36 : je gère la situation

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[07 décembre]

Le téléphone fixe sonna ce dimanche dans la matinée, mais Alex n'était pas à la maison. En décrochant, je reconnus la voix de mon père qui ne me manquait pas vraiment.

_ Allô ?
_ Bonjour, Angeline ! lança-t-il avec enthousiasme. Comment tu vas ?
_ Bonjour, ça va bien, merci. Et toi ?
_ Ça va, je te remercie. Je viens prendre des nouvelles de vous. Tout va bien à la maison ?
_ Tout va bien, la routine. Alex travaille autant que moi mais on s'en sort.
_ Tant mieux, alors. Ta fête d'anniversaire s'est bien passée ?
_ On ne peut mieux, même si j'aurais aimé que tu m'appelles le jour-même.

Mon père, lui, a pour tradition de me souhaiter un joyeux anniversaire le premier novembre, c'est-à-dire le lendemain de mon anniversaire. Je ne m'y suis jamais faite, et je continuais de lui mentir chacune année en lui affirmant que ce n'était pas si grave. Ça l'était.

_ Je sais, ma fille. Je suis encore désolé pour ça. Ça n'arrivera plus.
C'est déjà ce que tu m'as dit l'année dernière et l'année d'avant, et j'en passe.
_ Je sais. Je suis aussi débordé que toi si ce n'est pas plus. Je ne peux pas penser à tout, tous les jours.

Mon père n'était qu'un égoïste, je l'avais toujours su.

Mais sinon, pour changer de sujet, vous avez vu Carole ces derniers temps ? Elle avait beaucoup de rendez-vous dans le coin et j'espérais qu'elle soit passée vous dire bonjour.
_ Tu n'as pas confiance en elle pour venir me demander ?
_ J'ai confiance en elle. J'aimerais simplement vous demander votre avis.

Dans tous les cas, je comprenais bien mieux comment elle pouvait se rendre aussi facilement chez nous sans éveiller les soupçons.

_ Je ne suis pas souvent à la maison, mais je l'ai vue une ou deux fois.
_ C'est tant mieux, alors. Je suis rassuré qu'elle soit venue. Ça veut dire qu'elle vous apprécie ! Et j'espère que vous aussi.

Alex était indéniablement le mieux placé pour parler de ceci. Il avait d'ailleurs l'air de beaucoup l'aimer, mais je me demande pourquoi.

_ Oui, elle est plutôt sympa, ai-je tenté, tendue.
_ C'est bien ce que je t'avais dit. Ton frère est là ?
_ Il est parti faire les courses. Je lui dis de te rappeler en rentrant ?
_ Non, je repasserai un coup de fil un autre jour. J'ai encore beaucoup de travail aujourd'hui. Tu lui passeras le bonjour de ma part.
_ Je lui dirai.
_ Je te laisse. Passe une bonne journée, à bientôt !
_ Oui, au re-

Je détestais cette manie de raccrocher bien trop vite au nez des gens. Et je ne supportais pas non plus d'avoir à lui mentir. Alex allait payer pour ça.

Moins d'une heure plus tard, je l'ai rejoint dans la cuisine alors qu'il s'occupait de ranger les courses dans les placards. Je me suis appuyée sur l'encadrement de porte, les bras croisés.

_ Papa a appelé tout à l'heure, lui ai-je lancé.
_ Il va bien ?
_ J'ai l'impression, oui. Mais il m'a demandé si on avait vu Carole récemment. Il espérait qu'elle soit passée dire bonjour comme elle avait "beaucoup de rendez-vous dans le coin", ai-je imité avec mes doigts formant des guillemets. J'ai pas l'impression que ce soit des rendez-vous très professionnels.
Mince, il se doute de quelque chose ?
_ Je ne pense pas. Si c'était le cas, il cache vraiment bien son jeu. Et tu sais qu'il ment très mal.
_ Je vois.
_ Par contre, j'ai dû mentir pour toi, pour tes conneries. Je déteste vraiment ça.
_ C'est pas des conneries ! C'est sérieux, j'ai vraiment un coup de cœur pour cette femme.
_ C'est la copine de ton père, Alex ! Tu t'en rends compte ou pas ? commençais-je à m'énerver.
_ Elle a mon âge, et elle est d'accord aussi.
_ C'est pas de ça dont je te parle. C'est une question de respect.
_ Angeline, sérieusement ? riait-il ironiquement. Tu trouves qu'il a déjà eu du respect pour nous ? Parce que moi non, et déjà avant que tu naisses, petite sœur.

Il marquait un point. Mais je ne me suis pas laissée abattre pour autant.

_ T'as raison sur ce coup-là, ai-je avoué. Mais sache que t'es quand même en train de coucher avec ta belle-mère, là. Tu finiras par avoir des problèmes avec Papa et je ne pourrai plus mentir ni inventer d'excuses pour toi une fois qu'il saura tout.
Je sais. Mais je gère la situation.
_ Ça va durer combien de temps ?
Honnêtement, j'espère que ça durera longtemps. Je l'apprécie beaucoup.
_ Tu m'étonnes.

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