Prologue (réécrit)

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 Dans la pénombre du soleil déclinant, les balancements cessèrent. La roulotte s'arrêta dans une rue dont les effluves traversaient le pauvre rideau cachant l'intérieur. Recroquevillée, deux chaînes aux pieds, Akélia grelottait.

Un bruit de flaque puis de pas la tira de son demi-sommeil.

—Descends, ordonna la voix froide de son employeur.

Enfin, Akélia le voyait plus comme son geôlier.

La jeune femme étendit ses jambes, craignant de ne plus sentir ses orteils. Elle se remit sur pieds en taquinant la patience de l'homme qui l'attendait. Et l'humeur de ce dernier ne se révéla pas au beau fixe.

—Alors ça vient ?!

Son ton bourru fit sursauter Akélia qui s'empressa de se glisser dans le froid mordant en prenant soin de ne pas s'emmêler dans ses entraves. Le fin cuir troué de ses souliers laissa entrer la neige. Elle frissonna de plus belle lorsque Bursk, le cinquantenaire qui la jaugeait d'un regard mauvais, attrapa son bras sans cérémonie pour la tirer vers ce qui semblait être une auberge.

À son entrée, ce furent des dizaines de personnes qui se levèrent. Akélia n'osait lever la tête, mais elle entendit les chaises crisser, et au vu du boucan que cela provoqua, elle sut que sa nuit allait être longue.

—Messieurs, mesdames, clama Bursk en resserrant sa poigne dans un ordre silencieux. Voici ici même pour vous servir, la Guérisseuse d'Azariel.

Il fit tomber de sa seconde main la capuche d'Akélia. Levant les yeux vers ceux qui la fixaient remplis d'espoir. Elle vit des jeunes hommes comme des vieilles dames voûtées. Une femme enceinte et son mari, serrés l'un contre l'autre dans un coin de la pièce, attirèrent son attention. La femme protégeait son ventre d'une main et étudiait son visage. Akélia y vit un éclat de peur et d'amour. Elle déglutit en songeant qu'elle enviait le bébé de cette femme qu'elle allait sans doute devoir sauver.

Car c'était pour cela que ces gens étaient là. Pour être sauvés. Qu'elle le veuille ou non, elle guérirait maux et maladie, réparerait les os brisés et fermerait les plaies. Mais chaque patient devant elle ne s'attendait pas à ressortir avec le dos courbé à cause des dettes qui suivraient.

Bursk eut le rictus suffisant qu'il affichait lorsqu'il était satisfait du nombre de personnes qui avait répondu à son appel, ou plutôt à la rumeur qu'il avait lancée quelques semaines plus tôt, avant leur arrivée. Quant à Akélia, elle s'efforça de réchauffer son corps en serrant et desserrant ses doigts et ses orteils. Sa magie allait drainer son énergie comme un monstre se mouvant sous sa peau pour boire son sang. Dès lors qu'elle ouvrirait une plaie pour en panser une autre, elle serait à portée de la chose qui lui prêtait ses dons sans oublier d'en retirer une contrepartie.

Frigorifiée et déjà épuisée par les nuits passées, Akélia se demanda, comme trop souvent ces temps-ci, si cette fois, sa magie ne finirait pas par la consumer entièrement. Une partie d'elle-même songea que cette issue n'était peut-être pas si rebutante que ça. 

Le Prince et l'Alchimiste (REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant