Prologue « Bourgeon »

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La salle de réception est incroyable. Lumineuse, richement décorée et joliment fleurie. Je croise le regard de quelques peintures et me demande qui ils sont, ou plutôt qui ils furent. C'est très différent de ce que j'ai l'habitude de voir. Des serveurs et des serveuses passent entre les convives pour leur proposer vins, champagnes et amuses-bouches. Les invités discutent et rient avec entrain, les femmes portent des robes de bal toutes plus belles et colorées les unes que les autres, les homme arborent pour la plupart de chic smoking avec, je crois, des insignes militaires pour certains, les enfants ressemblent à des adultes miniatures. J'ai bien fait d'écouter ma mère et de mettre un smoking, aussi, autrement, je crois que j'aurais légèrement détonné...

Quelques exclamations et des gésticulades attirent mon attention. Je remarque une petite fille discutant avec un garçon de son âge, dans un coin. Vu sa tête, elle semble mi-énervée, mi-amusée. Mais si je l'ai remarquée, c'est aussi parce qu'elle à pour décorer ses cheveux coiffés en couronne tressée, des roses rouges tout autour de la tête. Elle est bien la seule personne à cette réception arborant pareille coiffure. Pourtant, c'est très joli.

― Père, qui est-ce ? demandé-je après avoir attiré son attention.

Il s'excuse poliment auprès de l'homme avec qui il discute et se tourne vers moi, m'interrogeant d'un regard. Je lui désigne la petite fille. Il la regarde à son tour, plisse les yeux, hésite un instant, puis me répond :

― Il me semble qu'elle se nomme Marie-Mette Rosenkrantz, elle est la fille aînée et héritière du comte Henrik Rosenkrantz et de son épouse, la comtesse Birgit.
― Elle est la fille aînée, donc ?.
― Oui. On m'a dit que c'était une jeune fille brillante qui étudie dans l'un des meilleurs collèges du pays.

Une jeune fille brillante ? D'ici on dirait juste une gamine comme les autres. Elle essaie de résister à son ami qui cherche à l'attirer vers la piste de danse alors qu'elle s'exclame envers le jeune garçon : "Nej, Nikolaï ! Nej !". Je laisse discrètement un rire m'échapper en voyant cette scène enfantine.

― Pourquoi ces questions ? reprend mon père. Elle t'intéresse ?

Cette fois-ci je manque plutôt de m'étouffer avec ma flûte de champagne, avant de tourner un regard horrifié vers mon père.

― Père ! Ne dites par pitié ! Elle doit avoir quoi ? Onze ? Douze ans maximum ?
― Fils, rit-il en me donnant un coup de coude. Tu sais bien que je te taquine sans cesse...
― Oh, chéri, intervient ma mère.

Elle a l'art et la manière d'apparaître de nul part, à la manière d'une panthère bondissant d'une haute branche de laquelle elle observant les pauvres mortels en contre-bas, incapable de voler ni même de grimper à sa hauteur.

― Vous êtes très intelligent, doué en affaire, avec les chiffres et vous possédez un charisme indéniable que vous avez, heureusement, transmis à notre fils, assure ma mère en ajustant d'un geste perfectionniste le nœud de cravate qui a eu la mauvaise idée de se mettre de travers.
― Je vous en prie, continuez, plaisante Idrisse.
― Mais, reprend Shainez en remettant à sa place ce gredin de nœud. Vous possédez un humour ignoblement douteux.
― Il fallait bien que les bonnes choses se terminent à un moment...
― Ce pourquoi vous devez absolument me laisser me charger de la partie « capitale sympathie » !

Le nœud a été remis à sa place.

― Bref, mon pauvre chéri traumatisé, dit-elle en caressant ma joue de sa main.
― Mère... me plaint-je retirant doucement sa paume de mon visage. Arrêtez de faire cela en public, s'il-vous-plaît... j'ai dix-huit ans, plus huit !
― De une, vous aurez dix-huit ans dans cinq jours. De deux, je sais que vous avez envie de faire votre petite crise d'adolescence mais je ne vous laisserai pas devenir l'un de ses ados insupportables en proie aux hormones en feu. De trois, vous serez mon bébé jusqu'à ce que la Terre explose, promet Shainez en tirant sur la peau de ma joue.

La Rose Des SablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant