Chapitre 17 : Subite colère

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Anthony scrute les alentours et guette les faits et geste de ses soldats qui lui indique le danger imminent.

— Bon, ce n'est pas tout, mais nous devrions y aller, s'impatiente-t-il l'œil aux aguets.

Il fait un simple geste de la main pour que les soldats l'accompagnant se tiennent prêts à attaquer. C'était faible, mais il a ressenti une présence autre que celle de ses hommes. Il regarde la jeune femme qui s'effondre sur le sol, abattu par la vision de Stormdale en ruine. Ce qui l'arrange, c'est qu'elle ne l'envahit pas de questions auxquelles il ne saurait répondre. Ou du moins qu'il éviterait de répondre.

Le craquement d'une brindille lui fait relever la tête. Anthony scrute attentivement les moindres recoins de la forêt de pins. Malheur à celui qui voudrait le berner sur son propre terrain de jeu. Il brandit sa main, et de ses deux doigts, donne les directives à ses hommes. Lui, ne peut se battre et doit protéger la menace environnante.

Anthony émet un léger sifflement qui alerte les deux loups. Ceux-ci posent leurs museaux contre les bras dénudés de la jeune femme, avant de déguerpir dans les bois. Anna, remarque le manège des animaux. Elle ressent la tension qui émane de son accompagnant, mais n'a le temps de réagir en se levant, qu'elle reçoit un choc dans l'estomac avant de s'écrouler à nouveau.

* * * * * *

Bénédicte fait claquer ses talons d'un pas pressé dans les couloirs de l'ancien laboratoire. L'information de Fergus l'a mise dans un état de colère impitoyable. Elle tourne à l'angle d'un autre couloir, où les personnes la croisant baissent la tête devant elle. La nouvelle a été répandue pour renforcer la sécurité. Ils savent donc qu'il ne faut pas rajouter de l'huile sur le feu.

Sans contrôler sa force, Bénédicte ouvre avec violence la porte de son bureau. Joe l'attend aussi sagement que si elle réparait son évier. Son chewing-gum se fait mastiquer entre ses molaires, alors qu'elle est confortablement assise sur le canapé, les pieds sur la table basse et les bras croisés derrière la tête.

Stephan, lui, feuillette des ouvrages de la bibliothèque, scrutant et analysant les avancées des recherches qu'il a dû abandonner depuis tant d'année. Car Bénédicte ne le sait que trop bien, mais ce centre de recherche aux allures de site abandonné et hanté appartenait autrefois à l'homme en face des étagères.

— Sur les nerfs ma chère ? réplique Joe en plissant les yeux.

— Pas tant que ça ! crache-t-elle sans réussir à contrôler le timbre de sa voix.

Joe soupir quand Bénédicte s'allume une cigarette. Après tous ces événements, elle est tentée de lui en demander une. Mais elle a promis à son mari d'arrêter et compte bien s'y tenir.

— Tu as adopté la tenue des années cinquante ? C'est d'une laideur.

— Il faut savoir s'adapter quand on arrive dans une ville comme Stormdale, lance machinalement Joe en secouant la main. Surtout quand celle-ci est contrôlée par une famille d'ennemi.

— Tss.

Bénédicte se renfrogne. Une des missions de l'opération était l'anéantissement de la famille Owlier. D'autant plus qu'il ne reste plus qu'un membre. Durant la traversée de brume sur les autres îles, les membres de famille, respectés et craints, ont pu voir leurs morts les accueillir à bras ouverts. Cela a été un carnage acclamé par les habitants de Glockstorm. Mais si cette histoire s'arrêtait là, ce serait parfait. Malheureusement, tant de secrets ne seront pas encore dévoilés.

— Joe, j'entends bien que votre voyage a été épuisant, mais nous ne devrions pas tarder à partir, soupire Bénédicte à fleur de peau.

— C'est hors de question ! La connexion s'est faite. Je l'ai ressentie comme si on me rendait une partie de mon âme.

D'abord ferme, Joe se touche le cœur en baissant la tête. Ce qu'elle a perdu dans sa jeunesse avant d'embarquer à Stormdale lui avait entravé son organe vital. Cela avait atteint un point où, durant les semaines suivantes, Stephan a dû la maintenir sur le bon chemin pour éviter qu'elle n'abandonne la mission. C'est au moment où elle a appris qu'elle était enceinte que le petit être grandissant dans son ventre avait remplacé la perte de son loup.

— Et puis nous devons lui apporter des explications, intervient Stephan en levant le nez de ses livres. Elle est en âge de savoir d'où elle vient exactement et qu'elles sont les liens qui unissent nos familles.

Bénédicte ne veut pas perdre de temps, mais elle n'a guère le choix. Elle va devoir renforcer la sécurité et empêcher les premières diligences de partir. Elle se tourne vers la sortie, mais elle recule quand la porte lui faisant face s'ouvre avec fracas sur Anthony.

Il porte sur son épaule le corps d'Anna, inconsciente du coup reçu par la crosse de son fusil. Le regard vert du jeune homme est soucieux. Joe et Stephan accourent pour récupérer leur fille dans leurs bras et la déposent délicatement sur le canapé. Bénédicte croise les bras et observe Anthony qui s'avance vers elle.

— Ne me dit pas que...

— Chut ma douce, n'ai-je pas le droit à un peu de réconfort pour avoir sauvé la demoiselle en détresse ?

Anthony attrape Bénédicte par la taille et la fixe du regard. Il sait comment détendre son amie d'enfance, mais il sait que c'est une manœuvre toutefois dangereuse quand ses nerfs subissent autant d'épreuve. Elle pose un doigt sur la bouche de son ami et s'approche de son oreille :

— Si tu tentes de faire quoique ce soit, je te préviens, tu n'auras pas ce que je t'avais promis.

Anthony scrute attentivement Bénédicte pour savoir si elle se moque de lui ou non. Et à son grand désespoir, elle ne joue pas du tout. Il se recule, puis sort une boite métallique de son manteau noir pour y sortir une cigarette. Il prend le temps de tourner le zippo de sa main droite avant de déclarer ce qui va mettre son amie dans un état extrêmement dangereux.

— Anthony, j'attends ton explication, presse-t-elle en soupirant.

— Deux minutes, je réfléchis.

Il attrape une chaise qu'il dépose devant Bénédicte. Loin d'avoir peur d'elle, il sait que dès qu'elle rentre dans une colère noire, il faut retirer tout ce qui est arme à feu et tranchant, et lui procurer des objets pouvant s'envoler. Une fois son petit manège installé, Bénédicte se voit faire face à une montagne d'objet divers devant elle. Elle en est abasourdie, surtout quand une petite figurine fabriquée par Fergus se retrouve au-dessus de la pile. Quand est-ce qu'il a trouvé le temps de la fouiller pour récupérer cet objet ?

— Alors, pour commencer, la demoiselle à vue l'état de son ancienne civilisation, commence-t-il prudent.

Les poings de Bénédicte se serrent.

— Les loups sont restés près d'elle tout le long, jusqu'à ce que je sois avertie d'une intrusion, continue-t-il en reculant de plus en plus.

Bénédicte sent son sang bouillir en elle.

— Et pour finir, j'ai pu m'échapper à temps avec la demoiselle, mais mes hommes sont tombés, achève-t-il avant d'ajouter, nous devons partir, car il a gagné en puissance.

Ce qu'Anthony redoute, arrive. Bénédicte entre dans une rage incontrôlable. Le mieux pour tout le monde est de sortir au plus vite, sinon il risque d'y avoir des blessés. Anthony presse Stephan et Joe à sortir avec leur fille, puis ramasse la porte sur le sol et la remet en place en la bloquant de toutes ses forces. Les hurlements et les coups d'objet se fracassant contre le mur, informe Fergus qui arrive en sifflotant dans le couloir. Il observe Anthony avec un grand sourire :

— On a intérêt à se planquer après sa folie.

Anthony lève les yeux au ciel et maintient la porte, tandis que Fergus passe son chemin en sifflotant de nouveau.

Glockstorm : par delà les visions ~ En coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant