Le sang coule le long de mes bras, gouttant sur le sol comme au ralenti. Ce n'est pas le mien. Évidemment. La rage que je ressens ne fait que grandir, pulsant à travers mes veines. Dans un premier temps, mon père m'a demandé une audience, juste après avoir de nouveau effacé la mémoire de Pandore. Pourquoi les Dieux tiennent-ils tant à nous garder séparés ? Je l'ignore, et cette ignorance alimente ma colère.
Ensuite, cela fait quelques jours que j'ai demandé à mes hommes de retrouver mon tireur. En vain. La liste de ceux qui veulent ma peau est longue, une conséquence de mon passé tumultueux. Je m'essuie le cou à l'aide d'une serviette humide, ma tête bourdonnant de frustration et de fureur contenue.
Ce soir, je ressens le besoin de me défouler, d'essayer de me libérer un peu de toute cette colère. J'ai gagné contre trois hommes différents. Trois combats qui m'ont à peine aidé à me sentir mieux. Le dieu de la guerre, vaincu par ses propres émotions.
Je me trouve désormais à l'arrière du bar clandestin, dans des vestiaires, le banc métallique froid sous moi. J'entreprends de défaire les bandes autour de mes phalanges enflées, la douleur étant un rappel lancinant de ma réalité présente.
"Arès."
Je retiens à peine mon sourire en entendant la voix grave derrière moi. Je ne me mets pas debout, ne m'incline pas, ne me retourne même pas. Mon cher père ne mérite aucune marque de respect de ma part.
— Père, le salue-je néanmoins, ma voix débordant de sarcasme.
Zeus apparaît dans mon champ de vision, portant la peau d'un homme de cinquante ans. Son apparence humaine me semble pathétique. Une barbe bien taillée, un costume trois pièces, une canne en bois.
— Fils.
Son regard trahit le mépris, mais je soutiens son regard sans peur. Ses yeux d'un bleu surnaturel crépitent comme le tonnerre, mais il ne peut plus me contrôler. Je n'ai plus peur de lui. Je n'aurai plus jamais peur de lui.
— Pourquoi ? demandé-je simplement, mes pensées tourbillonnant avec tant de questions.
Il semble lire dans mon esprit, un talent que je déteste.
— Tu ne peux pas t'approcher de l'humaine.
Je secoue la tête sous l'effet du choc. Je ne l'ai pas vu depuis qu'il m'a condamné, et c'est d'elle dont il veut parler ?
— Que faites-vous ici ? lui demandé-je.
L'ironie cruelle de sa présence ici ne m'échappe pas.
Il ne s'est pas présenté lorsque j'ai failli mourir. Ni quand j'ai hurlé, appelé, supplié qu'il le fasse. Pourtant il ose se tenir face à moi maintenant. Il passe une main sur son visage.
Il ne me répond pas. Après quelques minutes passées dans un lourd silence, je réalise qu'il ne le fera pas.
— J'approcherai l'humaine si je le veux, ajouté-je finalement. Et elle s'appelle Pandore.
Zeus secoue la tête, ses mèches parfaitement plaquées sur son crâne me rendent fou de rage. Toute sa personne fait brûler une colère sans précédent en moi. Toute sa perfection irréelle.
— Te garder éloignée de l'humaine est un cadeau. C'est par pitié que je le fais.
— Pandore.
Il incline la tête, sans relever le manque de respect que je lui adresse depuis le début de notre conversation.
— Pandore, répéte-t-il calmement.
Il semble pensif pendant quelques instants.
— Tu n'étais pas supposé la rencontrer, me dit-il finalement.
Cette réflexion me frappe. Ma rencontre avec Pandore, nos conversations, sont une chose qu'il ne cautionne pas. Qu'il n'avait pas prévu. Pourquoi ? Qui est-elle ? Pourquoi est-elle importante au point de le forcer à s'incarner ?
— Arès, c'est par pitié pour toi que je te demande de rester loin d'elle.
Pas par amour. Par pitié. Il ne cesse de répéter cela. Comment ose-t-il avoir pitié de moi ?
— Je n'en veux pas, rétorqué-je sèchement. Votre pitié, votre protection. Quoi que ce soit, je ne veux rien de vous.
Il prend une profonde respiration. Un rire amer échappe à mes lèvres.
— Tu ne t'en rappelles pas, réalise-t-il finalement.
De quoi parle-t-il ? Le vieil homme me semble presque sénile tant son discours manque de sens à mes yeux.
— Écoute mon conseil Arès, avant qu'il ne se transforme en ordre. Si tu t'obstines à t'approcher d'elle, je n'aurai qu'à la tuer pour t'éloigner d'elle.
Pendant une fraction de seconde, je vois rouge.
— Je t'ai puni pour essayer de t'apprendre quelque chose. Pourtant tu ne fais que me désobéir, et emprunter un chemin que je ne peux cautionner. J'ai fait de mon mieux pour te donner une punition... clémente.
À ces mots il observe notre environnement miteux, un air dégouté sur le visage.
— Il n'y a rien de miséricordieux dans cette punition, Père.
Chaque mot est une gifle, un défi à l'autorité de celui qui a jadis gouverné ma vie. Je peux sentir la tension dans l'air, électrique et palpable.
Ma colère n'est pas apaisée, elle est nourrie, et je sais que cette confrontation avec mon père n'est que le début d'une bataille bien plus grande. Une bataille où je dois lutter non seulement contre les caprices des dieux, mais aussi contre mes propres démons.
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Le sang des Rois
ParanormalArès, dieu de la guerre cruel et sanglant, n'a toujours connu que la haine, l'anarchie et le chaos total. Avide de destruction, il est banni de l'Olympe par son père, Zeus, qui le condamne ainsi à l'oubli de sa vie d'antan et à la mortalité. Arrivé...