42 : le plus joli biscuit

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[31 décembre]

J'ai sonné chez Evan en début d'après-midi avec une boule au ventre et les doigts tremblants comme des feuilles. J'étais accompagnée d'un énorme sac contentant un matelas gonflable et des draps, d'un autre avec mes vêtements et d'une énorme boîte de cookies. Je suis venue si tôt pour l'aider à préparer sa soirée du nouvel an. J'espérais d'ailleurs que cette peste d'Abigaëlle – qui l'était seulement depuis mon point de vue – ne soit pas au rendez-vous pour contrer mes plans. 

Evan m'a ouvert avec un adorable sourire et les cheveux en bataille, parsemés de farine. Son tablier à fleurs n'avait d'ailleurs pas réussi à faire barrière pour ses vêtements, tous aussi blanchis de poudre. Cet accoutrement m'avait fait rire alors qu'il me faisait entrer.

_ Salut Angeline ! Tu arrives au bon moment, je ne m'en sors pas avec mes gâteaux.
_ J'arrive à ta rescousse. D'ailleurs je t'ai fait plein de cookies !
_ C'est vraiment sympa, merci beaucoup. Tu peux poser tes affaires dans l'entrée ou dans l'escalier, on les montera après.
_ Merci.

À peine à l'intérieur, une odeur apaisante et douce d'une bougie parfumée posée sur un meuble dans le couloir d'entrée s'infiltra dans mon esprit et me détendit un peu. La décoration était si harmonieuse et raffinée que je me sentais presque coupable d'aider à organiser une soirée du nouvel an ici.

_ Mets-toi à l'aise, pose ta veste sur le porte-manteau, n'hésite pas.

Je m'exécutai alors, un peu impressionnée. Je retrouvai cependant quelques repères en réalisant qu'il s'agissait de la même maison que la mienne, mais dans un miroir. J'ai rejoint mon voisin dans une cuisine aux tons de vert olive, au bord d'une haute table centrale recouverte de farine et d'ustensiles de cuisine.

_ Ouah, comment tu peux avoir autant d'instruments de pâtisserie dans une même maison ?
_ Ce sont les miens, je suis une grande fan de pâtisserie.

Je me suis retournée en sursautant pour me retrouver devant une sublime femme souriante, avec des cheveux bruns plus longs et plus soyeux que je n'en avais jamais vus. Elle avait les yeux d'Angelina Jolie et un visage d'ange. Elle semblait sortir tout droit d'une exposition de statues d'un musée. Il ne fallait pas qu'Alex la rencontre un jour ou il la draguerait sans hésiter, mais je le comprenais à présent.

_ Tu es Angeline, c'est ça ? La voisine d'en face. Tu peux m'appeler Clémence, je suis la maman d'Evan. Enchantée.
_ Bonjour, en-enchantée.

Alors que je pensais qu'il s'agissait de sa sœur, je saisi alors d'où pouvait venir le charme naturel de mon voisin.

_ C'est vraiment adorable de ta part de venir l'aider pour ce soir. Mon fils choisit bien ses amis.
_ C'est normal, ça me fait plaisir de lui donner un coup de main.

J'aurais cependant adoré être un peu plus qu'une bonne amie à ses yeux.

Soudain, une petite tête bouclée pointa le bout de son nez dans l'encadrement de la porte.

_ Viens dire bonjour à Angeline, Baptiste, tenta Evan. C'est mon petit frère.

Le petit garçon s'avança timidement et se jeta sur la main de Clémence qui semblait lui servir de bouclier. Un minuscule bonjour m'est parvenu de sa part. Je lui ai souri et me suis accroupie face à lui.

_ Salut ! Je m'appelle Angeline.
_ C'est toi qui as volé ma place ?
_ De quoi tu parles ? Explique-moi.
_ C'était moi qui devais aller faire du skate avec Evan, annonçait-il avec une moue triste, et il est sorti dans la rue avec toi.

Ces aveux me fendaient le cœur ; je ne me rendais pas compte de la frustration que j'avais dû causer chez ce garçon sans m'en rendre compte.

_ Je suis désolée, Baptiste. Je ne le savais pas. Mais si tu veux, la prochaine fois, on pourra aller jouer tous les trois !
_ En plus, tu as eu une belle trottinette par le Père Noël, s'interposait Evan. On devrait l'essayer ensemble cette semaine !
_ C'est vrai ? Je suis plus en colère, alors !

Baptiste avait ainsi retrouvé le sourire. J'avais eu de la chance sur ce coup car j'ignorais s'il en avait réellement l'autorisation. Je me suis relevée avant de demander à la mère d'Evan tout bas :

_ Je peux lui offrir un cookie ? Je les ai faits ce matin.
_ Bien sûr, je pense qu'il va les adorer. 
_ J'ai quelque chose pour toi, ne bouge pas, lui ai-je promis.

J'ai accouru dans le couloir d'entrée pendant qu'il me suivait des yeux, et je suis revenue dans la cuisine avec le plus joli biscuit de ma boîte que j'ai pu trouver. Il l'a accepté et l'a goûté sans attendre. J'étais satisfaite de ma bonne action.

_ On ne reste pas ce soir, reprit Clémence, on vous laisse la maison. Mon mari, Baptiste et moi sommes invités dans la famille, mais je vous fais confiance. Je sais qu'Evan est un garçon responsable. On ne rentrera que demain en début d'après-midi, mais ce serait sympa que tout soit rangé avant qu'on ne rentre. Tu veux peut-être que je te laisse mon numéro au cas où, Angeline ?
_ Maman, ça va aller, répondit Evan à ma place. On a déjà fait ça et tout s'est bien passé.
_ Tu as raison, mais vous étiez plus jeunes. On va devoir y aller, ajoutait-elle avec un coup d'œil vers sa montre, je dois passer chercher ton père à son travail. Evan, n'oublie pas de m'envoyer au moins un message, s'il-te-plaît.
_ Oui maman, je ne vais pas oublier.
_ Merci, trésor, l'embrassait-elle sur la joue. Passez une bonne soirée !
_ Merci, vous aussi !

Elle quitta la pièce avec Baptiste qui la tenait par la main, nous laissant seuls autour de cette table farineuse.

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant