24 : décharge électrique

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[28 octobre]

Nous sommes restés assis sur notre banc dans le parc une bonne demi-heure de plus, puis nous avons repris la route vers la gare en nous prélassant. Le Soleil était déjà bien bas vers dix-huit heures, mais les lampadaires dorés réchauffaient les cœurs des passants. Nos pas résonnaient dans les rues plutôt calmes. Mes mains tremblaient de froid et je ne parvenais plus à le cacher, bien qu'elles s'enfonçaient dans les manches de mon énorme sweat. En marchant côte à côte, nos doigts se sont frôlés, provoquant dans tout mon corps une décharge électrique qui me fit rougir. Dans un coup d'œil, j'ai aperçu qu'il s'agissait de la même chose chez Liam. Et comme pour se changer les idées ou le contraire, il attrapa ma main soudainement pour la serrer entre les siennes.

_ Tes mains sont gelées ! Tu dois avoir super froid.
_ Je ne vais pas te mentir : je regrette de ne pas avoir pris de manteau.
_ Pourquoi tu ne l'as pas dit ? Tu vas tomber malade d'ici demain.
_ Je ne voulais pas être rabat-joie ce soir. Et puis, c'est pas si grave vu qu'on est en vacances.
C'est pas une raison.

Il lâcha ma main qui commençait à se réchauffer, puis retira sa veste en jean à l'intérieur laineux et me la tendit, attentionné.

_ Maintenant, c'est toi qui vas attraper froid.
_ J'avais chaud depuis tout à l'heure, ça ne me dérange pas.
_ Qu'est-ce que tu peux être cliché, parfois. Merci beaucoup.

Je l'enfilai sans plus attendre. Cette veste était encore plus confortable que je ne l'avais imaginée. Elle me réchauffait déjà et m'allait comme un gant. Et le parfum de Liam avait aussitôt envahi tout mon esprit. Je le trouvais enivrant et il m'enveloppait d'un voile réconfortant qui me rapprochait de lui.

_ Ça va mieux ?
_ Bien mieux, merci. Tu as vu comme elle me va bien ?
_ C'est vrai qu'elle te va bien.
_ Je devrais la garder, quand même.

À vrai dire, j'avais surtout dit ça pour pouvoir repartir chez moi avec quelque chose qui lui appartenait. Je ne me comprenais plus moi-même. Il répliqua après une courte réflexion : 

_ Tu pourrais. Mais je ne sais pas encore si tu le mérites.
Tu te fiches de moi ? riais-je de lui. C'est toi le sale gosse entre nous deux.
_ Pardon ? C'est pas du tout mon genre, qu'est-ce que tu crois.
_ Laisse-moi rire. J'ai toujours été très sage, en tout cas.
_ Sauf quand tu m'as piqué mon téléphone.
_C'était ta faute, Monsieur. Tu souriais tellement à ton téléphone que j'ai fini par penser que tu draguais d'autres filles.
Si tu m'avais demandé, tu aurais su. Mais c'était pour ça ? Donc tu es jalouse ?
_ Toujours pas. Je ne suis jalouse de personne.
_ Ça se voit que c'est dans ton caractère.
_ C'est vrai, ça l'est. Mais je ne l'étais pas aujourd'hui.
_ Et un autre jour ?
_ Non plus.
_ Mouais. Je te crois mais je me pose des questions.
_ Tu ne devrais pas.

La gare s'élevait devant nous. Nous y entrâmes, silencieux, et nous avons eu la chance de n'attendre que quelques minutes le train sur le quai. Liam nous avait pris des billets qui ne nécessitaient pas d'heure précise pour le retour, c'est pourquoi nous pouvions prendre celui que nous voulions.

Une fois dans le train, nous étions partis pour une bonne demi-heure. Le trajet de l'aller passa bien vite, mais celui du retour promettait d'être un peu plus long. Nous étions tous les deux un peu fatigués de cette journée riche en émotions, et les cinq premières minutes m'endormaient déjà. Instinctivement, j'enfonçai mes mains dans mes poches sans repenser qu'il s'agissait de la veste de Liam. Dans celle de gauche, mes doigts tombèrent sur une paire d'écouteurs.

_Tu veux écouter de la musique ? lui ai-je proposé en sortant les écouteurs. 
Pourquoi pas. Tu aimes quoi comme musique ?
_ Sûrement des artistes que tu n'aimerais pas. Mais tu peux me faire écouter ce que tu aimes d'habitude.
_ J'écoute beaucoup de rap. Et du vieux rock aussi, parfois.
_ J'aime bien le vieux rock. On n'a qu'à écouter ça !
_ Ça me va !

Il choisit alors une playlist qui semblait être la sienne, et me laissa choisir la première chanson. Le groupe No Doubt attira mon attention et Don't Speak eut l'honneur d'être écoutée la première.

_ C'est une de mes chansons préférées, avouais-je déjà bercée par les paroles.
Vraiment ? Je l'aime beaucoup aussi.

Au beau milieu de la chanson, Liam se tenta à passer son bras autour de mes épaules après avoir fait mine de s'étirer, comme dans un film rétro à l'eau de rose qui se déroulerait dans un cinéma. Ce geste me fit rougir deux fois plus qu'à mon habitude et il semblait l'avoir remarqué. Et alors que mes paupières tombaient lentement, ma tête finit par se poser dans son cou, me rendant encore plus proche de son parfum si prenant. Je le sentis frissonner lorsque ma joue et ma respiration touchèrent sa peau. Son pouce caressa lentement mon épaule à travers les couches de vêtements, et je ressentais que j'avais plus voire trop chaud à mesure que le temps passait au creux de ses bras.

Un peu plus tard, sur un lointain air d'un autre groupe de rock que je ne reconnaissais pas, mes pensées se mélangeaient tandis que je m'endormais. Les souvenirs revenaient dans le désordre, les paroles et les rires résonnaient agréablement dans ma tête, et mon imagination faisait des siennes. La sensation de nos visages si proches l'un de l'autre s'immisça dans mon esprit comme une feuille d'automne se pose au pied d'un arbre. Et nos lèvres, irrésistibles et aimantées, répondirent à la tentation si profonde, jusqu'à se poser l'une sur l'autre dans une explosion d'émotion.

Mes yeux s'ouvrirent dans un sursaut qui a dû surprendre Liam, car il me regardait avec inquiétude.

_ Ça va ? Tu ne te sens pas bien ?
_ Non, tout va bien. Ne t'inquiète pas.
_ Tu es sûre ?
_ Oui, oui ... Qu'est-ce qui vient de se passer ?
_ Pas grand chose. Il nous reste une dizaine de minutes de route, et tu t'es endormie sur moi sans bouger.
_ D'accord, ça me rassure.
_ Tu as fait un cauchemar ?
_ En quelques sortes. Enfin, pas vraiment.

J'ai replacé ma tête dans le cou de Liam sans réfléchir à mes mouvements. D'après le peu de souvenirs flous de ce que je venais d'imaginer, j'avais trouvé tout cela encore plus agréable que la première fois. Je remarquai alors que ma main était posée sur sa cuisse

_ Raconte-moi, tenta-t-il en posant sa tête sur la mienne.
_ Non, non non non. Je ... j'ai déjà oublié la moitié.
_ Comme tu le sens.

Je ressentais son souffle chaud dans mes cheveux. En se replaçant confortablement, il sembla profiter de ce mouvement pour resserrer son étreinte sur mon épaule. Mais je le sentis se raidir subitement, avant d'ajouter :

_ Je ne t'ai même pas demandé si ça te dérangerait ou pas.
_ De quoi tu parles ?
_ De ... mon bras ... ici.
_ N-non, pas vraiment. Enfin ... je ne m'étais même pas posé la question, en fait.
Tant mieux. Parce que j'aime bien.
_ ... Moi aussi. C'est ... réconfortant, hésitais-je en rougissant. Et puis, euh, non rien.

Je ne pouvais cacher à quel point tout ceci pouvait être agréable.

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant