Joe n'en croit pas ses yeux. Sa fille, Anna, est prisonnière, retenue contre le torse de John Owlier, ce monstre. Le canon du pistolet est pressé contre la tempe d'Anna, et il ne tremble pas. Joe sent la colère monter en elle, mais elle est retenue par Stéphan, son mari, qui la garde en arrière, conscient que si elle perd le contrôle, tout pourrait mal tourner.
De son côté, Stéphan garde un sang-froid extraordinaire, mais il sait que la rage de Joe peut tous les mettre en danger. John, avançant prudemment avec Anna dans ses bras, semble aussi tendu que résolu. Il veut s'assurer de pouvoir quitter l'île avec eux, mais il évite soigneusement d'endommager sa précieuse otage.
— Dis à ta maman que je ne ferai de mal à personne si vous nous laissez partir avec vous, murmure John à l'oreille d'Anna, sa voix mielleuse.
— Vous ne méritez même pas de respirer ! rétorque Anna avec une voix tremblante, tentant de garder son courage.
— Tut tut, ne sois pas si vulgaire, ma chère. Tu n'es pas en position pour ça, répond John calmement.
Anna le sait. Chaque geste compte. Elle tente de se dégager de son emprise, mais John désactive brusquement le cran de sécurité de son arme. Le bruit sec la fige instantanément. Elle tourne un regard désespéré vers sa mère, qui, en colère, remonte ses manches, dévoilant des tatouages qu'Anna avait déjà vus auparavant.
Joe s'apprête à bondir. Stéphan, réalisant que la situation pourrait dégénérer en une fraction de seconde, avance d'un pas, ses mains levées en signe de paix.
— Monsieur Owlier, s'il vous plaît, c'est notre unique fille. Ne lui faites aucun mal.
John affiche un sourire narquois.
— Vous accompagner, ou rester ici à mourir. Choisissez, mais ne me faites pas croire que ce train nous sauvera vraiment, dit-il avec ironie.
Pourtant, quelque chose dans l'attitude de Joe le rend nerveux. Le léger sourire en coin qu'elle affiche ne lui échappe pas. Il devine qu'ils ont une véritable échappatoire.
— Je me porte garante de sa sécurité, clame soudain Anna, la voix forte et déterminée.
— Non, ma chérie ! proteste Joe, furieuse, ses poings serrés sur ses hanches.
Anna secoue doucement la tête. C'est la seule solution. Si John obtient ce qu'il veut, survivre et protéger ceux qui sont avec lui, il relâchera peut-être un peu la pression. John commence à relâcher légèrement son étreinte autour d'elle. Les autres, silencieux, osent à peine respirer. Dennis observe la scène de loin, veillant sur sa mère encore en état de choc après les révélations que Joe lui a faites plus tôt. Johanna et Ethan, restés en retrait, échangent des regards nerveux, se demandant si John est encore maître de lui-même.
Puis, soudain, tout bascule. Un des collègues de Stéphan, dans un geste maladroit, tente de se rapprocher discrètement sur le côté. Mais le mouvement attire l'attention de John. Sans hésitation, il tire une balle. Le coup est sec, précis. Le corps de l'homme s'effondre, une flaque de sang se répand sur le sol.
Joe pousse un cri de rage, prête à bondir, mais Stéphan la retient de toutes ses forces. Les murs du tunnel tremblent, mais cette fois, ce ne sont pas les pas de Joe. C'est la ville de Stormdale, qui commence à s'effondrer sous les explosions.
— Montez tous dans le train ! L'île est sur le point d'imploser ! hurle Stéphan, la voix pleine d'urgences.
Le sol continue de trembler, les murs se fissurent. Alexandre, un des mécaniciens, se précipite vers la cabine de pilotage, prêt à démarrer le train.
— On n'a plus de temps à perdre, chef ! crie Alexandre.
Tous se hâtent vers le monorail. De l'extérieur, il ressemble à n'importe quel autre train de Stormdale, mais une fois à l'intérieur, c'est un autre monde. Anna, toujours plaquée contre John, voit l'intérieur pour la première fois. Là où il devrait y avoir des sièges, il y a des banquettes en cuir marron, des tables en bois massif et des rouages apparents. Les stores vert bouteille couvrent les fenêtres en plexiglas, et la lumière douce des abat-jour jaune moutarde donne un air presque chaleureux, en dépit de la situation chaotique.
— Tu n'aurais pas dû investir autant, Stéphan, gronde Joe, en observant les détails.
— Je voulais que ça te rappelle des souvenirs, répond Stéphan avec un sourire timide, avant de déposer un baiser sur ses lèvres.
L'instant de tendresse contraste violemment avec la tension ambiante. Anna, touchée par l'amour de ses parents, sent un léger apaisement.
Stéphan prend ensuite la parole avec une fermeté retrouvée.
— Bon, voici comment ça va se passer. Nous sommes plus nombreux que prévu, mais Alexandre et moi allons conduire ce train. Je vous demande à tous de vous asseoir. Pour nos invités indésirables, il jette un regard froid vers John et ses acolytes, vous serez placés dans les cabines.
John, mal à l'aise, ne semble pas apprécier cet environnement. Tout dans le train lui rappelle que cet homme, Stéphan, contrôle la situation. Il sent que tout ce qu'il croyait savoir sur son employé et son entreprise n'était qu'une supercherie. Mais il ne dit rien.
— Je pense que vous pouvez me lâcher, murmure Anna, sa voix calme malgré la tension.
— Non, rétorque John, sans la moindre hésitation.
Anna commence à perdre patience. Elle a déjà négocié pour sa survie, pour celle de ses proches, mais John refuse toujours de la lâcher. Sa migraine s'intensifie, et elle sent qu'une vision pourrait arriver à tout moment. Elle a besoin de se masser les tempes, mais il la retient toujours fermement.
— C'est ridicule. Vous êtes en sécurité maintenant. Laissez-moi partir, insiste-t-elle.
Ignorant sa requête, John la tire vers sa gouvernante, Johanna, qui tient toujours Arcane, dans ses bras.
— Comment va-t-il ? demande John, l'air soucieux.
— Il est encore très affaibli. Vous lui en avez trop demandé. Il ne pourra plus vous protéger avant longtemps, répond Johanna, l'air grave.
Le regard de John s'assombrit. Même son fidèle compagnon est trop épuisé pour l'aider à maintenir son contrôle.
Un haut-parleur grésille. La voix de Stéphan résonne dans le wagon :
— Mesdames et messieurs, asseyez-vous bien et accrochez-vous. Le train va partir, et ça risque de secouer.
À peine a-t-il fini de parler que le sol tremble à nouveau, les secousses venant des explosions qui déchirent Stormdale. Stéphan serre fermement le levier de vitesse, tandis que Alexandre alimente le réservoir avec une substance colorée à l'aide de gants épais. Le train gronde, les moteurs vibrent, et le convoi prend de la vitesse, secoué par les tremblements.
Dans le wagon, les passagers tentent de se maintenir en place. Joe s'accroche aux barres du plafond, tandis que Ethan fait office de bouclier humain pour protéger Johanna et Arcane des valises qui volent dans tous les sens. John, toujours agrippé à Anna, lutte pour ne pas perdre l'équilibre alors que le train secoue de plus en plus violemment.
Profitant d'un instant de déséquilibre, Anna réussit à se dégager de son étreinte. Elle se précipite vers les toilettes et s'enferme à l'intérieur. Le corps tremblant, elle se laisse glisser au sol, épuisée, la tête entre les mains.
Soudain, une nouvelle vision l'envahit. Ses yeux se révulsent, et elle hurle de douleur alors que les images brutales s'imposent avec une force écrasante.
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Glockstorm : par delà les visions ~ En cours
Science FictionAn 2255. La terre n'est plus comme nous la connaissions. Suite à de nombreuses catastrophes dues au réchauffement climatique, il ne reste plus que quelques îles où les survivants ont dû s'adapter. Deux cents ans après ce drame, Anna Dogger tente d...