Chapitre 4: Auberge et boisson

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À la surprise d'Akélia, ils n'avaient pas quitté Ron Dhras, ni Triar d'ailleurs. Le prince avait fait halte dans une taverne à la limite entre le bas quartier et les immeubles plus aisés. Les rues pavées avaient été dégagées des dernières feuilles mortes qui étaient tombées des maigres arbres qui longeaient les routes. Une épaisse brume masquait les alentours, les lumières qui s'allumaient dans les foyers formaient de petites lueurs.

Akélia suivit Aymeric qui entra dans le bar. La quiétude des rues désertes disparût dès que son pied marcha sur le plancher irrégulier. Des clients de tout âge, homme et femme, riaient et buvaient à l'orée de la nuit, se préparant sûrement à la passer ici en continuant leur fête. Akélia grimaça en sentant les relents des alcools qui se mélangeaient à la sueur. L'air était étouffant, chargé de rire trop bruyants. Ayan ouvrit la voie en zigzaguant entre les tables remplies pour rejoindre le bar.

Une main se posa dans le bas du dos d'Akélia. Elle sursauta mais se rendit compte que ce n'était qu'Aymeric, qui lui intimait d'avancer sans porter attention aux regards que leur jetaient les ivrognes attablés. Des rictus malsains, pervers, s'étiraient sur leurs visages crasseux. Son estomac se retourna. La supposée liberté qu'elle avait obtenue lui laissait un goût amer en bouche.

—Nous partirons demain, lui chuchota Aymeric en rejoignant le comptoir. Mais nous devons établir un plan et savoir par où commencer.

Akélia ne répondit que d'un hochement de tête. Ses yeux parcouraient la pièce, cherchant une issue. Son instinct parlait pour elle : elle se sentait en danger. Elle se força à poser ses mains sur le bois foncé couverts des taches auréolées. Elias se posta à son second côté : elle était encadrée par Aymeric. Il lui glissa un sourire qui se voulait rassurant et elle sentit son ventre s'alléger.

—Que puis-je faire pour vous messieurs ? les aborda une tavernière en essuyant une chope.

—Nous aimerions louer votre étage pour la nuit, déclara Ayan assez fort pour couvrir les rires qui s'intensifiaient derrière eux.

Akélia jeta un regard vers la débauche qui se poursuivait. Elle détailla les appliques en fer forgé qui éclairaient la pièce sans fenêtre. Le lueur rougeoyante appuyait son impression d'être entrée en enfer. Les hauts murs en pierre noire créaient des coins obscurs où des clients buvaient plus silencieusement. Des poutres qui supportaient le plafond descendaient des lustres allumés. Akélia songea qu'une fois la nuit tombée, l'alcool coulait d'autant plus, et elle ne serait pas surprise que les bougies soient éteintes à cause des risques d'incendie.

Reportant son attention sur l'arrière du comptoir, elle repéra un escalier tapi dans les ténèbres. Une tête de cerf ornait le mur décoré d'étagères remplies de bouteilles. Une toile d'araignée s'installait entre les bois de l'animal. Un frisson parcourut le corps d'Akélia.

Des éclats de rire et des exclamations retentirent : un jeu venait d'être perdu pour quelqu'un. Cela la fit penser à Bursk, qui venait lui rendre visite pour empocher les gains de la semaine et les dépenser le soir suivant dans une auberge comme celle-ci. Comment le savait-elle ? Par la simple écoute des anecdotes de ses amis qui venaient la voir le lendemain. C'était un joueur accro aux paris et aux jeux.

Elle chassa son image de son esprit : à présent, elle n'aurait plus à remplir ses poches pour qu'il les vide dans une addiction.

—Calmez-vous, on dirait que vous allez tuer quelqu'un, lui souffla Elias en se rapprochant.

Elle n'avait pas remarqué que ses poings étaient serrés à tel point que ses phalanges blanchissaient. Akélia prit une inspiration et détendit ses doigts.

—Ils vont nous préparer les chambres, les informa Sillya en se penchant vers eux. Vous voulez boire quelque chose ?

L'alchimiste déclina poliment et concentra son attention sur les cercles de graisses incrustées dans le comptoir. Elle traça des formes en les reliant entre eux. Le brouhaha l'angoissait : elle n'aimait ni les foules ni l'ambiance de la joie faussée par la boisson.

Le Prince et l'Alchimiste (REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant