43 : magie entre nous deux

8 2 0
                                    

[31 décembre]

Clémence, la mère d'Evan venait de quitter la maison avec Baptiste, son adorable petit frère. Mon voisin m'a expliqué brièvement son programme de l'après-midi, qui se composait essentiellement de cuisine, de décoration et de déménagement de meubles. Après ceci, il m'a prêté un tablier à carreaux bleus pour me joindre à sa préparation de meringues alors qu'il venait de finir ses gâteaux sablés. Je me suis lavé les mains en lui annonçant, fière :

_ Je suis une pro en meringues, tu vas voir.

J'ai réussi à rendre ses blancs en neige parfaitement fermes avant d'ajouter du sucre, puis nous nous amusions à tenter des formes adorables sur la plaque du four. Nous les avons enfournées et avons nettoyé la pièce pendant la cuisson. Lors qu'elles devaient refroidir, les sablés furent recouverts de glaçages colorés. Mais notre talent commun pathétique en dessin nous a fait beaucoup rire. Cet enthousiasme sur son visage d'ailleurs m'a fait rougir plus d'une fois. J'aurais aimé que son sourire soit mien pour toujours. Mais il n'avait certes rien à voir avec celui de Liam lorsqu'il me regardait.

Mon admirateur secret, ou plus vraiment, n'avait d'ailleurs répondu à mes messages que de façon lointaine et vide. J'aurais cru me voir face à lui en septembre. Je savais que Liam m'en voulait, mais je ne pouvais ni contrôler mes sentiments, ni revenir en arrière pour changer les choses. Cependant, j'aurais été toute aussi frustrée à sa place en imaginant que tout ce que nous avons vécu ne signifie rien. Ces moments ont une place spéciale dans mon cœur et je ne peux pas dire que je n'ai rien ressenti. Mais nous devions à présent passer à autre chose, tourner la page et surmonter nos douleurs.

Mes pensées divaguaient sur la décoration de mon petit homme sucré, qui avait une moue un peu triste par ailleurs. Un « croc » me sortit de ma bulle avant de me tourner vers Evan qui s'arrêta de manger son gâteau en cachette.

_ On a le droit de goûter avant tout le monde parce que c'est nous qui les avons faits, se justifiait-il la bouche pleine.
_ C'est vrai, ça. J'imagine que c'est une devise de ta mère ?
_ Tout à fait.

Je l'ai imité en croquant dans la tête du petit être tristounet que je venais de créer.

Un peu plus tard, nous avons déplacé les meubles de son salon pour faire de la place et installer le plus de places assises possibles. Evan a rapporté de son garage de dizaines de paquets de chips et de sucreries, ainsi que quelques bouteilles d'alcool et de jus de fruits. D'ailleurs, j'avais prévu de rien boire d'alcoolisé, en partant du principe que Liam serait présent ce soir-là, pour éviter de me remettre dans des états mémorables. Pendant ce temps, je m'occupais de la décoration de la pièce et du gonflage des ballons, ce qui a fini par me donner mal à la tête.

Il devait être un peu moins de dix-huit heures lorsque tout était prêt. Les invités devaient arriver une heure et demi plus tard, mais nous n'avions plus rien à faire à part nous préparer. J'ai fini par rentrer chez moi pour prendre une douche et me faire belle, pendant que j'ignorais mon frère qui ne cessait de se moquer de moi. Lui aussi était invité à une soirée avec quelques amis. C'est pourquoi, pour me venger, j'ai aspergé la salle de bains de parfum aux tons floraux pour qu'il puisse râler une fois que je serai retournée chez Evan.

Ce dernier s'ennuyait également, seul chez lui, alors je l'ai rejoint les cheveux au vent, dans ma robe fluide mauve à manche longues, et dans les confortables chaussures que Liam m'avait offertes pour mon anniversaire. Tout me ramenait à lui, décidément. Il a souri en m'ouvrant la porte pour la seconde fois de la journée, puis m'a complimentée en souriant :

_ J'aime beaucoup ta tenue. Elle te va très bien.
_ Merci beaucoup. J'aime bien ta chemise, aussi.
_ C'est gentil, mais je pense que je vais surtout finir la soirée en T-shirt !

Cette remarque me fit frissonner rien qu'en l'imaginant. Je réalisai alors qu'il avait des épaules bien plus larges que ce à quoi je m'attendais, sans parler de son parfum dans lequel j'aurais aimé me noyer.

_ T'as mis les chaussures qu'Liam t'a offertes, tiens !
_ Oui, elles allaient plutôt bien avec ma tenue. Tu t'en souviens ?
_ Bien sûr, il m'a envoyé tellement de messages à propos de ça.
_ Vraiment ? J'aurais pas pensé ...

J'ai réalisé soudain que ce cadeau devait vraiment lui tenir à cœur, et j'ai regretté de ne pas les avoir portées plus tôt.

_ Il aurait été content de te voir avec, en tout cas, a-t-il ajouté.
_ Pourquoi tu dis ça ? Il ne vient pas ?
_ Non, il ne te l'a pas dit ? Il est pas vraiment d'humeur en ce moment, d'après ce qu'il m'a raconté. Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé, le pauvre.

J'étais au courant car ce devait sans doute être ma faute. J'aurais aimé pouvoir lui reparler ce soir, ou simplement le revoir, même si je n'étais pas censée penser cela.

Nous nous sommes installés dans son fauteuil, quitte à ne pas nous ennuyer seuls. Il a proposé d'allumer la playlist qu'il avait créé pour l'occasion et que j'ai appréciée dès la première chanson. Quelques-unes ont défilé, mais je n'ai pu rester en place alors que Katy Perry chantait Last Friday Night. Je me suis levée dès le premier couplet, j'ai augmenté le son de sa chaîne-Hifi et j'ai utilisé mon téléphone comme un micro en dansant au beau milieu de son salon. J'ignore d'où venait cet élan de motivation, mais il fallait que je me rapproche de lui, coûte que coûte.

Alors qu'il riait à en rougir, sans doute parce qu'il se moquait de moi, j'ai attrapé sa main pour le faire lever du fauteuil et me rejoindre alors qu'il se tordait de rire.

_ Je ne sais pas danser !
_ C'est pas grave, moi non plus !
_ Tu danses mieux que moi.
_ On fait une battle ?
_ Okay, je vais gagner.

Cette phrase l'a entraîné sur la piste de danse improvisée sans une hésitation de plus. Nous nous sommes déhanchés avec frénésie pendant un bon quart d'heure avant qu'il n'attrape mes deux mains pour danser avec moi et me faire tourner. Ces contacts me faisaient rougir et j'avais des difficultés à ne pas me raidir au contact de ses grandes mains délicates. Je ne parvenais pas à détacher mes yeux de ses cheveux ou de ses épaules sans pouvoir cacher mes joues trop roses pour qu'il s'agisse de mon blush. Nous avons ri à en avoir mal au ventre, jusqu'à ce que la sonnette de sa porte d'entrée brise toute magie entre nous deux.

Abigaëlle se tenait derrière, prête à dévaster fièrement tous mes espoirs de rapprochement avec Evan. J'ai baissé le son de la musique pour écouter discrètement leur conversation.

_ Abigaëlle ! s'écria-t-il, surpris. Salut, tu vas bien ? Tu arrives tôt.
_ Salut, ça va, merci, entrait-elle les bras chargés. Je t'avais dit que je viendrais plus tôt si tu avais besoin d'aide. Tu m'as oubliée ?
_ Non, enfin ... Angeline est là et elle m'a aidé cet après-midi. Laisse-moi t'aider, attends.
_ Ah, je vois. Tu ne m'as pas prévenue, remarqua-t-elle en lui cédant ses sacs.
_ J'ai oublié, désolé.

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant