Arès
Je suis revenu à moi dans un corps qui ne répondait plus. Et franchement — je ne le recommande à personne.
Il y a quelque chose de profondément humiliant dans le fait d'être conscient, parfaitement lucide, tandis que ton propre corps reste là, inerte, comme s'il avait oublié qu'il t'appartenait. Pour quelqu'un d'autre, peut-être que ça aurait ressemblé à une paralysie du sommeil. À un cauchemar. Mais pas pour moi.
Moi, j'étais là. Présent.
Chaque seconde. Chaque souffle arraché aux machines. Chaque main froide qui me touchait comme si j'étais une curiosité, une chose à observer, à classer, à diagnostiquer.
Et dans toute ma très longue vie — et je veux dire très longue — ça ne m'était jamais arrivé. Pas une seule fois.
Mon esprit était intact. Tranchant comme toujours. Mais mon corps ? Inutile. Lourd. Mort. Incapable de bouger, même d'un millimètre. Incapable de signaler, de me défendre, de me redresser. Même pas assez fort pour récupérer un peu de dignité.
Heureusement — à un moment — j'ai réussi à ouvrir les yeux.
Apparemment, ça a suffi à faire hurler l'infirmière. Bien fait pour elle.
D'autres médecins sont arrivés. Certains se sont penchés trop près. L'un d'eux m'a même braqué une lampe dans les yeux comme si j'étais un chien. Ils m'ont tripoté, ausculté, murmuré entre eux comme si je ne pouvais pas les entendre.
Mais je les entendais. Et je ne les attendais pas.
Je l'attendais elle.
J'ai essayé de me rappeler comment j'étais arrivé ici. À en juger par la douleur vive dans mes côtes et les bandages sur mon torse, j'avais été touché par balles. Deux fois. Une à l'épaule. Une plus bas, dans le ventre — le genre de blessure qui tue lentement si tu n'as pas de chance. Immédiatement si tu en as trop.
Alors la vraie question, c'était : comment est-ce que je suis encore en vie ?
Quelqu'un serait intervenu ? Mon père ? Non. Il ne gaspillerait même pas une étincelle pour moi. Athéna ? Encore moins. Si elle avait voulu m'aider, je serais déjà mort. Enterré, par principe.
Peut-être un autre dieu. Un mineur. Un désespéré.
C'était la seule explication logique. Quelqu'un m'avait tiré des Enfers. M'avait forcé à revenir.
Ou alors—
Non.
Quelque chose est remonté à la surface. Un visage. Pas un rêve, non. Trop net pour ça. Trop vif. Une femme. Gravée derrière mes paupières comme une brûlure.
Sa voix. Ses yeux. Ses mains. Trempées de sang, précises, assurées. Elle donnait des ordres comme si elle possédait la pièce entière.
Une mortelle. Une chirurgienne. Une femme humaine, dans un hôpital délabré, plongée jusqu'aux coudes dans mes entrailles, en train de me sauver comme si j'en valais encore la peine.
C'est elle qui m'a sauvé.
Elle.
Et elle m'a donné des ordres.
Forte. Claire. Brillante.
Je me souvenais de tout.
Son visage. Des pommettes hautes, sculptées avec la précision d'un maître. Une beauté faite pour traverser les siècles. Le genre de visage que l'on retrouve sur des statues qu'on vénère encore des millénaires plus tard.

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Le sang des Rois
ParanormalArès, dieu de la guerre cruel et sanglant, n'a toujours connu que la haine, l'anarchie et le chaos total. Avide de destruction, il est banni de l'Olympe par son père, Zeus, qui le condamne ainsi à l'oubli de sa vie d'antan et à la mortalité. Arrivé...