only fools fall for you

34 : la question empoisonnée

[23 novembre]

On devait s'approcher des deux ou trois heures du matin et Agnès se sentait bien mieux depuis longtemps. Un grand verre d'eau, une bouffée d'air frais et c'était reparti comme si de rien n'était. Elle avait à nouveau dansé, chanté et sans cesse embrassé Sophia qui semblait aux anges. Elles ne se quittaient plus et c'était déjà difficile de faire plus proche avant de les voir officiellement ensemble. Toute cette situation était très émouvante à mes yeux. J'étais terriblement contente pour elles.

J'ai repris aussi ma danse endiablée pour me vider l'esprit. Je tenais à me sortir la question empoisonnée de Liam de la tête. Elle résonnait sans fin et je ne parvenais pas à me concentrer sur autre chose. Je faisais ce que je pouvais pour éviter son regard, mais le sien se posait beaucoup trop régulièrement sur moi. Il s'agissait d'un véritable travail de contrôle de soi-même pour ne pas s'abandonner toute entière à ses bras et son visage.

Je divaguais beaucoup trop. J'ai longtemps regretté d'avoir bu lors de cette soirée qui n'était pas la bonne. Quant à Liam, le fait qu'il s'enivre sans se soucier des conséquences me décevait un peu. Je savais que ce n'était pas mon problème, mais j'aurais pensé qu'il se trouvait au-dessus de ça. Il enchaînait les verres et les bouteilles, les mélanges et les jeux d'alcool sans jamais s'arrêter. C'était bien trop, et il le savait sans doute.

Quelques heures plus tard, alors que nous étions tous les quatre étalés sur le divan à s'endormir sur les épaules des uns et des autres, je fixais Liam à la table de salle à manger. Il était entouré d'un groupe de lycéens qui avaient allumé une cigarette au contenu indéfinissable. Le premier avait enflammé l'extrémité avec un briquet comme s'il s'agissait d'une habitude, la porta à ses lèvres quelques secondes et la passa à son voisin en soufflant une fumée grise qui ne sentait pas très fort. Cette cigarette fit le tour de la table jusqu'à atteindre Liam. Il la prit entre ses doigts puis lança un regard vers moi. Celui que je lui rendis attendait une réaction de sa part, j'examinais le moindre de ses mouvements. Il hésita quelques secondes et passa la cigarette dans en prendre une seule respiration.

Un sourire satisfait s'afficha discrètement sur mon visage. J'étais soulagée qu'il ne se soit pas laissé emporter par des conneries pareilles. Et je réalisai alors qu'il avait choisi de ne pas le faire pour moi. Je fus touchée par ce geste, bien que ce ne soit presque rien.

Liam quitta la table après quelques minutes et s'installa sur un fauteuil proche du canapé sur lequel nous nous trouvions. J'étais du bon côté pour pouvoir le regarder, ce que je fis dans réussir à m'arrêter. Il me fixait également, silencieux, perdu dans ses pensées comme je l'étais dans les miennes. Nous nous sommes endormis, égarés dans les yeux de l'autre et désireux de rapprochement et de contacts comme si tout était permis. Mais quelques mètres et quelques amis nous séparaient. Si cela n'avait tenu qu'à moi ce soir-là, j'aurais franchement hésité à passer la nuit dans ses bras.

Ce devait être l'alcool, du moins je l'espérais.