Chapitre 18: Contre-coup

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Le rythme régulier sur la terre, un mouvement de balancier.

Gauche. Droite. Gauche. Droite.

Il y avait l'odeur de la nature, le frictionnement de cuir et les cliquetis d'acier.

Elle aurait préféré ne rien entendre du tout. Parce qu'elle savait, qu'à l'instant où elle ouvrirait les yeux, rien ne serait plus jamais comme avant. Son cœur était brisé, brûlé tout comme la maison dont elle s'était enfuie. Les fourmis dans ses doigts la firent tressaillir. Akélia serra ses poings.

Ses ongles meurtrissaient ses paumes. Elle voulait ressentir quelque chose. Autre chose. Autre chose que la douleur, la colère et le chagrin qui l'habitaient déjà. Ils remuaient ses entrailles, lui donnaient envie de vomir, de s'arracher les cheveux.

La personne qui la transportait sur son dos la remit en place alors qu'elle glissait peu à peu.

—Tu es réveillée ?

Par tous les saints, elle pourrait supplier le monde de l'emporter, là, maintenant. Mais elle ouvrit les yeux, déjà humides. Allait-elle se réveiller en pleure pour le restant de ses jours ? Elle n'en savait rien, et ne voulait pas le savoir.

C'était Ayan qui la portait. Sa chevelure d'ébène ne trompa pas l'alchimiste qui remua un peu plus pour répondre. Sa voix ne fonctionnait pas, ses cordes vocales étaient encore douloureuses.

Elle se rappelle avoir crié. Hurler en pleurant toutes les larmes de son corps pendant plusieurs minutes. Et si ses cris s'étaient arrêtés, à cause de son maudit souffle, ses larmes avaient persévéré leurs descentes sur ses joues.

Le garde la déposa contre un arbre. Akélia n'avait pas l'énergie de rester debout, alors elle glissa contre l'écorce qui accrocha sa cape.

—Les autres sont devants, indiqua Ayan en examinant l'alchimiste se replier sur elle-même. On les rejoindra quand tu seras prête.

Un hochement comme seule réponse, la jeune fille gardait son regard dans le vague. Elle regroupa ses jambes entre ses bras, mouvant ses orteils dans ses bottes. Elle était en vie.

—Tout le monde est sauf ? Chuchota-t-elle en se battant contre le chagrin qui menaçait de l'emporter.

Ayan claqua sa langue sur son palais et s'accroupit devant elle, un léger sourire sur son visage d'ordinaire de marbre.

—Oui, ils vont bien. Comment... Comment tu te sens ?

Akélia souffla, en rejetant ses émotions aussi que possible. Elle n'était bonne qu'à ça de toute manière.

—Je ne sais pas, éluda-t-elle.

Tendant ses jambes devant elle, l'alchimiste prit un instant pour repousser dans les tréfonds de son âme les images de la nuit passée, de Ferdinand et du cadavre de sa fille. Elle serra les dents jusqu'à en avoir mal. Il n'y avait que la douleur qui surpassait sa tristesse.

Akélia se releva à l'aide de l'arbre contre lequel elle était adossée. Ayan lui tendit une main qu'elle refusa. Son dos criait de douleur mais c'était supportable. Presque trop tolérable. Ferdinand l'avait guéri. Le fantôme de sa blessure était la dernière chose qu'elle gardait de lui. De nouveau, le désespoir manqua de l'assaillir. Il était encore plus fort que le courant de la Rykk. Plus fort que n'importe quelle tempête, n'importe quel Grand Froid. Plus venimeux que le Venin et mille fois plus violent que les coups de ceinture de Bursk.

Il n'y avait pas de crème, pas de remède, qui le ferait partir. Rien ne pourrait effacer la vision de cette maison en feu, cette adolescente égorgée, cet herboriste abandonné. Rien au monde ne pourrait lui retirer le poids de la culpabilité qui l'incombait.

Le Prince et l'Alchimiste (REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant