Chapitre V « Rose en colère »

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Bien recroquevillée contre la paroi du jet, je garde mes bras serrés autour de mes épaules, mes genoux repliés contre ma poitrine. Il m'a demandé de dormir. Mais comment ? Comment puis-je ne serait-ce que m'assoupir dans pareille situation ? Pourtant je suis épuisée... sauf qu'il n'est pas loin de moi. J'ai l'impression que je vais suffoquer, que je deviens claustrophobe, comme si l'habitacle de ce jet pourtant grand devenait malgré tout trop petit pour nous deux.

Bien caché derrière les gros fauteuils, je l'observe à la dérobée en train de regarder par le hublot. Il ne fait aucun mouvement, mais je pense qu'il sait que je le surveille. De temps à autre, il tourne les yeux vers moi, sans bouger d'un centimètre le reste de son corps, comme pour ne pas effrayer un animal sauvage. Cet animal, c'est moi... Mais finalement, c'est lui qui s'endort le premier, ce qui me permet de me rasséréner quelque peu, tout en me laissant la distraction de repenser aux derniers événements.

La première fois que je l'ai vu, il m'a en effet effrayé. Mes yeux, s'adaptant difficilement à la lumière qui venait les agresser soudainement, avaient vu un homme immense et imposant, semblant froid et en colère. Je voyais ses poings contractés, aux phalanges blanchies, pas la pression exercée. Mais j'étais encore plus apeurée par le fait que je ne pouvais même pas voir son visage en entier, dissimulé par un chapeau et des lunettes fumées. Rien en cet homme ne m'inspirait, et ne m'inspire actuellement, confiance.

Puis le trafiquant m'a jeté dans ses bras. Étonnement, l'homme m'a rattrapé plus doucement que je ne l'aurais cru, s'assurant que je ne tombe pas. Il n'empêche que je me suis dégagée le plus vite possible, son contact me dégoutait et m'apeurait encore plus. Quand il a tiré sa veste pour me la passer aux épaules, j'ai tout de même accepté, soulagée de pouvoir me couvrir. Sauf que lorsqu'il m'a tiré afin de sortir de ce hangar, je n'ai plus rien compris à la situation. J'ai juste vu des militaires armés jusqu'aux dents qui descendent du ciel tel des anges déchus. Perdue, j'ai laissé le grand homme m'emporter derrière lui. Mais nous avons été attaqués. N'étant pas une pauvre petite chose sans défense, je me suis très bien défendue toute seule, l'adrénaline endormant la douleur de mon corps. Pourtant, j'ai été surprise de voir comment il avait massacré mon agresseur de la veille, et quelle hargne il y mettait... c'en était encore plus apeurant.

Également, j'étais on ne peut plus satisfaite d'avoir eu le loisir de réduire à néant l'entrejambe de ce salop. Puisque le grand homme ne me tenait plus, j'ai évidemment tenté de m'enfuir bien que ne connaissant pas les lieux. Mais au moment où j'ai vu cette étendue de sable sans fin, j'ai eu l'impression que tout était perdu. J'ai alors eu la confirmation que j'avais été envoyée bien loin du Danemark... j'étais perdue... Quelles options avais-je encore pour me tirer de là ? Je ne peux plus que me raccrocher à l'espoir que les miens réussissent à retrouver ma trace et à me sauver...

C'est ainsi que l'homme, mon acheteur, voyons les choses en face, a réussi à me traîner dans un jet, un bel avion beige avec une ligne horizontale noir. Dans d'autre circonstances, j'aurais trouvé l'objet beau rien qu'à cause de sa couleur.

Je digresse. Physiquement parlant, il est si fort que je n'arrivais pas à me défaire de sa poigne. Mais au moment où nous sommes arrivés à l'intérieur du jet et qu'il à une seconde desserré son étreinte sur moi, c'est en me débattant comme une furie que je suis tout de même parvenue à me dégager de son emprise et à fuir au fond du jet. Je l'observais avec défiance à travers mes mèches de cheveux en batailles, et c'est alors qu'il s'est enfin décidé à retirer ses lunettes noires. Je sentais des sueurs froides couler de plus bel le long de mon épine dorsale. Il me fixait intensément, me détaillait de haut en bas, sans gêne, sans rien occulter semblait-il. Moi, faisant en sorte que personne ne voit mon effroi depuis le début, essayant de paraître fort en tout instant, je fixais ses yeux scrutateurs. J'ai été un instant saisie par la couleur de ces iris étonnants, d'une nuance de marron me faisant penser à de l'ambre. Puis j'ai espéré que ces même iris comprennent bien que je le hais de plus profond de mon âme et de mon cœur, les mettant en garde, les prévenant qu'avec moi , rien ne serait facile.

La Rose Des SablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant