16 : flot de papillons

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[05 octobre]

Il faisait si bon dehors, ce qui n'était pas tellement normal vu l'heure et la saison. L'entrée de ma maison n'était que faiblement éclairée par les lampadaires lointains de ma rue. Liam me faisait de plus en plus rire à mesure que la soirée se déroulait. Je me rappelle très vaguement que nous avions dîné ensemble, ou peut-être l'avais-je simplement imaginé tant ce souvenir pouvait être flou dans ma mémoire.

J'ai instinctivement fermé la porte derrière moi pour ne pas que mon frère ne nous entende. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il pouvait être, mais mon père n'était toujours pas rentré.

_ Merci beaucoup, Angeline, rougissait Liam. Je te revaudrai ça.
_ Tu as intérêt ! J'espère aussi que tu auras une bonne note.
_ Compte sur moi.

Il s'approchait lentement de moi, alors que je m'appuyais sur ma porte d'entrée.

_ Qu'est-ce que t'es belle, ce soir.

J'avais l'air d'une enfant à entortiller une mèche de mes cheveux autour de mon doigt, toute rougissante. Nos yeux ne se quittaient plus et cette sensation ne faisait que s'intensifier au fur et à mesure qu'il s'avançait vers moi. Des papillons scintillants commencèrent à battre des ailes dans le creux de mon ventre et s'agitaient peu à peu dans tous les sens.

J'avais beau vouloir détourner le regard, porter mon attention sur mes chaussures ou sur ma boîte aux lettres loin derrière Liam, mais j'étais comme ensorcelée. Sans réfléchir et sans jamais quitter ses yeux, j'ai attrapé sa main en tremblant et en frissonnant, avant de me rendre compte que nous étions irrésistiblement proches. Il l'a serrée avec précaution et la seconde suivante, ses lèvres étaient posées sur les miennes plus délicatement que je ne l'aurais imaginé. Les papillons ont littéralement explosé et mes pensées aussi. Lorsque j'ai à nouveau ouvert les yeux, les siens brillaient comme deux étincelles.

Mais soudain, tout s'est enchaîné à une vitesse folle : Evan est apparu dans le dos de son ami et la culpabilité m'a envahie toute entière. Il avait l'air terriblement déçu, ce qui a rempli mes yeux de larmes.

_ Angeline, comment tu as pu ...
_ Non Evan, je ... je voulais pas ...
_ Moi qui pensais que tu m'aimais, comment j'ai pu me tromper à ce point ?

La voiture de mon père s'est garée devant la maison, avant qu'il n'en sorte un grand homme aux cheveux grisés que j'aurais aimé mieux connaître. La panique m'envahit jusqu'au bout de mes cheveux. Je finis par fondre en larmes, les genoux sur le carrelage extérieur qui borde ma maison, recouverte de colère et de déception par de ceux qui m'entourent et par moi-même.

Je me réveillai en sursaut, en manque d'air, au fond de mon lit froid et sombre. Le temps de reprendre mes esprits et de comprendre que je n'étais que dans ma chambre, mes yeux s'habituaient à l'obscurité de la pièce. Mon dos était trempé et mes draps si froids. Il fallait que je réfléchisse profondément. Je me suis assise sur mon lit et ai allumé ma lampe de chevet.

J'ai rêvé que j'avais embrassé Liam. Un flot de papillons passa très rapidement dans mon ventre rien qu'en y pensant. Je me haïssais pour avoir osé, mais j'étais surprise d'avoir trouvé cela plutôt agréable. Je pense que je n'assumerai jamais ces actes auprès de qui que ce soit, cauchemar ou non.

Pourtant, je me suis souvenue du véritable déroulement de la soirée : Liam est reparti vers vingt-deux heures sans aucun contact physique entre nous deux. Mais je ne me souvenais pas de l'avoir vu reprendre sa veste, bien qu'il dût faire froid la veille. Mon père est rentré très sobrement et silencieusement une demi-heure plus tard, sans croiser de lycéen sale gosse sur sa route, me semble-t-il.

Emplie de ma curiosité habituelle, je suis descendue sans un bruit jusque dans le couloir pour confirmer mes doutes : la veste de Liam n'avait pas bougé du porte-manteau. Mauvaise nouvelle : j'allais devoir la lui apporter au lycée et je n'avais aucune envie de le revoir après ce rêve plus que perturbant. Bonne nouvelle : mon rêve n'était qu'un rêve, rien de tout cela n'est arrivé.

En sachant pertinemment que je n'aurais jamais pu me rendormir après toutes ces émotions, j'ai décidé de rester au rez-de-chaussée pour faire des pancakes dans un immense sweat à capuche. Le Soleil allait bientôt se lever, je ne serais pas restée seule très longtemps.

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant