Chapitre trois

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Arès

Parfois, quand je me concentre assez, je peux la voir apparaitre de moi. Presque réelle : l'Olympe. Elle est grandiose, surtout à une époque où l'architecture humaine est devenue si... banale. Le temple des dieux ne s'est jamais écroulé, jamais fissuré. Les statues à nos effigies se tiennent encore là, fier et droite.

Fut un temps où l'on m'acclamait. Je siégeais parmi les douze dieux principaux, régnant sur le monde. Je prenais parmi les décisions les plus importantes. Je suis le fils unique, en tout cas le seul légitime, de Zeus et Héra. Toute ma vie j'ai encaissé la haine dévorante que mon père me porte, trouvant refuge auprès de ma mère.

J'imagine que c'est la raison de sa colère envers moi. J'ai conscience ne pas être celui qu'il désirait. Mais je suis ce dont les humains ont besoin. Je les ai mené, soutenu, plus de fois que je ne pourrais le compter.

De plus, j'ai encaissé les querelles répétées avec ma soeur Athéna. Nous nous sommes battus, des siècles durant. Mais jamais, au grand jamais, je ne l'aurai imaginé me trahir ainsi. Oser me renvoyer de l'Olympe comme si je n'était qu'un guère traite. 

J'avoue ne m'être jamais réellement senti à ma place sur ce trône. Avide de violence et de juste, j'ai combattu côte à côte avec l'humanité durant toute ma longue existence. 

Cependant, je dois bien l'avouer, maintenant que j'y ai plus accès : l'Olympe me manque. Il s'agissait de ma demeure, bien que je ne l'admettrai jamais à ma famille.

Je secoue la tête, haïssant la vague d'émotion qui me traverse. La rage sourde qui m'embrase habituellement se fait doucement remplacer par autre chose. Un sentiment tout aussi dévorant, mais qui me serre les tripes avec encore plus de force. De... De la douleur ? J'imagine. Cette pensée m'arrache un sourire.

Pas à dire, l'humanité m'affecte. 

Je suis né en colère. Je suis né colère. C'est mon rôle. Je n'ai jamais rien ressenti d'autre. Si ce n'est de l'amour, car c'est une erreur que j'avais fait un jour. Avec la déesse Aphrodite, qui s'est jouée de moi. Elle m'a manipulé comme un pantin et j'avais avalé chacun de ses mensonges comme un enfant en quête d'approbation. 

Je chasse ces souvenirs avec un juron. Mon désir de vengeance prend le dessus, plus fort que jamais. 

— Je sais que vous m'entendez, lâché-je. 

J'ai l'air pathétique à parler seul, mais bon, parfois je m'y surprends. En recherche d'une normalité perdue. 

— Je... 

Ma phrase se suspend dans le vide. J'ignore ce que j'allais leur dire. Sans doute, les insulter. Ils le méritaient après tout. Pourtant, les jurons ne sortent pas de ma bouche. Je secoue la tête. 

Du regard, je parcours la ruelle dans laquelle je me tiens. Vieille, sale. Les vieux journaux se font emportés au vent. Le tout est très négligé. Les couvertures et cartons posés au sol me permettent de déduire que des sans-abris vivent ici.

Les humains abandonnent les leurs sans un regard en arrière. Les laissant vivre dans une pauvreté abjecte qui m'écoeure. Je hais être ici, associé à eux.

Je crois avoir besoin de me défouler. Et, heureusement, je connais l'endroit idéal pour cela. Alors je m'avance, le son de mes lourdes bottes sur le sol résonne dans toute la ruelle. Je sifflote, même, distrait.

À quelques blocs de là se trouve une salle de sport. Des combats illégaux si donnent, à mort. J'y vais régulièrement depuis mon arrivée sur Terre et, évidemment, je ne perds jamais. Il s'agissait d'un pari sans risque pour moi.

Certes, je suis devenu mortel. Mais ma force ne m'a pas quitté, et mon désir de vaincre non plus. D'un pas désormais décidé, je rejoins la rue principale. Les commerces sont tous fermés à cette heure tardive. Sauf pour un bar, situé au coin de la rue.

Je fronce les sourcils, je n'avais jamais remarqué ce dernier. Il se situe à côté de l'hôpital. Un mélange d'odeurs étrange flotte dans l'air. Du sang, de la mort et de l'alcool. Un sourire étire mes lèvres. 

En sifflotant je passe devant un restaurant chinois, entouré de deux échoppes de tatouage fermées. Quelques rues plus loin j'arrive enfin devant la salle de sport.

J'ai un sourire, même de l'extérieur il est possible de le sentir. La violence fait crépiter l'air et j'adore cela. 

J'entre par la porte arrière, comme d'habitude. Immédiatement le bruit des combats ayant lieu en bas m'arrive. J'ai du mal à cacher ma joie. L'endroit tout entier sent la sueur et le sang. Des odeurs auxquelles je suis plus qu'habitué. Les cris des humains s'accentuent alors que je descends les escaliers.

La destruction que respire cet endroit me donne des poussées d'adrénaline et je me sens plus vivant que jamais. Je parcours la foule du regard, il y a environs une dizaines de personnes ici. Ils proviennent de tous les milieux. Des riches aux jeunes perdus qui cherchent à se faire un peu d'argent. 

Deux hommes se battent déjà sur le ring de fortune. Tous sont silencieux et me regardent, à la recherche de mon approbation. Bien. J'aime quand les humains ont conscience du bétail qu'ils sont. 

— Battez-vous, autorisé-je d'un geste de la tête.

Le combat reprend aussi tôt, et je me dirige vers les vestiaires afin de me préparer. Mon coeur bat à toute vitesse dans ma poitrine tandis que l'excitation me donne presque la chaire de poule.

La nuit promet d'être longue, et intéressante.

Le sang des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant