Chapitre sept

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Pandore 

Mon sac atterrit sur le sol en un bruit sourd et un cliquetis métallique. Je pose mes clés tout aussi sèchement sur le comptoir de ma cuisine, avant de balayer mon appartement du regard.

L'épuisement que je combats depuis deux jours m'a enfin rattrapé. Je devrais prendre une douche. Bien que le jet chaud me semble tentant, je suis bien trop fatiguée pour faire cela.

Je me dirige néanmoins vers la salle de bain, au moins désireuse de me brosser les dents et passer de l'eau sur mon visage. J'ouvre l'eau avant de stopper net mes mouvements. Mon reflet vient d'attirer mon regard. Lentement, j'approche mon visage du miroir.

J'ai une tête à faire peur. Mes boucles rousses paraissent autant exténuées que moi, et retombent mollement le long de mes épaules. Sans parler, bien sûr, des nombreux noeuds que j'y devine. Même le marron de mes yeux a perdu un peu de son éclat, et je n'ose même pas parler de la netteté de ma peau.

Un frisson parcourut mon échine, et je chasse cette image avec un long soupir.

Plus le temps passe, moins je reconnais l'image que me renvoient les miroirs. Mon travail nécessite un dévouement total, que je donne sans soucis, mais je le sais, l'épuisement me tuera si je continue sur cette voie. Pourtant, je ne peux pas arrêter, trop de personnes comptent sur moi.

Finalement, après avoir remis un peu d'ordre sur mon visage, je me dirige vers le salon plongé dans l'obscurité. Tout semble si tranquille ici. J'hésite presque à adopter un chat, mais je sais que ce ne serait pas responsable. Entre mon déménagement prochain et mes horaires de travail instables, l'animal s'ennuierait bien vite.

C'est mollement que je me laisse tomber sur le canapé, tout en regrettant d'avoir laissé mon téléphone portable dans mon sac à main. À défaut d'aller le chercher, je choisis d'allumer la télévision. Le son d'une série policière couvre rapidement le silence.

Je devrais sans doute aller me coucher, mais ne trouve même pas l'énergie de faire cela. Aussi fatigué que soit mon corps, mon esprit, lui, est en pleine ébullition. Rien qu'aujourd'hui j'ai traité différents accidents domestiques, des brûlures aux troisièmes degrés, quelques coupures alarmantes, et bien sûr, John Doe.

Nous l'avons opéré à nouveau, et enfin pu extraire la balle qui nous manquait. Maintenant, les cartes ne sont plus dans mon camp. Tout repose sur le destin, ou sur Dieu j'imagine. Je ne me considère pas croyante, mais j'avoue me surprendre à prier pour qu'il passe la nuit. Chaque jour qui passe le rapproche de sa guérison.

Mes pensées divaguent. Il y a tellement d'éléments étranges dans ce cas que je n'ose même plus les compter. Premièrement, il est encore en vie. Ce qui relève du miracle. De plus, son corps résiste à tout ce qu'on lui donne et aux opérations à répétition. Fascinant.

Bien évidemment, ce genre de choses arrivent. J'ai déjà vu des patients revenir de l'enfer, survivre à l'impossible, mais, lui ? Nous sommes encore sur un autre niveau.

Frustrée par le manque de réponses, et par l'émission qui se diffuse sur ma télévision, j'éteins l'écran. Je me remets debout, et décide qu'il est plus que temps d'aller me coucher. J'ai une journée de repos demain, mais reprends le jour qui suit. D'autant plus que, de part mon statut, je pourrais être appelée à chaque seconde.

Comme pour faire écho à cette pensée, une sonnerie aiguë brise le silence. Je me dirige vers mon téléphone, qui se trouve encore dans mon sac à main, et décroche.

— Marc ? le salué-je en répondant.

Il m'appelle souvent, surtout en ce moment. Depuis qu'il sait que je pars pour devenir chef de service, loin d'ici, il semble avoir perdu la tête. Seigneur, j'ai bien hâte de changer d'air et me rapprocher de... Je ne veux pas y penser.

En bref, j'ai besoin de changer d'air.

— Tu es chez toi ?

— Oui.

Une urgence se faisait entendre dans la voix de mon collègue, et cela me fait froncer les sourcils. Il n'est pas du genre à perdre pied pour un rien. Peut-être qu'un nouveau trauma sans précédent est arrivé. Un frisson traverse mon échine à cette pensée, je suis épuisée et clairement pas en état de travailler. Au moins, l'adrénaline me garderait éveillée.

— Reviens à l'hôpital. Tout de suite.

Seigneur, mon corps hurle à cette demande. Je suis tellement épuisée, mais, j'ai dévoué ma vie à cet emploi. Il y a un silence de plusieurs secondes, qui me semble être des heures, tandis que j'attends ce qu'il va dire.

— Que se passe-t-il ? demandé-je finalement.

— C'est ton John Doe Pandore, il est réveillé. 

Le sang des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant