28 : comme si de rien n'était

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[1e novembre]

Il devait être près de quatre heures du matin quand notre soirée sembla toucher à sa fin. Alex était rentré une ou deux heures plus tôt et avait disparu dans sa chambre. Tous mes invités en pyjama étaient d'accord pour déplier mon immense canapé en clic-clac qui pouvait faire entrer tout le monde sans se serrer ou presque, et s'y installer pour regarder un film ou une série sur la télévision. Ce meuble avait coûté une petite fortune (bien plus que cela) à mes parents mais il est encore intact plus de dix ans plus tard. Nous l'avons recouvert de plaids et d'oreillers pour nos mettre à l'aise. Les deux garçons décidèrent de rester pour dormir à la maison car dans tous les cas, Liam était censé rester chez Evan pour la nuit. 

Nous avons décidé sur un accord collectif d'un film d'horreur pas trop compliqué à comprendre pour l'heure. Agnès et Sophia étaient collées l'une contre l'autre au bout du lit, et je les soupçonnais de les retrouver en couple avant le lendemain matin. Sam se trouvait à côté d'elles et je comptais sur lui pour me raconter les détails. À sa gauche, Evan s'était déjà camouflé sous une couverture pour ne pas trop sursauter. Enfin, à côté du mur et à l'autre bout du lit se trouvait Liam qui avait réquisitionné un paquet de popcorn. 

J'ai choisi de m'installer entre ces deux derniers garçons, en partie pour pouvoir piquer des sucreries de Liam. Mais la raison principale était de laisser mon sommeil déterminer lequel des deux me plaisait le plus. Je n'avais jamais été aussi perdue dans mes pensées que ce soir-là, et l'heure qu'il était n'aidait en rien. Je partais du principe que si le lendemain matin, je me réveillais avec la tête tombée sur l'une des deux épaules à mes côtés, alors mon subconscient devait préférer le propriétaire. Et s'il n'en avait choisi aucune des deux, ceci signifiait que je n'avais besoin de personne. Ce raisonnement était absolument absurde, mais les sucreries à saturation et la fatigue ne font pas bon ménage, habituellement. 

Evan n'a finalement pas réussi à s'empêcher de sursauter, et Sophia à s'empêcher de hurler de temps à autres, et ce fut le plus terrifiant. Tout ceci entraînait des fous rires collectifs que j'aurais aimé garder en mémoire jusqu'à la fin des temps. Je suis quelqu'un qui devient nostalgique pour un rien terriblement facilement. Et je sais que le lendemain matin sera très difficile pour moi car tout cela passe trop vite. Et je ne parle même pas de réécouter ma playlist d'anniversaire après coup, ceci me ferait pleurer pour sûr. C'est pourquoi je comptais profiter au maximum de ces moments entre amis, trop vite terminés. 

Pendant le film, j'ai lancé beaucoup de regards discrets vers Evan en cherchant à atteindre son attention, en vain. Il n'a jamais daigné tourner la tête vers moi, ce qui m'a un peu déçue. Quant à Liam, je le voyais rougir de temps à autres, quand ma main effleurait sa cuisse ou son bras sans le vouloir en bougeant. J'avoue que ceci me faisait frissonner, et j'aurais presque aimé le faire exprès, parfois. 

Un mouvement de sa part d'ailleurs me transperça le ventre de papillons de toutes les couleurs. Alors que ma main était posée sur ma cuisse sans y penser, je sentis la sienne se rapprocher comme si de rien n'était et nos doigts finirent par entrer en contact dans une étincelle pétillante. J'étais bien contente qu'il fasse sombre dans la pièce pour que personne ne puisse voir le rouge si profond sur nos visages. Sans réfléchir, mes doigts s'avancèrent entre les siens, pâles et froids, pour ne former plus qu'un ensemble harmonieux. Je n'osais à peine tourner la tête vers lui et il ne semblait pas vouloir non plus. J'avais de plus en plus chaud sous cette couverture et j'avais complètement arrêté de regarder le film, si bien que je ne sursautais plus et Liam non plus.

Nous sommes restés ainsi quelques minutes avant que la fatigue ne me prenne dans ses bras comme j'aurais aimé qu'un certain garçon le fasse. Mes paupières se fermaient peu à peu devant le débattement des personnages en face de moi, nos doigts toujours entrelacés. Mais finalement, je n'eus le temps de réfléchir sur quelle épaule ma tête était tombée en m'endormant. 

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant