignorer tant bien que mal depuis le jour où il m'a annoncé ce qu'il ressentait pour moi. Il semblait tout faire pour ne pas me croiser et je ne l'ai jamais revu au magasin, ce que je peux comprendre finalement. Je l'ai déjà surpris plusieurs fois à me fixer secrètement, mais il avait toujours une mine triste. Sa nouvelle copine est toujours à ses côtés, mais je ne l'ai jamais vu la regarder comme il le faisait avec moi. Sans mentir, je regrette toujours ma décision, mais je n'ai jamais réellement pris le courage d'aller m'expliquer. J'ai toujours eu l'impression qu'il était trop tard pour tenter de recoller les morceaux avec Liam. Je devrais noter ça dans ma liste de choses à faire avant de mourir. 

Cependant, Liam a déménagé en juillet, juste après notre diplôme de fin d'année. J'ignore pourquoi, mais j'espère qu'il va bien. Nous ne nous sommes pas échangé le moindre message, la moindre parole depuis cette journée. Je ne pas nier le fait que Liam me manque, honnêtement. Et quand j'ai appris pour son départ, je me suis sentie si mal. J'ai à nouveau culpabilisé et regretté de ne pas être venue le voir plus tôt. Heureusement, il n'est pas très loin et son ami habite en face de chez moi. Il reviendra sans doute et j'aurai peut-être une chance de le croiser à nouveau. J'espère. 

Sophia et Agnès sont toujours ensembles et elles s'en vont dans la même université en septembre, quelle coïncidence. Malheureusement, Sam s'en va à une dizaine de kilomètres d'ici pour poursuivre son rêve : il va intégrer une prestigieuse école spécialisée dans la photographie et la vidéo. Je suis vraiment heureuse pour lui, c'est tout ce que je lui souhaite, mais il va me manquer. 

Me concernant, je déménage dans un petit appartement d'étudiant très lumineux dans une semaine. Alex n'est pas très content que je le laisse seul dans une si grande maison, mais il a réussi à convaincre notre père de payer une plus grande partie du loyer et des factures. En réalité, je le soupçonne d'avoir peur une fois que je serai partie. Ce grand gaillard est une vraie poule mouillée au fond ; et il préfère me faire sursauter à la moindre occasion pour ne pas que l'on découvre ce secret. Mon frère est un chanceux, par contre. Carole et lui continuent de se voir à la maison et notre père n'y voit que du feu. Et personne n'y voit de problème, comme si c'était normal. 

Je pars dans des études d'arts plastiques et d'histoire de l'art, à l'université de la grande ville d'à côté, celle dans laquelle j'ai passé une après-midi pleine d'émotions au musée avec Liam. J'ai souvent repensé à cette journée et je donnerais n'importe quoi pour pouvoir la revivre. 

Décidément, tout me ramène à lui. 

Et me voilà à ma fenêtre en cet étouffante nuit de dimanche, seule et pensive, semblant avoir loupé pas mal de choses. Je n'ai pas vu le temps passer. Il y a six mois, je me sentais au fond du gouffre et je pensais ne jamais pouvoir m'arrêter de pleurer et de regretter mes choix stupides. Aujourd'hui, je suis prête à aller à l'université, à me faire e nouveaux amis, à vivre dans mon propre appartement, et je regrette toujours mes choix stupides. Mais je ne pleure plus, c'est une amélioration. 

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant