Chapitre huit

1.1K 146 8
                                    

Je reprends conscience dans un corps inerte. Ce qui, je dois l'avouer, n'est pas une expérience plaisante. Dans toute ma longue histoire, cela ne m'est jamais arrivé auparavant. Mon esprit est parfaitement alerte, mais je suis enfermé dans un corps comateux, incapable de bouger même les doigts.

Au moins, j'ai réussi à ouvrir les yeux. Ainsi, j'ai presque donné une crise cardiaque à l'infirmière qui s'occupait de moi. Plusieurs médecins sont venus m'osculter, mais je n'attends qu'un seul d'entre eux en particulier.

J'essaye de me rappeler ce qui m'est arrivé. Au vu des quelques douleurs dans mon torse, je me suis visiblement fait tirer dessus. Et je suis resté inconscient très longtemps. Comment ai-je pu survivre ? Les dieux, mon père lui-même, m'a-t-il protégé ?

Ou... Un souvenir me revient. Un visage, en réalité, comme gravé sur ma rétine. Aussi tangible que surprenant : le visage d'une femme. Une femme qui a même osé me donner des ordres. Décisive, directe, magnifique.

Je me rappelle exactement de son visage. La perfection de ses traits, son nez aquilin, les tâches de rousseur qui parsemaient ses joues fines. Sans parler de sa chevelure rousse éclatante. Une humaine. Plus que cela, une humaine chirurgienne. Si j'avais pu sourire, je l'aurai fait. Moi, allongé sur un lit, dans un hôpital humain, sauvé par... Elle.

Je dois l'admettre, la panique ressentie à mon réveil peine à me quitter. Fort heureusement, elle est rapidement remplacée par une colère habituelle. Fini de jouer. Il est temps pour moi de retourner à l'Olympe, reprendre ma place en tant que dieu. Je ne vais tout de même pas mourir, et certainement pas comme un vulgaire humain.

Quelle heure est-il ? Les rideaux de ma chambre sont fermés, et tous les médecins autour de moi paniquent bien trop pour oser me parler. Je regarde d'un œil mauvais ce qu'ils font. Occupés à mesurer des chiffres, regarder des résultats de mes tests. Il faut que je sorte d'ici, il faut vraiment que je...

— C'est vrai, entendis-je en un hoquet de surprise, vous êtes réveillés.

Pour la première fois depuis ma prise de conscience, quelqu'un vient de s'adresser directement à moi.

Et, soudainement, mon plan d'échappatoire tombe aux oubliettes. Elle se trouve là. Je peux enfin la voir clairement. De petite taille, elle n'en reste pas moins imposante. Ses boucles rousses sont relevées en un chignon emmêlé, elle a l'air exténué et ne porte ni maquillage ni bijoux. De plus, sous sa blouse blanche, je peux deviner qu'elle porte un pyjama.

— Impossible.

Elle s'avança vers moi et, comme une marque de respect, les trois autres personnes présentes dans la pièce reculent d'un pas.

— Ses chiffres ? demande-t-elle d'un ton autoritaire mais poli.

— Il est stable, répond l'infirmière.

— Impossible, répète-t-elle alors.

— Nous n'avons pas oser lui enlever le ventilateur. Il semble encore trop dans les vapes et faible.

Faible ?

— Ça va venir, rétorque la rousse, vous pouvez y aller je vais rester à l'hôpital toute la journée. Appelez-moi s'il se passe quelque chose ou quand vous le retirez.

— Oui docteur.

Sur ces mots et dans un silence presque religieux la pièce se vide et je me retrouve enfin seule avec elle. J'en profite pour détailler avec attention les traits de son visage. Elle me rappelle quelqu'un. Non pire... elle est quelqu'un que je connais. Sans aucun doute. Comme une ombre de son passé qui se tient juste à côté de moi, debout, un dossier dans les mains.

— Je m'appelle Pandore, dit-elle finalement après quelques minutes de silence.

Pandore.

S'il j'avais pu rire, il je l'aurai fait. Un nom mythologique, bien sûr. La première femme. Pandore. Création des dieux, animée par ma sœur, Athena, façonnée par Héphaïstos. Celle qui a condamné l'humanité aux maux par sa curiosité, mais également celle qui a libéré l'espoir. Et c'est sans aucun doute ce dernier qui a permis aux hommes de devenir ce qu'ils sont aujourd'hui, même s'ils ne l'admettent jamais.

— Je suis à la tête du service de traumatologique de cet hôpital, continue la jeune femme. Je vous ai opéré deux fois, avec l'aide de mes collègues. On vous a tiré dessus à deux reprises, la deuxième balle m'a donné plus de fil à retordre mais j'ai réussi à la récupérer. Vous avez un corps très résistant, car je n'ai jamais vu une guérison aussi rap... Enfin je veux dire que tout ira bien pour vous.

Nouveau silence.

— Le plus important dans l'immédiat est que vous restiez tranquille et que vous vous reposiez. Je repasserai vous voir dans une heure.

Puis, impuissant, je la regarde sortir de ma chambre d'hôpital, visiblement sous le choc. Mon corps entier me hurle de la suivre, en vain. Je pousse un profond soupir. Au moins, je vais sortir d'ici très prochainement.

Et, elle va venir avec moi.

Le sang des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant