Anna sort du bâtiment, complètement paniquée. Son tailleur crème, trempé de sueur, colle à sa peau. Son cœur bat furieusement dans sa poitrine, ses tempes pulsent sous la douleur, et elle avance sans savoir où aller. Ses pas la mènent au hasard à travers la ville, désorientée, perdue.
Elle percute plusieurs personnes sur son chemin, murmure des excuses à peine audibles, les yeux fixés dans le vide. Tout se mélange dans son esprit : les bruits assourdissants de la ville, les images chaotiques de la vision qu'elle a eue pendant son entretien. La douleur dans sa tête ne faiblit pas.
Anna traverse un passage piéton, mais ne remarque pas que le bonhomme est rouge. Un klaxon retentit brutalement, la tirant de sa torpeur. Une voiture freine d'urgence et l'automobiliste hurle des insultes en s'éloignant. Tremblante, Anna grimace de dégoût et s'éloigne rapidement vers le trottoir.
Son souffle est saccadé. Elle tente de se raccrocher à la réalité, mais son esprit revient sans cesse à ces images effrayantes qu'elle a vues dans le bureau de M. Owlier. Les bâtiments inversés, la ville rouge sang. Elle ne comprend pas ce qui se passe. Tout lui échappe.
Elle bifurque dans une ruelle, les effluves des restaurants flottant dans l'air la prennent à la gorge. Anna s'assoit lourdement sur le sol poussiéreux, à l'abri des regards, et s'effondre, les larmes coulant le long de ses joues. Elle cache son visage dans ses mains, envahie par la peur.
Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive. Depuis son enfance, ces visions apparaissent sans prévenir. Une image, un son, une forme, et quelque chose en elle se déclenche. Ce n'est pas qu'un simple rêve éveillé : ces visions se glissent dans son âme, violentes, inévitables. Ses parents l'ont toujours protégée, lui interdisant d'en parler à quiconque. Elle ne comprend toujours pas pourquoi elle, une simple fille passionnée par la science et la mécanique, est condamnée à voir ces horreurs.
Son meilleur ami, Dennis Rotver, est le seul à qui elle a pu se confier. Il a été témoin d'une de ses crises, et depuis, il l'a toujours soutenue, même si ses visions lui pèsent. Ces phénomènes ont une étrange particularité : ils prédisent à la fois le passé et l'avenir. Anna passe ses jours à chercher à comprendre d'où ils viennent, ce qu'ils signifient. Mais le poids de ces révélations, surtout quand elles prédisent des catastrophes, devient parfois insupportable.
Une main se pose sur son épaule. Elle sursaute violemment pour la quatrième fois de la journée. À travers ses larmes, elle distingue une silhouette familière. C'est Dennis, son ami d'enfance. Elle pousse un hoquet et se jette dans ses bras, cherchant du réconfort.
— Ça s'est si mal passé que ça ? demande-t-il doucement, l'inquiétude teintant sa voix.
Anna ne répond pas. Épuisée par ses émotions, elle n'a qu'une envie : rentrer chez elle.
— Je t'expliquerai plus tard, murmure-t-elle dans ses bras. Rentrons.
Dennis l'aide à se relever, la soutenant par le bras. Ensemble, ils retournent sur le boulevard. Dennis lève la main pour héler un taxi. Une voiture s'arrête rapidement, et il aide Anna à monter avant de donner leur adresse au chauffeur :
— Direction 566 Pikaya Street, s'il vous plaît.
Le taxi démarre en trombe, s'engouffrant dans la circulation dense de la ville, tandis qu'Anna repose sa tête contre la vitre, essayant de chasser les images qui hantent son esprit.
* * *
À l'autre bout de la ville, M. Owlier descend de sa limousine devant un immeuble à l'angle de la 4ᵉ avenue d'Ikon Nice. Il est préoccupé, son visage fermé. Depuis la fuite précipitée d'Anna Dogger, il n'a pas réussi à se détendre. Il a envoyé son fidèle compagnon, Arcane, pour la surveiller. Quelque chose ne tourne pas rond.
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Glockstorm : par delà les visions ~ En cours
FantascienzaAn 2255. La terre n'est plus comme nous la connaissions. Suite à de nombreuses catastrophes dues au réchauffement climatique, il ne reste plus que quelques îles où les survivants ont dû s'adapter. Deux cents ans après ce drame, Anna Dogger tente d...