Chapitre 12: Par la force d'un poignard

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Les tintements des épées étaient loin. Hors du bruit du courant, du brouhaha de l'eau... La tête immergée, Akélia ne desserra pas son emprise sur son poignard. Elle gardait les mains contre la poitrine, les jambes repliées sur elle. Si elle souhaitait survivre, et parce qu'elle voulait survivre, elle devait se préparer à l'impact.

Il vint plus vite qu'elle ne le pensait. Un choc rude suivit d'un craquement qui secoua ses os. Elle relâcha son souffle, et but la tasse. Le répit de sa lutte contre le courant lui permit de ressortir la tête de l'eau. Toussant à plein poumons, elle s'accrocha à la mousse qui couvrait le rocher contre lequel elle avait arrêté sa course. La souffrance de ses membres fut couverte par l'adrénaline et l'instinct de survie. L'eau s'écrasait contre elle, la plaquant contre la surface durement glaciale. Elle manquait de pencher d'un côté ou de l'autre pour rejoindre les flots plus loin. Cambrant le dos pour épouser la forme de la pierre, elle trouva un équilibre fragile.

Elle sut au bruissement de l'eau que la cascade était à quelques mètres d'elle. Elle ne survivrait pas à une chute, même si elle était brève, les dents qui la cisaillaient serait fatale.

Le tronc qui barrait la route était à moins de cinq mètres d'elle, c'était sa seule issue. Son extrémité n'était pas directement sur la rive, mais elle pourrait tenter de la rejoindre en sautant, si tant est qu'elle en est encore la force.

—Akélia ! criait Aymeric depuis la grève.

Elle avait abandonné le groupe qui prenait le dessus sur leurs adversaires. Sans pouvoir voir l'avancée du combat, elle supposa -plus pour se rassurer que par déduction logique- que ses compagnons allaient bien.

—On se replie ! hurla une voix devant le rivage opposé.

Les tintements se firent de plus en plus rares tandis qu'Akélia prenait de profondes inspirations pour rassembler ses forces. Elle allait s'élancer vers le tronc lorsqu'un corps dériva à sa gauche. Sa bile remonta dans sa gorge. L'homme flottait, sur le ventre, inanimé. Elle n'avait jamais vu un cadavre, mais l'eau rouge qui l'entourait marquait la fin de la vie de l'individu. Aucun doute : s'il n'était pas mort d'une blessure, il était noyé.

Le corps se bloqua contre un rocher. Les bras étendus semblaient vouloir atteindre Akélia qui dut conserver un sang-froid sans faille pour ne pas reculer et se perdre dans le courant. Un éclat argenté attira son regard vers la main ensanglantée. Une chevalière ressortait de l'eau. Akélia plissa les yeux et distingua la tête d'un tigre ou d'un félin, gueule ouverte, en motif sur la bague. Avant de n'avoir pu s'assurer de ce qu'elle avait vu, le corps glissa et le courant sans pitié l'emporta. L'alchimiste ravala sa bile et se concentra sur son échappatoire qui craquait, pliant peu à peu sous la force des flots.

Elle n'avait plus de temps à perdre, alors elle replia ses jambes sous elle, et se propulsa vers le tronc. Les mains en avant, elle empoignait son arme à deux mains comme un grappin. De peu, elle atteignit sa cible et planta sa lame dans le bois.

Son corps s'allongeait derrière elle, invité par l'eau à poursuivre sa course plus loin. Usant de toute la force de ses bras, elle maintenait son emprise et se tirait peu à peu vers le cylindre. Son dos secoué lui fit lâcher un cri de douleur. Ce dernier expulsait sa souffrance en se teintant d'une rage de vivre. Elle se hissa à grand peine dessus, les jambes encore dans l'eau. Le buste à l'abri, elle souffla et réitéra son effort pour réussir à basculer sur le tronc ne laissant que ses mollets à la Rykk qui les massacrait avec des cailloux et des bois flottants.

Elle retira son poignard du bois pour le replanter devant elle et s'y arrimer comme une bâteau dans un port en pleine tempête.

—Nous étions attachés ! cria Aymeric. Akélia que s'est-il passé ?

Le Prince et l'Alchimiste (REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant